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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
"On allait vivre désormais des mois dans le mouillé, dans le froid, dans la boue et surtout dans le vent. C'était une tempête perpétuelle qui charriait dans le ciel des nuages sombres, toujours prêts à crever."

Une jeune fille, en tenue de deuil complète, quitte Bruxelles pour se rendre dans la province du Limbourg, dans une petite ville nommée Neeroeteren. le voyage en train est interminable. Il lui faudra la journée entière pour y arriver.

Edmée, c'est son prénom, vient de perdre son père. Elle n'a d'autre famille que celle de cet oncle. Elle ne parle pas flamand, ce qui va être une gêne certaine dans cette région rurale, isolée, dont le paysage est marqué par des canaux omniprésents. Ses tantes et cousines ne parlent pas (ou peu) le français.

Edmée n'est pourtant pas une jeune femme très sympathique. Elle se révèlera manipulatrice, et en premier lieu avec ses cousins. Fred, l'aîné, qui vient d'hériter de la ferme car l'oncle d'Edmée vient lui aussi de mourir, est le chef de cette maisonnée où les hommes dirigent tout. Jef, son frère cadet au physique massif mais marqué par une lourde hérédité, se liera aussi avec Edmée.

Ce roman "dur" mérite bien son qualificatif. Tous les personnages, y compris Edmée, oscillent entre violence, âpreté au gain et désirs sexuels inassouvis. Simenon dresse un tableau magistral de ces existences ravagées, qui s'accordent aux paysages de froid, de pluie et de grisaille perpétuelle.

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Un roman de Simenon qui m'a beaucoup plu.

Edmée a perdu sa mère à la naissance et son père, médecin, vient aussi de décéder. A dix-sept ans elle doit donc quitter Bruxelles pour rejoindre la famille de sa tante paternelle à Neeroeteren dans le Limbourg. le changement est assez brutal et elle ne fait pas beaucoup d'efforts pour s'adapter. Là aussi, la mort vient de frapper, le père est mort de la gangrène après une blessure. le fils aîné Fred prend donc la tête de la propriété qui produit du foin. C'est un sensuel qui va chaque semaine à la ville pour y retrouver des femmes. Jef, dix neuf ans, travaille beaucoup et se plie à toutes les exigences de sa cousine. Il y a encore Mia qui s'occupe de la maison avec sa mère, laquelle ne parle que flamand et obéit au fils comme elle a obéit au père, et deux petites soeurs qui vont à l'école communale. Edmée juge ces gens, fait des réflexions désagréables et elle ne travaille pas. On reçoit de temps en temps la visite de l'oncle Louis qui s'enferme avec Fred dans le bureau. Il s'avère que les affaires ne sont pas si florissantes qu'on le croyait et que la gestion de Fred n'arrange pas les choses. Les jours s'enchaînent, monotones.
Il faut arriver aux dernières pages pour que le drame arrive mais ce n'est pas important. Ce qui compte c'est la peinture toute en grisaille de ce domaine, du temps qu'il fait, pluie et brouillard, de la vie de cette famille peu favorisée physiquement, l'attitude ambigüe d'Edmée.
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Un merveilleux souvenir de lecture. L'obscurité, la pluie, les odeurs des berges du canal, la pauvre Edmée sous l'emprise des rivalités entre ses "vagues cousins" de Flandres chez qui elle a dû venir habiter... 1932 : dans l'art littéraire, un (discret) chef d'oeuvre était né. Rarement ce "génie du Lieu" qu'est au fond Georges Simenon ne s'est autant révélé que dans cette peinture âpre, où la Poétique sauvage de cette "Maison du canal" possède pour nous odeurs et couleurs inoubliables... jusqu'au drame final (*).

(*) ... me permettant cependant de vous déconseiller ici l'adaptation cinématographique qu'en fit Alain Berliner, hélas si plate et décevante : un très gentil ratage illustratif - se voulant héritier d'un "naturalisme à la française" - qui m'a semblé aggravé par la piètre performance de l'actrice principale, "surjouant" la frêle et trop belle Edmée (Isild le Besco).
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Georges Simenon est un "poseur" d'ambiance incomparable. La chose a déjà été dite, redite et radotée sur tous les tons mais, avec "La Maison du Canal" - dont l'action se déroule là encore dans un milieu dominé par l'eau des polders flamands - elle s'impose de façon si tranquille, si assurée et en même temps si éclatante qu'il faut bien la mentionner une fois de plus. Tout se passe comme dans ces spectacles de music-hall où, sur une scène absolument déserte, on voit débarquer, à petits pas traînants, un petit homme qui n'a l'air de rien, armé d'une valise elle aussi de taille minimale. L'expression de l'homme est ou triste, ou neutre mais il est clair que cette scène vide ne lui convient pas. Méthodiquement, avec un soin réfléchi, il fait alors jaillir de son sac toutes sortes d'accessoires et, peu à peu, l'on se retrouve avec un véritable décor, désormais débordant de vie sous la large tache pâle du projecteur de service. Un décor où notre petit homme improvise un authentique spectacle, angoissé, tendre, inquiétant, comique - au choix. Attention ! Ne pas confondre avec l'éblouissant panache du prestidigitateur du numéro précédent ! Ici, pas de paillettes, pas de trompe-l'oeil, pas d'illusion - rien que la vérité.

La littérature enfantine nous offre un personnage similaire, et pas n'importe lequel : Mary Poppins, toujours armée de son parapluie à bec de canard qui parle et d'un sac en tapisserie il est vrai plus conséquent en apparence que celui de notre petit artiste de music-hall, sac dont elle tire elle aussi un à un, et avec le plus grand naturel, des articles tous plus solides et plus "présents" les uns que les autres.

Eh ! bien, Simenon et sa "Maison du Canal", c'est Mary Poppins et notre petit artiste de music-hall anonyme réunis. Vous imaginez un peu ? ... ;o)

On n'a pas le temps d'aspirer une ultime gorgée de "notre" réalité que, paf ! dès la première page, on se retrouve immergé dans les paysages uniformément plats et humides sur laquelle se détache "La Maison du Canal." Tout est noir dès le départ - bon, me direz-vous, chez l'auteur belge, ce n'est pas une nouveauté, ça. C'est vrai mais alors là, c'est le deuil complet : la cousine Edmée, jeune fille de la ville wallonne qui vient de perdre son père et qui voyage engoncée dans un noir intégral, débarque chez ses cousins flamands qui eux, vont perdre le leur la nuit même de son arrivée. Pour reprendre une expression très parlante, c'est "la totale." Deuil par-ci, deuil par-là, la pluie qui n'en finit pas, un paysage calamiteux et désolé, de la boue partout, une famille effondrée, surtout quand elle découvre que le défunt a laissé plus de dettes qu'autre chose, et une veuve - la soeur de la mère d'Edmée en fait - qui ne parle pratiquement pas français. Fort heureusement pour Edmée, les enfants, Mia, l'aînée des filles, et les deux grands fils, Jef, qui est venu accueillir sa cousine à la gare dans une charrette si j'ai bien compris assez digne de notre Ankou breton, et Fred, désormais l'héritier de tout, sont bilingues.

Ouf ! Nous voici soulagés pour un temps. Mais pas pour longtemps.

D'abord, Edmée la Mince, Edmée l'Anorexique pourrait-on même ajouter, Edmée la-fille-de-la-ville, n'est pas vraiment sympathique. Fille unique, elle a perdu sa mère assez jeune et s'est habituée à retenir tout le temps et partout l'attention de son père, lequel était médecin, un statut social dont elle tire grande fierté. D'ailleurs, elle a apporté dans sa malle tous les ouvrages médicaux du mort et souhaite un temps se mettre, elle aussi, à l'apprentissage de la science d'Hippocrate. Peu à peu, le lecteur devine que cette jeune fille si bien, si rangée, en dépit de tout ce qu'elle peut exprimer de méprisant et de révulsé sur le sexe et la chair, est fortement attirée par ceux-ci. Elle professe aussi détester ardemment Fred, l'aîné de ses cousins, un sensuel s'il en est, toujours à courir après les filles, dans les polders ou dans la petite ville provinciale qui constitue, pour cette région, ce qu'une métropole grouillante de vices représente pour un hameau de trois fermes avec son épicerie-bistrot. Elle le professe, elle le chuchote, elle le clame, elle le crache ... mais il n'en est rien. Bien au contraire. Fred l'attire comme l'aimant attire son jumeau. Cela dit, physiquement parlant, Edmée n'est pas trop le type de Fred.

En revanche, et dès le premier soir, Edmée a produit son petit effet sur Jef, le cadet, un personnage un peu à la Quasimodo (un peu, seulement ), un taiseux qui aime à clouer des écureuils morts sur des planches, connaît à peu près tout ce qu'il faut savoir sur le domaine - et notamment sur les canaux et leur remplissage, le point est très important - et auprès de qui, au début en tous cas, Edmée passe beaucoup de temps. Oh ! en tout bien tout honneur. Mais platoniquement ne signifie pas que l'amour et le désir soient incapables de s'infiltrer dans un coeur. Jef n'a peut-être pas le physique de Don Juan mais, que voulez-vous, ça n'empêche pas les sentiments.

Là-dessus, Simenon nous brode une histoire de domaine familial qui s'en va à la dérive en raison des erreurs du père défunt et que l'oncle et subrogé tuteur des enfants voudrait bien récupérer pour lui. Soyons honnêtes : dans cette histoire, Fred n'est pas des plus clairs et se livre, pour s'amuser lui aussi, à quelques ponctions financières qui plongent sa malheureuse mère dans l'embarras car seul l'oncle peut renflouer la caisse. Et puis, voilà que la tuberculose se déclare chez Edmée, qui n'a jamais été bien vigoureuse. Rien que des points humides qui se résorbent vite mais Edmée s'entête : être malade, c'est river l'attention sur sa petite personne.

Un jour, l'inévitable est prêt de se produire entre un Fred passablement éméché, et une Edmée qui le défie, mais retentit alors le rire d'un indiscret ...

Et c'est là que tout se corse. C'est là que prend naissance un drame dont la phase ultime ne se concrétisera qu'à la fin du livre.

Ténèbres, envoûtement sans sorcières, un univers rural méfiant qui rappelle parfois le fantastique à la Seignolle, oppression tantôt parfaitement légitime, tantôt irraisonnée, des personnages denses, rudes, charnels, impulsifs, dont Simenon nous décrit, avec un art supérieur, les états d'âme les plus profonds quand, avec le machiavélisme de l'écrivain roué et sûr de sa force, il ne se contente pas de nous en faire entr'apercevoir, çà et là, un reflet, puis un autre, encore plus inquiétants que s'ils se révélaient à nous dans le bloc, têtu et ardent, de leur intégralité, un climat général d'étrangeté, aussi plat que le paysage et néanmoins complètement décalé : "La Maison du Canal", l'un des meilleurs "romans durs" de son auteur, vous accueille et vous emprisonne dans ses rets pour votre plus grand plaisir. C'est pesant, c'est angoissant, c'est prévisible - et c'est sans espoir. La fin ne pouvait être différente. Notre instinct nous le souffle dès les premiers chapitres mais, tels les enfants séduits par le Joueur de Flûte de Hamelin, nous emboîtons le pas à un Simenon qui nous guide loin, là-bas, très loin, là où les polders flamands se perdent dans un horizon universellement plat et sans surprises.

Enfin, quand j'écris "sans surprises", c'est pour la forme ... ;o)
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Ce Plat pays qui était le sien aussi

Edmée, une jeune fille devenue orpheline à la mort de son père quitte Bruxelles pour rejoindre un oncle maternel qui possède un domaine agricole du côté de Hasselt dans les Flandres belges, au nord-est du pays, proche des Pays-Bas. Région de canaux qui découpent géométriquement une terre plate.
A son arrivée, elle découvre une famille bousculée par la mort soudaine de l'oncle, frappé par la gangrène.
Edmée découvre aussi un monde de paysans aux moeurs différentes, parlant pour la plupart, une langue -le Flamand- qu'elle ne comprend pas.
Le domaine est en difficulté financière et Fred le fils aîné est à la peine. Edmée va assister à la débâcle, tout en instillant au sein d'une famille qui l'attire et la dégoûte, le poison de la dissension. Animée de pulsions morbides, elle ne peut que précipiter le drame.

"La Maison du Canal" est un roman particulier en ce qu'il emprunte à l'histoire de la famille de Simenon, du côté de la mère. Mais Simenon, une fois de plus, crée un monde où les détails du réel semblent pervertis. L'esprit fragilisé d'Edmée trouble les frontières et le roman baigne dans une ambiance hallucinée, jusqu'à la fin.

S'il n'était qu'un roman d'atmosphère, "La Maison du Canal" serait déjà une réussite. A sa lecture, comment ne pas penser aux chemins de pluie, aux cieux si bas et gris que les canaux se pendaient chez Brel ou encore, aux scènes villageoises de Brueghel ?
On peut aussi mesurer le talent d'un écrivain à la puissance de son évocation.

Mais chez Simenon, on pénètre aussi au fond des âmes. On creuse les comportements, on expose les névroses, mais sans chercher à expliquer.

Dira-t-on jamais assez le talent nécessaire pour écrire en à peine quelques mois, des oeuvres telles que "Le Coup de Lune" et "La Maison du Canal", des histoires a priori sans lien, conduisant des terres du Gabon écrasées de soleil, à ces paysages désolés, battus par la pluie et le vent ?

Et pourtant, le lecteur de ces premiers romans durs n'est pas dépaysé en passant de l'un à l'autre. Il retrouve dans les deux récits, les thèmes de la perte d'une certaine innocence, l'inadaptation à un nouvel environnement, la déchéance physique et morale, et cette atmosphère de chute inéluctable.

Débarrassé de Maigret et des intrigues policières, Simenon conduit son récit en bousculant tous les codes et il fait émerger de ce Plat Pays, un nouveau sommet.
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Très bon livre qui fait donc partie des fameux romans "durs", à lire de préférence en été sinon vous risqueriez de prendre froid dans cette campagne flamande. On sent tout au long du récit le drame se nouer, les personnages sont profonds, complexes et excessivement bien décrits. Simenon y montre les reliefs de l'âme humaine, la jalousie, le désir, l'ennui, la paresse; je recommande.
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Un des grands romans "durs" de Simenon, période Flamande pourrait-on dire (écrit en 1933). Presque à l'égal du "Bourgmestre de Furnes", le mètre-étalon de cette série.

Une famille se délite dans l'ambiance humide et froide de la Belgique néerlandophone. Pas véritablement de secrets mais une hérédosyphilis qui dégrade les corps et des rôles sociaux qui figent les esprits.

L'enchaînement des événements est inéluctable et implacable jusqu'au dernier chapitre saisissant (on peut imaginer que ce chapitre aurait pu être le premier. Simenon l'a-t-il envisagé ?)

Accessoirement, un roman qui permet de comprendre pourquoi Van Gogh est parti peindre sous le soleil provençal...

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