AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,92

sur 39 notes
5
7 avis
4
7 avis
3
2 avis
2
0 avis
1
1 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Coincé entre l'Ukraine, la Russie et la mer d'Azov, la République Indépendante de Mertvecgorod (ou RIM) n'existe pas.
Sauf dans l'esprit torturé et inquiétant d'un auteur et poète français déjà lauréat du prix Sade en 2019 : Christophe Siébert.
Déjà publié Au Diable Vauvert avec Métaphysique de la viande, il nous revient avec Images de la fin du monde, premier volume des Chroniques de Mertvecgorod, ville-fantasme et mégalopole-poubelle où converge les plus vils instinct de l'humanité post-soviétique.
Vous qui entrez ici, perdez tout espoir, enfilez un FFP2 et achetez des capotes en bonne quantité, le voyage risque de secouer.

La cité du smog
Décrire Images de la fin du monde revient en réalité à décrire la mégalopole imaginaire de Mertvecgorod engluée dans son smog éternel et constamment survolé par des nuées de drones assassins puisque Christophe Siébert offre une visite guidée sous la forme d'un fix-up de nouvelles qui se transforment rapidement en livre-univers.
Tout commence par l'article d'un certain Vincent Lacroix, journaliste envoyé sur les traces du Svatoj, prince sadique aux visées révolutionnaires et ordurières qui dirige la Sit, une organisation criminelle underground emblématique de Mertvecgorod. Grâce à ce faux-article d'investigation en deux chapitres, Christophe Siébert emmène l'Européen (donc vous, le lecteur) dans sa création urbaine protéiforme où se croise le meurtre, la saleté, le sexe, l'humour noir et l'indicible (avec un supplément BDSM si possible).
Ne vous y trompez pas, Images de la fin du monde ressemble peut-être à un enchevêtrement de portraits glauques et dérangeants, c'est en réalité la peinture d'un seul et unique personnage qui importe : Mertvecgorod.
Comme Jeff Vandermeer avec Veniss Underground ou Ambregris, Christophe Siébert fait sortir de terre une ville gigantesque construite sur les ossements d'une civilisation mystique et friande de sacrifices humains pour la transposer en 2024–2025, quelque part dans un futur qui ressemble à s'y méprendre au nôtre.
Différence notable, Mertvecgorod s'affirme rapidement comme un défilé d'horreurs et de transgressions morales toutes plus violentes les unes que les autres pour le lecteur. Car la capitale de la RIM, symbole de la mégalopole moderne en pleine déliquescence morale, tiraillée entre l'influence post-soviétique et un néo-capitalisme carnassier, cette capitale n'a pas grand chose d'attirant (et ce n'est pas pour rien que son quartier le plus fameux porte le nom d'une maladie herpétique).
Trafic d'organes, tourisme sexuel, dépôt d'ordures, meurtres sauvages, sectes barbares et autres drones tueurs sont monnaie courante.
La création de Christophe Siébert vous saisit à la gorge dès les premières pages avec cet attentat monstre visant une cathédrale-ossuaire et un échangeur autoroutiers qui finit en carnage inimaginable.
Sexe, violence et technologie se mettent au service de la déchéance morale la plus pure.

La boue humaine
Tout au long des 21 textes qui composent Images de la fin du monde, nous voici dans les rues crasseuses d'une mégalopole qui semble fusionner la vision d'un accroc du sexe bourré de narcotiques et celle d'un sadique aux pulsions gores incontrôlables. Mertvecgorod nous offre une série de portraits tous plus hallucinants les uns que les autres avec une prédilection pour le sordide, le sang et les parties génitales charnues. Christophe Siébert explore les recoins les plus sombres et les pulsions primitives de l'être humain, cet endroit incongru et malaisant où sexe, mort et putréfaction se rejoignent.
On y croise l'histoire de deux frères assez désespérés pour se vendre à un combat à mort illégal dans lequel leur cerveau est contrôlé par un autre (et vous n'avez pas envie de savoir comment ça se termine), une secte qui kidnappe des enfants pour les faire souffrir et se suicider dans un même mouvement contestataire post-moderne, un homme prêt à dilapider son argent dans un lit pour organiser une orgie dantesque en l'honneur de sa grand-mère décédée, un vieux sado-masochiste amateur d'humiliations sexuelles particulièrement phalliques dont le rêve est de se construire un zoo humain, un gardien de nuit de musée prédateur sexuel…bref, une galerie de rebuts humains, de miséreux, de dingues et de tordus à en faire pâlir d'envie le grand Marquis lui-même.
Christophe Siébert observe l'être humain à la loupe, dissèque la crasse et vous offre au final une fresque qui dérange, qui bouscule, qui hante.
Symbole d'un capitalisme privatisé gardé par quelques oligarques et fascistes corrompus jusqu'à la moelle, l'univers du français impressionne par sa noirceur. Difficile de ne pas penser à l'oeuvre d'Antoine Volodine pour son côté post-soviétique sans une seule lueur d'espoir et sa tendance à rameuter des éléments quasi-mystiques entre sectarisme et chamanisme.
Impossible pour autant de coller Images de la fin du monde dans une case précise, puisque Siébert prend un malin plaisir à changer de genre, de l'horreur au noir en passant par la science-fiction et le fantastique.
Tout arrive à Mertvecgorod, surtout le pire.

L'abjection comme une contestation
Ce qui surnage pourtant à l'arrivée, c'est la capacité surnaturelle de Christophe Siébert à offrir des visions macabres et sexuelles qui frappent par leur sous-texte social. de la souffrance d'une jeunesse déjà condamnée par des adultes qui s'en foutent au désoeuvrement des miséreux broyés par une société inégalitaire et violente, l'auteur français nous livre une parodie grinçante et extrême d'une société post-capitaliste où tout s'achète et où le féminicide devient une épidémie incontrôlable. La révolution contre le système, vouée à l'échec et au drame, passe par l'excès, la violence aveugle et des tabous allègrement franchis, notamment en matière sexuelle.
À Mertvecgorod comme à Paris, les mamelles du pouvoir restent les mêmes : argent, sexe et violence.
Il serait dommage de ne pas insister sur la cohérence et le soin du détail apportés par l'écrivain à sa mégalopole imaginaire. Fiche Wikipédia fictive et chronologie d'une centaine de faits divers sont au programme des annexes en fin d'ouvrage, provoquant ce vertige ultime qui voit le lecteur se demander après trois cent pages si cette sinistre ville n'existe pas pour de bon.
Mais le véritable exploit de Christophe Siébert, c'est de fasciner autant son lecteur avec un sujet aussi extrême. L'ironie finale, c'est qu'Images de la fin du monde finit par nous donner envie de parcourir encore et encore les prospekts et autres rajons, de respirer son air cancérigène et de traquer les pires gourous sadiques dans les bas-fonds de Mertvecgorod.
Pas de happy-end par contre, juste une vision démente d'un futur de chair, de sang et de sperme sur fond urbain.

Dans ce gouffre de noirceur creusé de main de maître par Christophe Siébert, le lecteur découvre l'étendue de la perversion humaine et l'horreur d'un système corrompu jusqu'à la moelle. Livre-univers épatant sans aucune concession et à l'imaginaire macabre hallucinant, Images de la fin du monde fait du bien là où ça fait mal…c'est-à-dire partout !
Lien : https://justaword.fr/images-..
Commenter  J’apprécie          251
Voilà un livre que j'ai dévoré comme Mertvecgorod dévore ses habitants : avec un appétit insatiable et un goût certain pour la noirceur. Inutile de rappeler ici de quoi parlent ces dizaines de chroniques, puisque c'est précisé en haut de cette fiche, et encore mieux expliqué dans les critiques des lecteurs.

Ce qui m'intéresse, et que j'ai peut-être encore du mal à appréhender, c'est le talent de Christophe Siébert à bâtir une cité qui s'effondre sans cesse - à commencer par ce terrible attentat qui en engloutit une bonne partie au début du livre, un épisode rejoué dans plusieurs chroniques. Plutôt que de proposer un bloc unique, l'auteur nous invite à découvrir Mertvecgorod par paliers ou strates ; une construction qui permet de « novelliser » un roman dans lequel plusieurs narrateurs s'expriment et se croisent (même s'il est vraisemblablement un recueil de textes disparates). Ca se lit donc tout seul.

Et pourtant, l'ouvrage n'en est pas moins dense, bien au contraire. Anticipation, SF et horreur sont convoqués pour décrire un monde qui n'en finit pas de mourir et de faire mourir, remuant des thèmes politiques, sociologiques, technologiques et surtout profondément humains. J'ai même eu l'impression par moment que Christophe Siébert se positionnait plus en observateur qu'en créateur de cette République, avec toujours en miroir un monde contemporain qui a déjà largement de quoi effrayer. En ce sens, et contrairement à ce qui est dit dans certaines critiques ici, Images de la fin du monde n'est pas foncièrement plus glauque ou horrible qu'un bulletin d'informations bien réel daté de 2021.

D'autant que si le ton est direct, il n'est ni malsain ni cruel, et l'espoir est parfois même bien là (voir la dernière chronique et ce jeune couple décidé à partir). Car s'il y a un salut à Mertvecgorod, il se trouve soit dans la transcendance (changement de paradigme personnel pour trouver un sens), soit dans la fuite (se sortir physiquement de ce contexte – mais pour trouver quoi ailleurs ?). de ce point de vue, le choix d'une République d'ex-URSS semble particulièrement approprié, tant cette région est à la fois proche de nous géographiquement, mais apparaît aussi largement mystérieuse et méconnue en Europe occidentale.

Dernier aspect que j'ai particulièrement apprécié dans ce livre : les références, voire même la concordance, à un style musical qui m'est cher : le black metal. Souvent mal compris et mal utilisé par les littérateurs, il trouve dans la mélasse de Mertvecgorod une place naturelle (comme la musique de Noir Boy George du reste, également mentionnée). de fait, les pays de l'ex-URSS ont donné naissance entre les années 1990 et aujourd'hui à des centaines de groupes de ce style, dont certains des plus extrêmes. Images de la fin du monde m'évoque une transcription littéraire de cette musique sombre et sale à souhait, et pourtant pas dénuée d'une forme de pureté et de beauté. Une union des opposés qui correspond à mon sens au propos de ce livre finalement assez baudelairien (en plus d'être dickien et ballardien) : la beauté dans la crasse, la transcendance les pieds dans la merde, le spirituel à l'épreuve du néolibéralisme. Et l'espoir à l'épreuve de la mort.

Le paradoxe comme modus operandi, seule arme pour avaler la pilule du monde moderne ? Bref, c'est à lire, et surtout par les âmes les plus sensibles !
Commenter  J’apprécie          90
Dans « Images de la fin du monde », Christophe Siebert cherche la beauté là où on ne l'attend vraiment pas : dans une ville-univers étouffante, enfumée, toxique, qui se sert du post-soviétisme pour accentuer les contrastes les plus violents ; auprès de personnages plus tarés les uns que les autres, pervers, fachos, violeurs, oligarques, terroristes, drogués, gourous de sectes, illuminés, suicidaires ; lors d'actes d'une violence inouïe qui dérangera certain(e)s et lors de scènes de sexe vulgaires, brutales, souvent précaires et tarifées, pour mieux s'oublier. Et pourtant, il y a une poésie dans ces récits courts, ces « images » qui sont autant de visions dantesques et dignes du Marquis de Sade. En allant droit dans le mur, jusqu'aux extrêmes, les personnages crient leur désespoir au sein d'une machine sociale qui brise les âmes. C'est dans cette tristesse que réside la beauté inattendue. Elle réside aussi dans ce regard distant du narrateur, qui souvent endosse le rôle d'un journaliste, ou d'un observateur à une fenêtre, un regard plein de sidération pour ce que l'homme est capable d'endurer ou de commettre. On entre dans la cathédrale horrifique qu'est Mertvecgorod comme on visite certains clubs berlinois (Berghain, Kitkat…), pour goûter à une certaine perdition. Et les paysages urbains et mentaux font penser aux quartiers staliniens de Kiev et Moscou. Vous trouverez aussi dedans des idées de SF bien sombres, des hommages cronenbergiens, une touche lovecraftienne. Bref voici un bien riche morceau à se mettre sous la dent.
Commenter  J’apprécie          70
Il y a fort à parier que vous n'avez jamais rien lu de tel !
Images de la fin du monde est un ensemble de flashes en lumière crue sur une société décomposée. C'est parfois vil, souvent glauque, ça pue et ça fourmille. Et c'est désespérément humain. Chaque personnage croisé - parfois recroisé, et l'on s'en félicite tant ils éveillent la curiosité - se grave en mémoire.
Christophe Siébert nous invite dans un futur proche (très proche !) et son monde n'est pas si éloigné du nôtre : il pousse simplement les curseurs vers le niveau supérieur.
Commenter  J’apprécie          50
Images de la fin du monde : Chroniques de Mertvecgorod présente un recueil de nouvelles se déroulant dans un futur dystopique, dans une ville fictive, située entre l'Europe et la Russie et véritable personnage principal de l'histoire.
Mertvecgorod palpite en effet au coeur de ces pages. Incarnation de la déchéance d'une civilisation, c'est une mégalopole grotesque, glauque et puante, il y règne un désenchantement tangible, un désespoir prégnant, qui entraînent les protagonistes de ces récits vers des pulsions destructrices : la violence, la perversion, la corruption, la déchéance...
Aucun des personnages présentés (dont certains réapparaissent d'une nouvelle à l'autre) n'est aussi vivant que Mertvecgorod. Morts en sursis, sacrifiés plus ou moins volontairement, leur sang, leur sperme, leurs cris, leur désespoir ou leur infini cynisme nourrissent une ville cannibale et gloutonne, qui elle seule s'épanouit au fil du récit.

L'écriture de Siébert est d'une finesse absolue. Crue, directe, organique. Elle donne vie à l'inanimé, personnalise la souffrance, abreuve les sens. Ses mots permettent de sentir la puanteur, voir la grisaille, ressentir la terreur, palper la chair. On ressort de cette lecture totalement habité par l'esprit de Mertvecgorod qui semble avoir étendu ses tentacules jusqu'au fond de notre psyché.

Tour de force absolument magistral, Images de la fin du monde est une de mes révélations de cette fin d'année. Si loin des clichés et des codes, si loin des tours et des recettes, voilà un livre original, qui ne ressemble à rien de ce que vous avez pu lire, qui s'éloigne des romans dytopiques léchés, ceux qui finissent par se confondre dans leur banalité.

Lien : https://unspicilege.org/inde..
Commenter  J’apprécie          30
Avec ces chroniques, Christophe Siébert a su créer un univers tout à la fois complètement dingue et d'un réalisme qui fait peur aux portes de notre vieille Europe.

Un bouquin, premier d'une saga, dont on ne ressort pas indemne et, après tout, c'est ce qu'on lui demande
Commenter  J’apprécie          10
Christophe Siébert n'en est pas à son coup d'essai. Explorant depuis de nombreuses années les recoins les moins reluisants de l'expérience humaine dans ses romans et nouvelles publiés sur ses blogs, dans des fanzines qu'il a parfois lui-même édité, ou des maisons d'édition confidentielles, il a construit une oeuvre dans laquelle on n'entre qu'à ses risques et périls. Noirs, gores, pornographiques, déjantés, on ne respire pas beaucoup dans ses textes, l'âme s'y trouve souvent coincée au milieu d'un paquet de viscères, immergée dans un magma épais et sombre.

Passé, comme il l'écrit lui-même, du statut de clochard de la littérature à celui de prolétaire et enfin de smicard de la littérature, il publie au Diable Vauvert Mertvecgorod, Images de la fin du monde.

Bienvenue à Mertvecgorod, donc. Mégalopole-état soviétique imaginaire et personnage principal du livre. le lecteur est plongé dans un univers sombre, battu par un vent glacial, un air vicié par une pollution effroyable, une ville où règne pauvreté, violence et corruption, constamment survolée de drones chargés par des entreprises privées de surveiller la population.
Conçu comme une porte d'entrée dans un projet littéraire ambitieux, construit autour de ce lieu qui représente bien plus qu'une toile de fond, ce recueil de courts textes met en scène une galerie de personnages variés – journalistes, adolescents désabusés, oligarques aux moeurs peu réjouissants, chef légendaire d'un mouvement de contestation politique s'apparentant à une véritable secte païenne autant qu'à un groupe terroriste – comme autant de rouages d'un monde en perdition. Mertvecgorod apparaît comme une divinité maléfique, enchaînant les personnages à leur destin tragique.

Le projet de Christophe Siébert dépasse largement le cadre de ce livre, qui constitue le premier tome d'un vaste cycle littéraire. L'univers de Mertvecgorod fait l'objet d'un site web, d'une page Wikipedia, d'une chaîne Youtube et d'autres textes publiées ici ou là. On décèle l'influence de différents registres littéraires, SF dystopique, roman noir, fantastique paranoïaque ou cyber-punk. Mais Christophe Siébert évite soigneusement le piège du pastiche ou de la redite. L'ouverture du livre, magistrale, brosse un portrait par petites touches de Mertvecgorod, servie par un style sobre, doté d'une grande puissance évocatrice et favorisant l'immersion totale du lecteur. Les nouvelles de ce recueil ne sont pas totalement indépendantes, elles forment plutôt un canevas, un ensemble de personnages et de situations connectées par des liens, à commencer évidemment par la ville elle-même, parfois très directs, parfois plus ténus, mais formant un tout cohérent.

Si elle est moins étouffante que dans certains de ses précédents méfaits, la noirceur est ici toujours présente. Peu importe l'énergie déployée par certains des personnages pour y échapper, l'espoir est rarement de mise à Mertvecgorod. Reste à suivre les trajectoires erratiques de ces personnages, naïfs ou désabusés, ceux dont l'énergie noire et maléfique nourrit la ville et ceux écrasés par elle, condamnés dés le départ.

Les Chroniques de la fin du monde constituent une entrée en matière très réussie dans un monde imaginaire qui fascine par son ampleur. L'auteur se donne les moyens de son ambition et le lecteur, après avoir refermé ce livre, attendra avec impatience son prochain billet pour Mertvecgorod.
Commenter  J’apprécie          00



Lecteurs (114) Voir plus



Quiz Voir plus

Les plus grands classiques de la science-fiction

Qui a écrit 1984

George Orwell
Aldous Huxley
H.G. Wells
Pierre Boulle

10 questions
4889 lecteurs ont répondu
Thèmes : science-fictionCréer un quiz sur ce livre

{* *}