Quand une simple illustration sur une boîte d'allumettes peut bouleverser sa vie…
C'est ce que vit Yûko Sumida, quand elle découvre cet objet anodin dans le tiroir de la table de chevet de son mari, alors qu'elle cherchait de quoi allumer les bougies du gâteau d'anniversaire de sa fille
Mitsuba. La peinture de ces deux tiges de prêle des champs («
tsukushi », en japonais) l'attire curieusement, en raison d'abord de leur beauté, mais aussi de leur indéniable sous-entendu érotique. Un sous-entendu qui lui sera confirmé par son amie Yoshiko, dont le mari a réalisé la peinture pour un bar homosexuel…
Le rapport de cause à effet est assez évident à faire, et, chose surprenante,
Aki Shimazaki nous le fait comprendre à l'aide d'un procédé assez peu subtil : Yûko se voile longtemps la face, mais son inconscient tentera de lui dire quelque chose par ses pensées un peu obsessionnelles tournées vers
Yukio Mishima et sa femme (mariés par miaï – une union arrangée, pour couvrir l'homesexualité plus ou moins refoulée de l'auteur), après que son amie Yoshiko ait comparé l'intérieur de sa maison décorée à l'occidentale, à l'instar de celle du célèbre écrivain…
Pourquoi insister sur ce qui semble être une anecdote du roman ? Parce que tout simplement, j'ai trouvé que l'action – toute proportions gardées puisqu'il s'agit d'un roman de la plus japonaise des québécoises – met très longtemps à se mettre en place, et que le rythme du roman m'a semblé plus lent qu'habituellement. Les pages du roman accueillant les seules pensées de Yûko, c'est comme si elle imposait ce rythme lent, pour repousser le plus longtemps possible le moment où elle devra faire face à la vérité…
Si «
Tsukushi » est le quatrième tome du cycle « Au coeur du Yamato », j'ai cependant souhaité le lire après le premier tome «
Mitsuba », le premier représentant l'autre face de l'histoire du second. En effet, Yûko Sumida est déjà présente dans «
Mitsuba » car elle est la fiancée du héros Takashi Aoki. Leur amour n'avait pu se développer comme il l'aurait dû, car Aoki s'est fait supplanter par Takashi Sumida, le fils du président de la banque du même nom. Dans ce tome, Yûko n'avait pas la parole, ici elle l'a, pour narrer une histoire assez poignante d'espoirs déçus, d'amours trahies ; mais dans quel(s) sens ? En effet, j'ai été surprise de lire que l'amour si intense que décrivait Takashi Aoki dans «
Mitsuba » n'était finalement pas si réciproque, Yûko, en plus d'être une personne assez modérée dans ses sentiments comme dans la manière de les exprimer (la fameuse réserve japonaise je présume), ayant finalement joué un rôle plus grand dans sa rupture avec Aoki que celui-ci ne le soupçonnait. « Tsukusi » représente ainsi une incursion douce-amère dans la vie conjugale de deux personnes, au moment où la trahison menace de prendre toute la place.