Tout cela peut paraitre chaotique, tant les éditions et publications du cycle des « Cantos d'Hyperion » ont été nombreuses. Simplifions la construction de cette oeuvre, M. Simmons rédigea deux pavés de sept à huit cents pages. D'une part, Hyperion (qui se divise éventuellement en deux petits livres) , et sa suite, la chute d'Hypérion, également adaptable en deux tomes distincts. Viendra plus tard s'y joindre la saga d'Endymion, mais c'est une autre histoire, littéralement.
Revenons à la « Chute d'Hyperion » qui reprend l'intrigue où « Hyperion » l'avait laissée. Après la mise en place du décor, la définition des protagonistes, leurs histoires, et l'arrivée du pèlerinage sur le site finale du roman,
Dan Simmons opère un virage soudain, inattendu mais nécessaire, voir indispensable à l'intrigue et à la clarification de l'univers général du Retz. Ici, vous entrerez dans les méandres politiques de l'Humanité. Assis confortablement à droite de la présidente de l'hégémonie, vous observerez la mise en place des stratégies militaires dans le cadre de la guerre avec les Extros (cette race mutante vivant en marge de la galaxie) autour d'Hyperion. Au contraire du premier tome dont la narration objective ignorait tout cynisme ou vice, cette seconde partie s'enfonce dans les manoeuvres politiciennes malsaines où plusieurs partis se font face, les belliqueux et les autres, à mesure que la menace grandit. En parallèle, D. Simmons suit la rencontre du gritche avec les sept pèlerins sur Hyperion alors que le combat fait rage et que l'univers vacille. Ce second et dernier opus permet au premier de prendre encore plus d'ampleur par la définition de l'univers politique du Retz, ses intérêts, sa population et ses représentants. Il y est question d'échanges commerciaux, de système de défense, de flotte de guerre, de partis politiques, de technologie et d'écologie…..D. Simmons donne ses plus hautes couleurs à l'univers qu'il a fondé.
Il est passionnant, après quelques centaines de pages de mises en place, de rentrer dans le vif du sujet, dans la bataille finale. Mais en mettant en exergue la lutte et la guerre totale, on en occulte presque l'intrigue initiale, celle de la rencontre des pêcheurs avec le gritche, alors même que leur intrigue avait monopolisé l'attention de lecteur pendant de longues heures. Souvent, à courir deux lièvres, on n'en attrape aucun, et c'est là que l'auteur pêche un peu. A vouloir étendre son récit à l'échelle de l'univers en décrivant les conflits de l'espace, il se rend moins précis et rigoureux quant au pèlerinage grichtèque, coeur de l'intrigue et départ de l'aventure. Nos six protagonistes perdent donc leur ampleur et leurs aventures s'avèrent brouillonnes , opaques, voire incompréhensibles. Beaucoup de questions ne trouveront pas de réponse sur Hyperion, et bien que ce roman fasse appel à moult références philosophiques et poétiques, ces absences de réponses s'avèrent frustrantes.
Heureusement, la plume de l'auteur est toujours aussi souple et fluide, capable de sauter d'un monde à l'autres avec de fines opérations de ponctuation. D'un rythme lent et impérieux, il accélère et imprime un ton belliqueux, rapide, urgent. C'est un plaisir à lire, indéniablement. Toutefois, D. Simmons, par son talent d'écriture, tombe dans un piège trop fréquent, trop facile….il lasse. Obsédé par le talent poétique de J. Keats, l'auteur sombre dans d'interminables digressions faisant référence à la triste existence de ce poète inconnu, reconstituant ses réflexions, sa vie et sa mort, sur des dizaines, non, plutôt des centaines de pages. le lecteur a presque le sentiment que D. Simmons fait référence à une littérature intellectuelle et romantique du XIXème siècle pour se justifier de sa légitimité en tant qu'auteur malgré le genre de ses romans. Avec tout le respect que j'ai pour cet hommage, ces digressions n'ont pas leur place ici et ternissent le roman, alourdissant le récit inutilement. A mon sens, ce défaut empêche définitivement les Cantos d'Hyperion d'entrer dans le cercle très restreint des chefs d'oeuvre de la science-fiction. C'est dommage, il y avait matière à….