Comment, à l'heure où l'Ukraine subit le martyre que l'on sait, où des évènements tragiques entrainent un torrent de commentaires plus ou moins éclairés sur la nature et l'histoire de ce pays, ne pas conseiller la lecture de ce très beau roman qui plonge le lecteur au XVII° siècle, dans les révoltes des cosaques du Dniepr contre la domination polono-lithuanienne?
L'auteur mondialement connu de ″
Quo vadis ″, prix Nobel 1905 de littérature, met en scène le chef des cosaques, Khmielnicki, qui, humilié par un noble de haut rang polonais, et ne parvenant pas à obtenir justice des autorités de Varsovie, suscite, profitant des frustrations multiples des paysans et des cosaques, la révolte la plus meurtrière depuis des siècles.
Les polonais, les prêtres catholiques, et, surtout, bien que cela n'apparaisse pratiquement pas dans le roman, les juifs, pour qui cette révolte a été une shoah avant la shoah, et Khmielnicki un précurseur d'Hitler, sont torturés, massacrés par dizaines de milliers et doivent s'enfuir massivement pour tenter d'échapper aux pires tourments. Les Tatars de Crimée, pour une fois alliés avec ces cosaques qui protègent d'habitude les contrées catholiques contre leurs fréquentes razzias, en profitent pour enlever par milliers juifs et paysans comme esclaves à revendre sur les marchés d'Istanbul et d'ailleurs.
Sienkiewicz est, dans son pays, la Pologne, plus réputé encore pour ses romans historiques qui reflètent la mémoire collective de grands moments fondateurs de l'histoire du pays, que pour "
Quo vadis" qui le fit connaître chez nous, et particulièrement pour ″
par le fer et par le feu ″ .
Ce récit prenant retrace les aventures mouvementées d'un jeune, brillant fier et courageux officier Polonais, à l'époque des guerres suscitées par la révolte des cosaques. Kmielnicki, leur chef, est l'un des principaux personnages du roman.
L'intrigue tient en haleine, avec des descriptions très prenantes de camps cosaques, de batailles, de combats singuliers ou d'escarmouches. Les relations entre les chefs cosaques, comme les profondes inimitiés à l'intérieur du commandement polonais sont très bien rendues.
Mais les personnages manquent un peu de profondeur psychologique, et sont un peu trop tout d'une pièce, à l'exception remarquable de Khmielnicki lui même, dont on perçoit les nombreuses faiblesses, les failles de caractère, derrière le génie militaire et diplomatiques.
Khmielnicki est un personnage abhorré des uns, porté aux nues par les autres. Son visage illustre des billets de banque ukrainiens, et une statue immense orne une place centrale de Kiev ; étrange paradoxe, alors que c'est lui qui, sentant le vent de ses victoires tourner, et en recherche d'alliés contre les Polonais qui avaient repris du poil de la bête, a conclu avec la Russie le traité qui fera pendant 350 ans de l'Ukraine une région intégrée à l'Empire Russe, puis soviétique..
Bref, un roman à lire de toute urgence quand la guerre ravage à nouveau ces riches contrées.