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3,7

sur 227 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Née dans un kibboutz en 1959 et grièvement blessée en 2004 dans l'attentat qui pulvérisa l'autobus où elle se trouvait, Zeruya Shalev raconte, au travers des trajectoires brisées de deux femmes ordinaires, l'histoire d'Israël de sa fondation à nos jours : une longue descente aux enfers, de l'enthousiasme des idéaux à la stupeur des désillusions, quand le pays n'est plus aujourd'hui que fractures et déchirements dans une actualité toujours plus sanglante et explosive.


Rachel et Atara n'ont a priori rien en commun et pourtant leurs destins sont inextricablement liés. Rachel la nonagénaire vit depuis cinquante ans dans le désert de Judée, dans une colonie israélienne en territoire occupé. Elle qui rejoignit le Lehi, un groupe sioniste extrémiste qui, entre 1940 et 1948, employa le terrorisme pour libérer la Palestine des Britanniques, considère avec autant d'amertume que d'incompréhension l'état de division de son pays. Cette laïque qui crut tant au projet sioniste de 1948 n'est en l'occurrence que perplexité face au judaïsme ultra-orthodoxe choisi par l'un de ses fils. D'abord très réticente, elle se découvre en fait empressée de se raconter à une inconnue prétendant mener une étude sociologique sur les femmes du Lehi. Cette interlocutrice, Atara, est en réalité architecte du patrimoine. Bien trop assaillie par les regrets et les remords jalonnant un parcours marital et familial marqué par les ratages, entre divorces et foyers recomposés, pour se préoccuper de la vie politique de son pays, cette presque cinquantenaire s'intéresse en vérité à Rachel pour une raison toute personnelle : sur son lit de mort, son père l'a confondue avec une certaine Rachel, visiblement un ancien et très grand amour perdu…


A travers ces deux femmes dont l'existence, en une cascade infinies d'échecs et d'incompréhensions, contrarie sans cesse les aspirations et les projets, c'est le désarroi de la société israélienne dans son entier que peint ce roman aussi politique que finement psychologique. Car, à mesure que la narration investigue, à presque en épuiser son lecteur, les mécanismes au sein du couple, de la famille et de l'âme de ses personnages, se fait jour la perception d'une société fondamentalement étouffante, entre permanence de la guerre et traumatismes associés, différends idéologiques, politiques et religieux, et enfin pression territoriale, des colonies en zones occupées au mur de séparation, en passant par le chaos de l'urbanisme. Vivre en Israël, déclare un des protagonistes, c'est vivre sur un volcan qui peut entrer en éruption à tout instant et vous chasser d'ici. « A quoi bon préserver le patrimoine d'un pays qui n'a aucune chance d'exister dans deux ou trois générations. » « Il faut construire vite, simple et fonctionnel, sans s'occuper du passé », en l'occurrence des appartements avec pièces sécurisées…


Méticuleusement soigné dans sa construction et ses analyses psychologiques, ce roman sombre et tragique qui donne à comprendre l'histoire collective au travers d'un récit intimiste porte un regard vibrant, très éclairant, sur une société israélienne fracturée, parvenue au bord du schisme.

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Je dois avouer que le début de "Stupeur" de Zeruya Shalev m'a légèrement déçu.
Je l'ai trouvé à la fois confus et répétitif surtout pour une des meilleures écrivaines de son pays.
Ce n'est que lorsque l'implication historique des relations entre les personnages principaux est évoquée que le récit prend une toute autre allure.

Cette implication historique remonte à la Palestine sous mandat britannique et juste avant la fondation de l'État d'Israël et plus particulièrement sur le rôle du mouvement paramilitaire sioniste Lehi ("Lohamei Herut Israël ") ou Combattants pour la liberté d'Israël, aussi connu comme le groupe Stern, d'après le nom de son fondateur Avraham Stern, appelé également "Yair". Ce Stern d'origine polonaise, né en 1907, était un brillant élève, qui était persuadé qu'il fallait chasser les Anglais de Palestine par tous les moyens, même violents. Il fut tué par un officier britannique en février 1942. Après sa mort le Lehi a continué son combat jusqu'en 1948 et fut dissous après l'assassinat du comte Folke Bernadotte, le médiateur de l'ONU, le 17 septembre 1948.

Sur ce mouvement existe un intéressant ouvrage de Natan Yalin-Mor "Israël, Israël... Histoire du groupe Stern" de 1968.

Longtemps après la création d'Israël les activités du Groupe Stern, à cause de leur extrême violence, sont restées un sujet fort controversé parmi les Israéliens et c'est cette réalité qui forme à la fois l'arrière-plan et le point central du roman de Zeruya Shalev.

Le lien des 2 protagonistes principaux, la nonagénaire Rachel et la cinquantenaire Atara se réfère justement à cette période de lutte en 1948 et plus particulièrement aux conséquences interhumaines de cette extrême violence.

Compte tenu du résumé un peu trop révélateur sur la quatrième page de couverture, à mon avis, je veux juste souligner la maîtrise étonnante de Zeruya Shalev dans son approfondissement psychologique de personnes confrontées à des choix fondamentaux en temps de crise.
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Politique et intime sont sur un bateau, le premier tombe à l'eau. Que reste-t-il ? Stupeur, il ne reste rien, l'autre est tombé aussi. C'est l'image qui me reste de ce roman faste, parfois long, le plus souvent englué dans les relations familiales quand même.
Ce n'est pas un hasard si Atara est architecte du patrimoine, elle restaure les vieux bâtiments, « Non pas pour arrêter le temps mais pour intégrer celle-ci (l'architecture) au flux contemporain sous un nouvel angle ». Pas un hasard, non, pour un tel personnage qui découvre en début de roman le premier mariage de son père, jusqu'alors caché, avec pour future mission – déformation professionnelle oblige, de l'intégrer à sa vie actuelle de famille fragmentée. Elle découvre ainsi une autre femme que sa mère – la si symbolique Rachel avec sa prière éponyme, avec qui le père avait uni ses idéaux sionistes dans les années 40 et le groupe Léhi (Stern), sans se douter que la création d'un état d'Israèl ne clôturerait en rien les tensions dans la région. Sans se douter non plus des répercussions possibles dans l'intime et la famille. le présent est ainsi celui de familles qui se morcellent en tentant de se recomposer, de vie de couple sous tension, d'enfants qui se tournent vers des idéaux pas forcément attendus par les parents, ou vers d'autres destinations. On est en Israèl et la vie de famille côtoie l'histoire du pays, les deux flux semblent se confondre, se mêler, s'unir ou se repousser, ils sont en tout les cas liés dans une narration majestueuse et fleuve qui ondoie entre politique et intime.
J'ai bien aimé (malgré les longueurs).

« Arrivé devant chez elle, il lui décrivit avec la même passion, comme si la frontière entre le politique et l'intime était très floue, la manière dont s'étaient révélés à lui les sentiments qu'il éprouvait pour elle. le jour où elle était tombée et qu'il courait chercher de l'aide pour la sauver, il avait fait un serment : si Rachel survit, elle sera ma femme et je n'en aurai jamais aucune autre. »
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Stupeur.
Zeruya Shalev tisse un récit arachnoïdien autour des deux héroïnes Atara et Rachel et cette toile piège aussi le lecteur. J'ai eu du mal à me délivrer d'une narration atypique, bousculant la chronologie, jouant sur les temps et les époques, et qui parfois, à force de répétition devient psaume.
Il m'en reste quelques filaments de lumière.
De quoi et de qui parle-t'on ?
Nous sommes en Israël, de nos jours.
Atara, la cinquantaine, habite Haïfa, la grande ville portuaire adossée au « wad ». Elle est spécialiste en bâtiments historiques et vit avec Alexander, un chroniqueur à la carrière demi-réussie qui a pris sa retraite anticipée. le couple va mal. Ils se sont passionnément aimés, ont « brisé » (selon Atara) leur famille respective (elle a eu une fille de cette première union et lui un fils) et ont un fils, Eden, qui est lourdement dépressif après avoir servi quatre ans dans les commandos.
Rachel a quatre-vingt dix ans. Elle est veuve et vit seule dans une colonie proche de Jerusalem. Elle a deux fils mais c'est le benjamin, qui vient la voir tous les jours, qui tient le plus grand rôle dans l'ensemble du récit : Amihaï est un juif ultra-orthodoxe à la famille nombreuse. Il est disciple d'un obscur rabbin de la ville de Bratslav ayant écrit, il y a deux siècles, un recueil d'histoires sibyllines qui sont pour lui un chemin de vie.
Rachel a été l'épouse du père d'Atara, il y 70 ans, pendant la guerre d'indépendance contre l'occupant britannique. Ils étaient engagés dans la résistance armée. Mais Mano l'a répudiée sans qu'elle comprenne et elle ne l'a plus jamais revu. Plus tard, il a refait famille, a eu deux filles dont Atara, son souffre-douleur, son bouc-émissaire.
Stupeur raconte la rencontre entre Atara et Rachel.

Ce livre dense est à interpréter, comme dans la tradition biblique, sur quatre niveaux.
Je ne suis pas juif et je suis athée, mais j'ai été biberonné à René Girard et Marie Balmary !
Pshat, le niveau littéral :
Stupeur est un livre pénible sur la conjugalité des personnages, sur l'histoire de leurs enfances mais aussi sur l'histoire de la création d'Israel en 1948 etc. La narration fait de multiples va-et-vient, est parfois redondante, il faut s'accrocher…
Remez, le niveau allusif:
Stupeur est un livre intéressant sur la difficulté d'aimer et de vivre, dans l'Israel aujourd'hui, sur la violence au quotidien et l'avenir incertain dans cet Etat cosmopolitite, marqué par l'avénement du nationalisme.
Drash, le niveau homilétique, métaphorique :
Stupeur est un grand livre sur la mort, le deuil, la filiation, la culpabilité et l'auto-flagellation. L'amour, le lien n'y sont possibles qu'au prix du sacrifice d'un tiers : le bouc-émissaire
Sod, le niveau mystique, n'est pas absent de ce livre aux multiples références talmudiques. C'est ce qui m'a le plus intéressé et c'est ce qui nous est livré dans les fameuses histoires du rabbin de Bratslav. En ce sens, Amihaï est le personnage central du livre, puisqu'il joint littéralement Atara et Rachel. Puisqu'il permet le pardon au prix du sacrifice.
On l'aura compris, la lecture de Stupeur n'est pas de tout repos.
Je me suis contraint à ne lire aucune critique avant d'écrire celle-ci.

Le propos de Zeruya Shalev est, me semble-t-il, de mettre en perspective la petite et la grande Histoire. En ce sens, elle est très pessimiste car elle nous renvoie constamment aux fautes originelles, à la destruction Du Temple, à la nécessité, toujours renouvelée, de jeter dans le vide le bouc désigné par le sort, depuis le Mont Azazel.
La guerre actuelle semble lui donner raison, évidemment. Mais c'est sans compter sur les dernières lignes de Stupeur qui laisse entrevoir une autre issue. Une lueur. Un filament de lumière.
C'est sans doute l'intérêt majeur de ce roman ambitieux.
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Que de combats menés par les hommes et les femmes pour défendre leurs convictions, leur terre, parfois même au détriment de leurs amours.

L'actualité s'en mêlant, j'ai lu ce livre à un moment où les images de guerre me hantent. J'ai failli arrêter la lecture, confondant l'angoisse actuelle et ce passé révolu pendant lequel les personnages principaux passent eux aussi par des affres et subissent parfois les choix de leurs familles jusque dans leur vie amoureuse.

L'autrice m'a un peu déstabilisée par ce que j'ai ressenti comme un imbroglio de départ ; elle a faillit me perdre. Je vais essayer de situer les moments importants pour Rachel et Mano en démarrant par 1948, l'année de leur séparation amoureuse, puis 2018 à la mort de Mano et l'enquête menée par sa fille Atara.

La première scène ouvre sur la possibilité que le véhicule transportant une jeune femme du nom de Rachel, entre Tel Aviv et Jérusalem puisse être attaqué par des « bandes Arabes » comme les appelle l'autrice. Dès les premières pages on est plongé dans la tourmente d'une période où la libération d'Israël n'allait pas de soi. S'ajoute une scène plus confuse, celle d'une Rachel empêchée par sa belle-mère de voir/revoir son époux Mano, scène dont on ne comprendra la signification que bien plus tard.
On comprendra par la suite qu'on est à une époque où les britanniques avaient mis la Palestine sous mandat, Israël n'étant pas encore libre. Et comme bien souvent, ce type de circonstances créé des opinions discordantes entre les habitants eux-mêmes. le couple Mano Rachel, va en faire les frais : certainement le cas d'un couple parmi tant d'autres.

Puis on saute en 2018, au moment où Atara cherche à joindre l'énigmatique Rachel. Elle en ressent le besoin puisque Mano - de son vrai nom Professeur Menahem Rubin - meurt à 91 ans après avoir eu des propos incompréhensibles pour elle. Il la confond avec Rachel, jeune femme dont elle n'a jamais entendu parler dans sa famille. Elle va la retrouver, celle-ci a alors 90 ans et a un fils du nom d'Amihaï.
Il faut aussi préciser qu'Atara est l'enfant d'un second mariage de Mano.

Puis on retourne en 1947-1948, année de mariage (célébré clandestinement) de nos tourtereaux et année pendant laquelle ils vont activement participer à une lutte de libération du pays et surtout de coulage des anglais. de fait l'autrice nous immerge dans les sombres exactions commises par les britanniques à un moment où la planète sortait à peine de la Seconde Guerre Mondiale et de la Shoah. Les scènes et les faits prennent le lecteur à la gorge.
Zeruya Shalev atteint son objectif, réveiller nos consciences et nous parler d'un des pans de construction d'Israël, de la responsabilité des occidentaux dans la Shoah, ou encore de la place de la religion et ses coutumes dans la vie de tous les jours et au fil de plusieurs générations.

Le thème le plus émouvant et dans lequel Zeruya Shalev s'est démarquée, c'est celui de son regard sur la vieillesse. Son regard est tout en douceur, en compréhension, en acceptation. C'est là qu'elle m'a réhameçonné, ou du moins convaincu. La description des vastes paysages reflète pareillement une grande sensibilité de l'autrice ; ce que l'on devine en écoutant des interviews qu'elle a donné lors de la présentation de ce roman.
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Après la mort de son père, Atara retrouve la femme avec laquelle il a été marié dans sa jeunesse et dont il n'avait jamais parlé à quiconque.
Rachel, l'ancienne épouse qui a combattu avec lui dans un groupe terroriste pour la libération d'Israël avant la création de l'État, est aujourd'hui une femme très âgée qui s'inquiète pour le pays dont héritera la nouvelle génération. Rachel représente le passé.
Atara, la cinquantaine, incarne le présent. Elle est confrontée à des difficultés conjugales ainsi qu'à des angoisses à propos de son fils incorporé au sein d'une unité de combat. Sa rencontre avec Rachel va déclencher une série d'événements qui vont bouleverser le cours de sa vie et la précipiter dans un état de profonde stupeur.

C'est un roman assez dense, bien ancré dans la réalité historique, sociale et culturelle d'Israël, qui aborde finement la façon dont le passé éclaire le présent et oblige les personnages à affronter le destin.
Zeruya Shalev y décrit avec minutie les pensées des deux femmes dont la vie, à l'image de leur pays, ressemble à une zone de conflit. Un peu trop minutieusement peut-être car certains passages semblent interminables, notamment celui concernant la shiva ( période de deuil de sept jours observée après des funérailles) pendant laquelle l'une des femmes en proie à la culpabilité, se torture l'esprit. Il en va de même pour les récits bibliques évoqués par l'autre femme: même si leur sens est clair, leur intérêt ne saute pas aux yeux du profane.
Malgré ces bémols, c'est un roman que j'ai apprécié. Ses multiples facettes illustrent parfaitement la richesse de la littérature israélienne contemporaine qui, même si elle peut parfois donner l'impression de se répéter dans le choix des thèmes qu'elle aborde, ne me lasse jamais...

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Zeruya Shalev est réputée pour sa capacité à raconter et saisir le traumatisme en tant que composante de toute vie. « Stupeur » en est la preuve, et il y est question non seulement de blessures individuelles mais aussi de celles d'un pays.
« Stupeur » est l'histoire de deux femmes Atara et Rachel et de leur rencontre. Deux femmes très différentes au premier abord mais aux nombreux points communs.
Atara, architecte presque quinquagénaire, vit à Haïfa avec son second mari Alex et leur fils. Elle a une vie et un passé familial compliqués et a la responsabilité d'une famille recomposée. Rachel est bientôt centenaire et vit dans une implantation non loin de Jérusalem. Veuve, elle a deux fils aux idées et vies diamétralement opposées.
Ces 2 femmes au centre du roman sont unies par le destin pour avoir profondément aimé et été rejetées par le même homme, respectivement père de la première et premier mari de la seconde.
Le défunt père d'Atara, Mano, a été en effet le premier mari de Rachel lorsqu'ils avaient 20 ans. Jeunes « combattants de la liberté » dans les rangs du Lehi, la résistance clandestine à l'époque du mandat britannique avant la création de l'Etat d'Israël, ils se sont intensément aimés mais un jour quelque chose de plus grand qu'eux les a déchirés. Mano l'a abandonnée, refusant tout contact et a disparu de sa vie sans explications.
Atara découvre l'existence de Rachel peu avant le décès de son père et souhaite alors faire la connaissance de cette femme mystérieuse pour tenter de mieux comprendre son passé et ce père tyrannique qui l'a quelquefois maltraitée.
Elles ont toutes deux un sujet qui les tourmente, un passé à revoir, à relire, à relier. Atara veut savoir, Rachel veut oublier. À partir du moment où elles se retrouvent face à face, il n'est plus possible de rebrousser chemin. Atara et Rachel ont besoin l'une de l'autre pour trouver une forme de paix et de rédemption.
C'est ainsi que la vie et l'avenir des deux femmes, d'Atara change à travers cette rencontre.

Avec une grande maîtrise, Zeruya Shalev tisse une histoire à la fois profondément intime et collective. le destin des personnages ne fait qu'un avec celui de cette Nation fracturée dont l'autrice saisit formidablement bien les enjeux existentiels.
Elle creuse profondément dans l'âme humaine et saisit avec une grande finesse et acuité les nuances, les troubles, les contradictions, les souffrances et les désillusions qui ont marqué la vie de ses deux passionnants personnages féminins.
L'intrigue est bien structurée et les chapitres alternant les voix des deux femmes offrent un contrepoint qui fonctionne à merveille.
« Stupeur » est un roman magistral et captivant bien que l'intrigue se développe lentement. Les personnages ressassent, en toute logique avec l'état de stupeur dans lequel ils se trouvent. D'où parfois l'impression de répétitions mais en totale adéquation avec le propos du roman.
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J'ai eu la chance de rencontrer Zeruya SHALEV aux Éditions Gallimard par l'intermédiaire de BABELIO que je remercie. J'ai découvert une écrivaine charismatique qui dégage une douceur. Ne pratiquant pas le français, elle était assistée d'une traductrice qui, elle-même était israélienne. Une belle ambiance.
J'avais, bien sûr, lu son roman avant de me rendre à cet événement et cela m'a permis de mieux apprécier les réponses faites aux questions de l'assemblée.

Ce roman décrit deux femmes, d'une part, Atara, architecte, la cinquantaine, fille de Mano qui sur son lit de mort lui fait une déclaration et d'autre part, Rachel nonagénaire, qui a fait partie d'une organisation paramilitaire (le Lehi), dont le but est de chasser les Anglais, puis de bâtir un État hébreu et vit dans une certaine nostalgie.

La rencontre de ces deux femmes va bouleverser leur destin, l'une parce qu'il a été son père et l'autre parce qu'il a été son mari.

L'autrice aborde des thèmes tels que la transmission, le couple, la parentalité, le deuil, la religion juive, la culpabilité.... avec une telle intensité ce qui m'a amenée à me documenter sur les faits et dates historiques d'Israël.

Zeruya m'a beaucoup inspirée et je vais me pencher sur un autre de ses romans : Douleur.
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Ce roman explore les facettes autant de la culpabilité, des gestions effarées d'évènements trop douloureux que la résignation de vivre avec ses échecs.

Tressant par une alternance de chapitres le récit de vie de deux femmes, le roman se construit avec virtuosité autour de la figure commune qui les lie, celle d'un homme qui ne peut plus aimer d'avoir été trop blessé. Ce refus d'amour qui irréfragablement condamne ceux qui l'entourent à en être malheureux, se cristallise telle une malédiction sur plusieurs générations, opérant par ricochets comme un domino.

Tout le roman est une démonstration que "la consolation, si elle vient, vous ne la trouverez pas dans la douleur provoquée par la question mais dans la douleur d'y renoncer" (p348). Ce roman se construit de souvenirs, le rendant protéiforme et comme humain - les pages sont tels le fait de casser un verre lors des mariages "à la mémoire Du Temple détruit", un mémorial continu de tout ce que nous avons été, une résurgence perpétuelle des anciens en nous, en nos gestes, en nos choix. Tel un resac infernal qui nous submerge, l'histoire du pays, du Peuple, des luttes se fond dans les peines et douleurs de nos deux protagonistes, parcourant chacune un long périple en quête de vérité entre Tel-Aviv et Jérusalem inatteignable en ces temps-là, entre les quartiers sud de Haïfa et "cette ville artificielle, sujet de discorde au nord du désert de Judée" (p25). La géographie "des collines de Jérusalem jusqu'au mont Carmel" (p50) est comme dans "un brouillard caniculaire" où tout est lointain et indistinct mais où tout est symbole, histoire et blessures.

Ces deux femmes, pressenties opposées de leur seul âge et de leur choix distinct de lieu de vie, se ressemblent sans doute en tout point, tels deux capitaines voguant au milieu de leur océan de désillusions et aux prises avec le Temps.

L'une, a appartenu au Lehi, groupe sioniste extrémiste de "combattants pour la liberté d'Israël" (p30) qui, entre 1940 et 1948, employa le terrorisme pour libérer la Palestine des Britanniques et l'autre, spécialiste de la conservation du patrimoine se bat en "émissaire de la mémoire voué à ce travail, lent et modeste, de conservation où il est impératif de laisser une place à ceux qui nous ont précédés" (p108). Toutes deux sur l'axe du temps, elles ont ou continuent d'oeuvrer pour donner un futur au passé.

Leurs deux quêtes s'opposent pourtant à leurs vies personnelles basées sur la destruction, la réfutation ou l'oubli nécessaire du passé, toutes deux (dé)construites sur les ruines d'un mariage.

Elles expérimenteront chacune une douleur trop grande pour être absorbée, menant à cette stupeur qui paralyse - hors du temps et de l'espace.

Elles seront confrontées toutes les deux à leurs enfants, symboles du futur, se figeant dans le passéisme de la religion.

A l'instar des frères Karamazov dont le récit avance sans linéarité mais naît de la succession de sphères qui tentent chacune une hypothèse de réponse à la question du sens et du comment vivre - Aliocha par la foi, Yvan par la science, on retrouve ici ce questionnement sans réponse, cette errance effarée, des voies multiples - du terrorisme à l'ultra-orthodoxie, ce tâtonnement intime et de tout un Peuple qui ne sait comment vivre sans oublier, qui ne sait comment vivre sans se souvenir.



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J'ai été conquise par ce très beau roman sur fond d'une période que je connaissais mal, à savoirla résistance des juifs et des arabes à l'envahisseur britannique . Nous suivons une famille sur plusieurs générations ce qui permet d'aborder des thèmes tels que la transmission, le couple, la parentalité, le deuil, la religion juive, la culpabilité....
Tous ces thèmes sont développés et bien approfondis avec finesse et nuance.
Un excellent moment de lecture.
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