Parce que dans la vraie vie, à la différence des livres d’histoire, les récits ne nous arrivent pas complets mais par pièces et morceaux, segments brisés et échos partiels, une phrase entière ici, un fragment là, un indice caché entre les deux. Dans la vie, à la différence des livres, nous devons tisser nos histoires à l’aide de fils aussi fins que les capillaires des ailes de papillon.
La cartographie est un synonyme pour les histoires racontées par les vainqueurs.
Quant aux histoires racontées par ceux qui ont perdu, il n'y en a pas.
"Les superstitions sont les ombres des terreurs inconnues"
En vieillissant, on se moquait de plus en plus de ce que les autres pensaient de vous, et c’est alors seulement qu’on devenait plus libre.
Des légendes peut-être.
Mais les légendes sont là pour nous dire ce que l'histoire a oublié.
Des « faiseurs de veuve », c’est comme ça qu’on les appelait. Les eucalyptus, en dépit de leur charme, ont la manie de lâcher des branches entières, blessant, parfois tuant, les campeurs assez sots pour planter leur tente en dessous.
La cruauté de la vie ne tenait pas seulement à ses injustices, blessures et atrocités, mais aussi à leur caractère aléatoire.
Mais tout le monde n’a pas besoin d’être un guerrier, ma chère. Autrement nous n’aurions plus de poètes, d’artistes, de chercheurs…
— Je ne suis pas d’accord, dit Defne à son verre de vin. Il y a des moments dans la vie où chacun doit devenir une sorte de guerrier. Si tu es poète, tu combats avec tes mots ; si tu es peintre, tu combats avec tes toiles… Mais tu ne peux pas dire : “Désolé, je suis poète, je passe mon chemin.” Tu ne dis pas ça quand il y a tellement de souffrance, d’inégalité, d’injustice.
Le temps humain est linéaire, continuum parfait depuis un passé supposé révolu et réglé vers un avenir qu'on imagine pur et intact. Chaque jour se doit d'être tout neuf, empli d'événements nouveaux, chaque amour radicalement différent du précédent. L'appétit de l'espèce humaine pour la nouveauté est insatiable et je ne suis pas sûr qu'elle leur fasse grand bien.
Les immigrants de la première génération parlent constamment à leurs arbres - quand il n'y a personne à proximité, bien sûr. Ils se confient à nous, décrivent leurs rêves et leurs espoirs, y compris ceux qu'ils ont laissés derrière eux, comme des brins de laine accrochés à des fils de fer barbelés au passage de clôtures.