L'Île aux arbres disparus

Si ta barbe prend feu, d’autres vont venir y allumer leur pipe.

(Troisième partie : TRONC – Poivrons, Londres, fin des années 2010)

Elle avait envie de s’enrouler autour de ses paroles, d’en faire un bouclier comme des mains en coupe pour protéger une flamme du vent.

(Deuxième partie : RACINES – Amants, Chypre 1974)

Si une pierre tombe sur un œuf, c’est mauvais pour l’œuf; si un œuf tombe sur une pierre, c’est encore mauvais pour l’œuf.

(Flammarion, p.393)

Ceux qui sont restés traitent les blessures, puis les cicatrices, et ce doit être affreusement douloureux, dit Kostas. Mais pour nous… les fuyards, tu pourrais nous appeler comme ça… nous n’avons jamais eu la possibilité de guérir, les blessures restent toujours ouvertes.

(Quatrième partie : BRANCHES – Esprit tourmenté, Chypre, début des années 2000)

Peut être que tu as raison. Mais en moyenne, les hommes qui perdent leur épouse se remarient beaucoup plus vite que les femmes dans la même situation. Les femmes portent le deuil, les hommes remplacent.

Si vous allez à Chypre aujourd’hui, vous trouverez encore des tombes de veuves grecques et de veuves turques, gravées dans des alphabets différents mais formulant la même requête : Si vous trouvez mon mari, veuillez l’enterrer près de moi.

L'essentiel de la souffrance des arbres est provoqué par l'espèce humaine.(...)
Les humains (...) nous tronçonner en bûches pour chauffer leur demeure,et parfois ils nous abattent simplement parce que nous leur cachons la vue,fabriquent des berceaux,des bouchons,du chewing-gum et du mobilier rustique,tirent de nous des musiques ensorcelante,nous changent en livres dans lesquels ils se perdent pendant les froides nuits d'hiver,utilisent notre bois pour en faire des cercueils où ils achèvent leur vie,six pieds sous terre avec nous,et composent même des poèmes romantiques où nous leur servons de lien entre la terre et le ciel, et pourtant ils ne nous voient toujours pas.(p.65)

La vérité est un rhizome – une tige souterraine avec des ramifications. Vous devez creuser loin pour l’atteindre, et quand vous l’avez déterrée, vous devez la traiter avec respect.

(Troisième partie : TRONC – Figuier)

Si les familles ressemblent à des arbres, comme ils disent, des structures arborescentes aux racines mêlées et aux branches individuelles adoptant des angles bizarres, les traumatisme familiaux ressemblent à de la résine épaisse, translucide qui coule d’une entaille dans l’écorce. Ils coulent à travers les générations

Les arbres sont des gardiens de la mémoire. Entremêlés à nos racines, cachés dans nos troncs, courent les tendons de l'histoire, les décombres de guerre où personne n'a rien gagné, les ossements des disparus.
L'eau aspirée par nos raleaux, c'est le sang de la terre, les larmes des victimes, l'encre de vérités encore niées.