Les générations suivantes commençaient-elles inéluctablement là où leurs devancières avaient renoncé, absorbant toutes leurs déceptions et leurs rêves inassouvis ?
Où commence-t-on l'histoire de quelqu'un quand chaque vie se compose de plus d'un fil, quand ce qu'on appelle naissance n'est pas le seul début, ni la mort exactement une fin ?
Les braconniers n'avaient pas besoin de tirer sur les oiseaux, ils les leurraient avec leurs propres chants. en dissimulant des haut-parleurs derrière les buissons en plein champ, ils jouaient des sons aviaires pré-enregistrés pour attirer leur proie. Et les oiseaux accouraient ; en quête d'un des leurs, ils volaient droit dans le piège, la nuit se refermait sur eux. Entre l'heure la plus sombre et la première lueur, emmêlés dans le filet, une foule d'oiseaux se brisaient les ailes dans leur effort frénétique d'évasion.
Aujourd'hui, je considère le fanatisme - de tout ordre- comme une maladie virale. Il avance en rampant, scande le temps comme le balancier d'une pendule qui ne s'arrête jamais, s'empare de vous plus vite si vous faites partie d'une unité fermée, homogène. Mieux vaut se tenir à distance de toutes les croyances et certitudes collectives, c'est que je ne cesse de me dire.
Mais par temps de crise et de désespoir les êtres les plus dissemblables peuvent devenir amis ; ça aussi, je l’ai appris.
La sagesse se compose de dix parties : neuf de silence, une de mots.
Les légendes sont là pour nous dire ce que l'histoire a oublié.
Par ces nuits-là j'éprouvais tant d'amour et d'affection pour lui que j'en avais mal. c'était à de tels moments que la différence entre nous deux m'affligeait le plus. Combien je me suis lamenté de ne pouvoir changer mes branches en bras pour l'étreindre, mes brindilles en doigts pour le caresser, mes feuilles en un millier de langues pour lui murmurer ses propres mots, et mon tronc e un cœur où le loger.
J'aurais aimé pouvoir lui dire que la solitude est une invention humaine.
Les arbres ne sont jamais esseulés. Les humains croient savoir avec certitude où s'arrête leur être et où commence celui de l'autre. Avec leurs racines entremêlées et piégées sous terre, combinées aux champignons et aux bactéries, les arbres ne se nourrissent pas de telles illusions. Pour nous tout est relié. p 44, le figuier
Elle était pourtant troublée de relever des failles profondes entre les générations d’une même famille. Bien trop souvent, la première vague des survivants, ceux qui avaient le plus souffert, gardaient leur douleur proche de la surface, des souvenirs comme des échardes logées sous la peau, certaines saillantes, d’autres complètement invisibles à l’œil nu. Cependant, la deuxième génération choisissait de supprimer le passé, autant ce qu’ils en savaient que ce qu’ils en ignoraient. Par contraste, la troisième génération était prompte à creuser et à déterrer les silences. C’était si étrange que dans des familles meurtries par les guerres, les déplacements forcés et les agressions brutales, ce soient les plus jeunes qui semblent garder la mémoire la plus ancienne.