Parce que la lumière qui embrase la mer morte est à nulle autre pareille ; parce que l'ardeur brûlante au dessus de Massada semble infligée par une forge impitoyable ; parce que les toits de Jérusalem flamboient à toute heure du jour dans un incendie prodigieux, sans doute, pour moi, le mot incandescence symbolise la terre d'Israël.
Incandescent, ce livre l'est aussi, embrassant pêle-mêle les antagonismes irréconciliables de cette terre aussi maudite que sacrée, les liens familiaux et les amours vivantes et mortes.
De sa plume élégante, subtile,
Zeruya Shalev livre une oeuvre dense, pluri-racinaire, explorant les fils inextricables qui tissent un maillage étouffant de politique, de religiosité, de haines, de rancoeurs, de destins brisés, d'espoirs entêtés et de culpabilité sans fond.
Sans doute faut-il être israélien pour appréhender ce contexte vieux de plusieurs millénaires et pétri de douleurs.
Deux femmes, trois générations et 80 ans d'histoire.
D'un côté, Rachel, vieille dame de 90 ans. Dans sa jeunesse, elle s'est engagée dans le Lehi, mouvement libertaire épris de la volonté farouche de bouter l'anglais hors de Palestine, persuadé que juifs et arabes pouvaient vivre en frères. Et puis, la naissance de l'état d'Israël leur a donné tort, faisant de ce pays une forteresse intolérante, bardée de barbelés, érigeant la haine pour justifier réponse à l'ignominie de la seconde guerre mondiale. Mille jeunes guerriers sacrifiés sur l'hôtel de la politique... Parmi eux, Mano, premier et unique amour de Rachel, l'époux d'une année avant qu'il ne fasse volte face.
De l'autre, Atara, fille de Mano, qui soixante-dix ans plus tard, tente avec ironie et masochisme de colmater les multiples brèches d'une famille deux fois recomposée, d'un amour fou qui s'abîme, des meurtrissures de son fils revenu détruit de l'armée.
La rencontre de ces deux femmes, à priori improbable, va être le déclencheur d'une cascade d'événements et de revirements.
Parentalité et patrie, politique et religion, c'est dans ce maelstrom que l'auteur forge des destinées bouleversées et bouleversantes.
Stupeur est un roman puissant, douloureux et lumineux, où l'on retrouve cette lumière incomparable qui brille insolemment sur ce pays bâti entre un passé immémorial et la réalité d'un présent empreint d'adversités.
Une très belle découverte de cette rentrée littéraire.