Paris. Montmartre. Au début des années 60's (la TV est entrée chez les
Maigret).
L'hiver, la pluie, le froid (refrain classique) …
«
Maigret et le client du samedi » ou le meurtre d'un homme seul et triste … celui qui, il y a peu, attendit
Maigret, chez lui, un samedi soir, pour lui parler ; quelqu'un dont le commissaire ne savait rien sinon le nom,
Planchon ; depuis quelques semaines, l'inconnu avait demandé, mais en vain, d'être reçu à la PJ par
Maigret qui n'a jamais donné suite … désormais
Maigret, au pied du mur, ne peut qu'écouter.
Planchon lui avait confié son désir de meurtre, celui de sa femme volage.
Il fut embarrassé par cette situation de confessionnal, moins par un secret de circonstance auquel il ne se sent pas tenu que par la confiance que lui accorda
Planchon. Et puis l'homme avait l'air si sincère et déterminé ... mais que faire quand on ne peut pas arrêter en préventif, sinon attendre et espérer ?
Le classique trio infernal est au menu de ce court roman : le mari (Léonard
Planchon, peintre en bâtiment à son compte), l'épouse (Renée), l'amant (Roger Prou) … si ce n'est que la clandestinité adultérine n'est désormais plus de mise : le cocu fait chambre à part, les deux autres lit commun. le voisinage, les employés de l'entreprise, la jeune enfant du couple n'ignorent rien d'une situation qui a tout du viager (çà fait deux ans, une éternité pour un enfer à domicile) : Léonard se résigne au ménage à trois (est-ce bien à lui de partir, d'abandonner sa môme ?), refuse le divorce et le partage des biens, les deux autres lui mènent la vie impossible, l'obligent aux tête-à-tête solitaires avec l'alcool, une bonne partie de ses nuits, aux comptoirs de tous les bars de Montmartre.
Roman policier de procédure, logique et implacable, appliqué à une situation de départ que
Maigret, incrédule, juge quelque peu irrationnelle et incertaine. Situation sans cadavre, sans preuve, si ce n'est qu'à la disparition de
Planchon, une intuition traîne : il est arrivé quelque chose de fâcheux et il lui faut en référer à sa hiérarchie.
… la suite appartient au récit.
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Maigret et le client du samedi » renvoie une histoire, somme toute, toute simple, celle d'un « homme nu » aux prises avec ses indécisions, disséqué au plus près de son mal-être. Est-ce un roman de genre, policier procédural type, ou de littérature blanche tout court au regard d'une enquête qui coule de source et n'apporte guère de surprises ? Ce serait presque un de ces « romans durs » chers à
Simenon si
Maigret n'y était pas, somme toute, indispensable, ainsi que ses pipes et pantoufles, sa femme aux petits oignons, ses adjoints aux ordres du 36 Quai des Orfèvres, cette grippe qui couve en plein hiver et morve le nez, les grogs aux comptoirs.
Maigret ne passe donc pas en arrière-plan pour autant, le thème imposait sa présence, celle d'un enquêteur dont les doutes, les intuitions et les raisonnements poussent peu à peu vers l'épilogue, font partie intégrante de l'intrigue. N'empêche,
Planchon est un cas, digne d'un "roman dur".
Une histoire simple, donc. Classique, presque vaudevillesque si
Simenon n'y avait pas appliqué son art consommé du drame qui couve et fait mouche. S'y ajoute l'astuce géniale du secret de la confession appliqué à un commissaire de police. L'auteur sait insérer les mots qu'il convient pour enrichir un destin cousu d'avance, le rendre passionnant et d'apparence unique, attachant et vrai ; donner à la situation un poids certain, une forte crédibilité loin des pirouettes alambiquées d'un scénario inutilement complexe. On devine tout ou presque dès le postulat de départ posé ; une alternative persiste néanmoins, celle du suicide,
Simenon la gardera malgré tout sous
la main en trompe-l'oeil jusqu'au dénouement.
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Maigret et le client du samedi » est un roman humain avant tout ;
Simenon va chercher les failles d'un homme ; le gouffre dans lequel peu à peu, faute de ressort, il s'enfonce ; la vase d'où il lui suffirait d'un rien pour s'arracher ; ses béances face aux pressions insoutenables qui l'entourent.
Planchon se retrouve happé par un piège dont, à temps, il aurait pu s'extraire au prix d'un peu de courage et de fatalisme conjugal. Comme à l'habitude, les personnages secondaires (et satellitaires au prix de courtes phrases synthétiques), ne sonnent pas le creux mais rendent un son plein ; ils nous renvoient, en échos à leurs actes, à une humanité bien trop enclin à toutes les bassesses possibles.
Simenon est sans pitié pour le genre, peut-être moins ce coup-ci pour
Planchon à qui il donne le bénéfice du doute (même si au final
Maigret trompera sa confiance aux assises).
« le client du samedi » est la description de la lente descente aux enfers d'un homme médiocre et faible, vidé de tout rebond salvateur face à un problème conjugal qui le dépasse. Ses réactions sont, quelque part, affligeantes ; on a envie de secouer cette chiffe molle qu'il s'obstine à être en acceptant les coups sans les rendre; le lecteur s'irrite, non sans raisons légitimes, de tant de laxisme incompréhensible accordé à deux belles ordures ; l'empathie à son encontre proémine parfois, on souhaiterait l'extraire de son enfer personnel. le roman est le portrait patient et précis, tout en nuances de gris foncés, d'un être malheureux, en bout de tout espoir, en bordure de précipice, égaré dans le brouillard terne d'une vie désormais sans rime ni raison, d'un être inconsistant, transparent, couleurs muraille, indécis, mou. Il était bon père (que va devenir la petite ?) et bon mari, honnête et travailleur ; mais bien trop triste, bien trop casanier, il a eu le grand tort de confier sa laideur physique (un bec de lièvre le défigure) à une femme vénale, bien trop jeune et bien trop belle. La situation psychologiquement labyrinthique dont laquelle il est pris, qu'il ne contrôle plus, est désormais en d'autres mains que les siennes ; le fil d'Ariane d'un bonheur simple s'est rompu, ne lui restent plus que la corde ou le meurtre. Quelle voie choisir si ce n'est celle, peut-être de s'en remettre à
Maigret le samedi dans la salle d'attente de la PJ quand il ne travaille pas.
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