Singulier roman que ce "Quatre jours du pauvre homme". Plus exactement deux fois deux jours dans la vie de François Lecoin.
D'abord un homme
au bout du rouleau : au chômage, sa femme mourante à l'hôpital, un enfant à charge (la fille étant au sanatorium dans les Alpes), des dettes chez tous les commerçants du quartier, François Lecoin ne sait plus comment faire. Puis le décès de sa femme, loin de l'attrister, va provoquer un déclic chez cet homme : plus de pudeur, plus de morale, plus de peur. Il part aussitôt voir sa belle-soeur (son frère étant candidat à la députation) et n'hésite pas à la faire chanter. Résultat, il peut payer l'enterrement de sa femme, rembourser ses dettes et s'offrir une nuit auprès d'une prostituée.
Trois ans après, Francis Lecoin a développé son entreprise : il a créé un journal à sensations où les nouvelles les plus rentables sont celles qui ne sont pas publiées. Lui et ses acolytes pratiquent allègrement le chantage auprès des notables parisiens. Mais l'édifice est fragile et commence à se fragmenter. Ses associés se débinent et pourtant l'homme ne se décide pas à faire de même…
On peut y voir du
Balzac dans ce livre, une même vision de la presse que dans les Illusions perdues, mais également du
Zola, l'ascension d'un homme puis sa chute tout aussi vertigineuse. Mais c'est surtout l'attitude du personnage qui est intéressante. Pourquoi l'homme s'abaisse-t-il à de telles actions ? Pourquoi soudain met-il toute pudeur, toute crainte du qu'en dira-t-on de côté ? Pourquoi, dans la seconde partie, voit-il son monde s'écrouler sans s'émouvoir outre mesure ? Sans la peur du lendemain ?
Comme à son habitude,
Simenon ne donne pas spécialement d'explication, ni de justification. Dans un style tout en retenue, on suit simplement un homme, à chaque fois au bord du gouffre, ses gestes, ses actions, on est témoin d'un homme hors normes, dans des situations extrêmes. Un roman déstabilisant et l'occasion sans doute pour
Georges Simenon de tacler la presse de son époque.