Citations sur Zakuro (53)
A vrai dire, mon père ne pensait pas qu’on mérite l’accès à l’enseignement supérieur seulement parce qu’on a obtenu d’excellentes notes. Il me disait souvent « je connais des gens qui sont stupides même s’ils ont réussi leurs études universitaires. Ces gens sont plus stupides que les stupides sans éducation
En marchant, je me souviens d’une conversation avec l’un de nos clients américains. Il m’avait dit, frustré : « Il n’y a pas de noms ni de numéros de rue. Comment fait-on pour se rendre à l’endroit qu’on cherche?" Je lui ai répondu : « Demandez-le au poste de police ou bien au facteur du quartier. Ils connaissent les noms des résidents par cœur." Il n’était pas content : « Les villes japonaises sont de véritables labyrinthes! »
Je vois le visage inexpressif de mon père et je voudrais bien lui adresser
quelques reproches : « Père, pourquoi as-tu disparu ainsi ? » Je respire
lentement pour me maîtriser. Il faut que je m’abstienne de lui poser des
questions si je veux en savoir plus. C’est le conseil de ma femme. J’attends
qu’il continue de parler.
- Même si c'est vrai qu'il est vivant, qui aurait pu imaginer qu'il vive tout près de chez nous ?
Kôji murmure :
- En effet...Comme dit le dicton "Le phare n'éclaire pas son pied".
J'ai demandé à ma mère où était mon père. Elle m'a dit attendre son retour de Mandchourie, qui était alors sous le contrôle de l'Union soviétique. Elle n'avait pas eu de nouvelles de lui depuis plus de trois mois. Cela m'a semblé bizarre. J'ai commencé à m'inquiéter.
Bientôt on a appris que les soldats japonais avaient été déportés dans ce pays communiste, notamment en Sibérie.
Une brise agréable entre dans le salon. Je tourne la tête vers le jardin, où les fleurs de chrysanthèmes s'agitent légèrement. Les moineaux chantent dans l'arbre du zakuro. En apercevant ces fruits tout rouges, je me souviens qu'à l'ancienne maison de mes parents il y avait aussi un tel arbre.
Enfin, je compose le numéro. Mon doigt tremble. La sonnerie se fait entendre. Mon coeur bat rapidement, je tente de me calmer en respirant à pleins poumons.
Aujourd'hui, Kôji me raconte l'histoire d'un homme qui est revenu de Sibérie dix ans après le fin de la guerre. C'était un policier militaire qui vivait en Mandchourie. A la fin de la guerre, il a été déporté en Sibérie, comme mon père. Puis il a été condamné à plus de vingt ans de travaux forcés, à Noril'sk. Lorsqu'il est enfin revenu au Japon, il avait déjà presque cinquante ans. il voulait reprendre un emploi comme policier, mais il a été refusé partout. Il est mort récemment après une longue dépression. Selon sa famille, il était très déçu de l’État pour lequel il s'était pourtant sacrifié pendant la guerre.
Nous sommes dimanche. Il fait beau. Dans le jardin, les chrysanthèmes sont en pleine floraison. Jaune, rose, blanc, orange... Les fleurs brillent, éclairées par la lumière du soleil. Les moineaux gazouillent dans l'arbre du zakuro, dont les fruits sont murs. Le ciel est limpide, l'air pur. Nous sommes à la mi-automne ma saison favorite.
Je demande à Kôji :
- Des meurtres ont bel et bien été commis sur ces bateaux :
- Ce rapatrié n'a pas utilisé "meurtres", mais il a entendu parler d'une expression étrange, "la liste de la mer du Japon", qui signifie le nombre des morts sur les bateaux, dus à la maladie, au suicide, ou bien...