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EAN : 9782866451172
297 pages
Le Félin (01/05/1992)
4.5/5   2 notes
Résumé :
La trajectoire de Dariush Shyegan, le plus grand philosophe iranien contemporain, se voit ici développée à travers ces entretiens très vivants avec Ramin Jahanbegloo qui a déjà publié aux éditions du Félin les célèbres entretiens avec sir Isaiah Berlin.
Dariush Shayegan nous trace de façon savoureuse son enfance à Téhéran, puis sa jeunesse et sa vie d'étudiant en Angleterre et en Suisse. Enfin devenu sanskritiste et philosophe, il relate ses grandes amitiés a... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Il est un peu intimidant d'écrire ici la première chronique sur une telle figure de la pensée, qui compte plusieurs lecteurs sur Babelio. On peut dire de ce volume d'entretiens avec le philosophe Ramin Jahanbegloo qu'il est la meilleure introduction aux idées, aux livres et aux expériences d'un savant iranien, écrivant en français et en persan, et dont la spécialité universitaire a été l'hindouisme et ses grands textes. Cette lecture n'est pas seulement réservée aux érudits que l'Inde, la Perse ou la philosophie intéressent. En effet, Shayegan sait se raconter et se présenter, retrace son parcours personnel et intellectuel, de Londres et Lausanne où il fut envoyé étudier dans sa jeunesse, à Téhéran, au centre des grandes convulsions de la révolution islamique de 1979. A la différence de Tariq Ramadan, avec qui il a eu un entretien, Shayegan n'est pas notre ennemi et il est trop rigoureux pour faire l'idéologue de bas étage : il connaît de l'intérieur le monde de la culture occidentale, bien mieux que nous, ainsi que son monde propre, celui des pensées "traditionnelles", des mystiques soufies et hindoues. Il mesure ce qui nous sépare les uns les autres, il décrit ce qui manque à l'Orient et ce qui manque à l'Occident, et jette sur l'islamisme politique un regard sans concessions : pour lui, cette politisation d'une religion la dénature et la tue aussi radicalement qu'une persécution athée à la soviétique. Des profondeurs de la pensée mystique aux évidences de bon sens, toutes les étapes de la réflexion sont présentes et parcourues, et l'on comprend, à l'issue de ce volume, que l'islam meurtrier qui nous assassine n'est qu'une version nihiliste, à contresens, athée (malgré les apparences) de la religion islamique. Ces remarques, dans un livre des années 90, restent valables de nos jours.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
En plus, il y a quelque chose d'étrange chez les hommes politiques, qui m'étonne et me touche à la fois. La plupart d'entre eux sont, il va sans dire, des hommes instruits, intelligents, qui ont fait d'excellentes études, qui ne sont pas nés de la dernière pluie. Rhétoriciens de carrière, ils doivent convaincre, utiliser les mêmes stéréotypes, prêcher incessamment pour leur paroisse. Ce qui est stupéfiant, c'est qu'ils le font sans se lasser. Comment peut-on dire, redire, répéter à longueur de journée les mêmes arguments exsangues, anémiques, sans aboutir à un discours monotone, voire à la langue de bois ? La marge de la pensée est trop étroite pour laisser une place à l'imagination, à la fantaisie, à l'intuition. Ceux qui font de la politique se soumettent à cette épreuve, s'infligent une discipline de rétrécissement de la pensée, retiennent leurs élans naturels, répriment leurs idées rebelles. On a l'impression qu'ils s'imposent une ascèse négative d'abrutissement afin de tout réduire au niveau de la banalité la plus affligeante. Et ce n'est pas une mince affaire. Il y va sans doute d'un tour de force dont beaucoup sont incapables.

p. 58
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Je sais que l'on doit sérieusement s'interroger sur les valeurs éthiques de cette machine de production qui s'est emballée toute seule, dont personne n'a plus le contrôle, comme si on avait affaire à un processus d'auto-reproduction effréné qui est devenu quelque chose d'autonome et d'indépendant de notre volonté. Je crois que personne ne parvient plus à briser le cercle magique croissance-consommation-production. Ce cercle n'obéit plus à aucune finalité éthique ; il est devenu fin en lui-même, l'acquis encombrant et incontournable dont personne n'ose remettre en question la nécessité. En somme, une sorte de nouvelle divinité intouchable, taboue. Il n'y a qu'une grande catastrophe aux retombées inimaginables qui puisse nous en révéler toute l'absurdité. Sinon, comment expliquer cette irrationalité flagrante qui, de nos jours, alimente le processus supposé rationnel de la production. Technologie, productivité et consommation sont, je pense, la nouvelle trinité de notre panthéon moderne.

p. 116
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... Le Persan considère ses poètes non pas comme des astres du passé, mais comme des interlocuteurs présents avec lesquels il peut dialoguer à tout moment. Voilà pourquoi il se laissera emporter par la cadence héroïque de Ferdowsi, ou se grisera jusqu'à l'extase du rythme frénétique de Rumi, ou bien se recueillera sur la dialectique subtile de Hafez, ou bien enfin jettera un regard désenchanteur sur la danse vertigineuse des atomes avec Khayyam...

(...)

Question. Je me demande si un Occidental est aussi emporté quand il lit du Blake, du Ronsard ou même du Dante.

Réponse. Je ne crois pas. Parce que le poète en Occident n'a pas le même rôle de guide intérieur. Parce que Hafez n'est pas seulement un poète, il est aussi un maître invisible, puisqu'on le consulte dans les grands tournants de la vie, même à l'occasion de tel événement. Il joue aussi le rôle de voyant, comme s'il détenait une boule de cristal. Donc, il y a cette connivence secrète entre le lecteur et le poète.

pp. 222-223
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Maintenant, pour en revenir à votre question, oui, la république islamique est une contradiction dans les termes. La république est un concept laïc, l'islam est une religion. Chacun de ces deux termes renvoie à d'autres constellations d'idées, à d'autres harmoniques. Entre les deux il y a les grandes failles de la modernité, d'immenses continents de pensée qui ont dérivé les uns par rapport aux autres. Bref, il y a des changements de paradigmes. Je crois qu'en instaurant la république islamique, Khomeyni a fait ce qu'avait accompli avant lui Luther, mais bien entendu dans un tout autre contexte et avec des différences notables : il a réussi à séculariser l'islam.

p. 166
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... Je pense qu'il faut objectiver l'islam comme une culture et non pas comme un remède miracle susceptible de guérir tous les maux de la société. Je ne pense pas que l'islam ait des réponses à nos problèmes actuels, il reste néanmoins un riche réservoir de symboles et d'images, un immense capital symbolique, qui font partie intégrante de notre héritage et qu'il faut protéger comme on protège aujourd'hui la nature. Mais il ne faut pas avoir d'illusion sur l'islam, car il n'existe pas une façon islamique de résoudre l'économie comme il n'y a pas une façon islamique d'être citoyen. Il y a bien sûr une façon islamique de regarder le monde et de mourir. L'islam a des réponses à nos problèmes existentiels, mais n'offre aucune solution à nos problèmes historiques et conjoncturels.

Question. Pensez-vous que l'islam a le pouvoir de se réformer, de se laïciser ou même de se dépasser un peu à la manière du christianisme ?

Réponse. Je vais énoncer un paradoxe. Je crois que pour sauver l'esprit de l'islam, il faut laïciser la société civile. Il faut que l'islam se réfugie dans des lieux de mémoire pour répondre aux problèmes intimes et spirituels et que le monde soit régi par des valeurs universelles laïques qui sont devenues, qu'on le veuille ou non, l'héritage de notre humanité. Je pense qu'il faut privatiser l'islam.

pp. 243-244
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