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Citations sur La Route des Flandres (39)

... À quoi j'ai répondu par retour que si le contenu des milliers de bouquins de cette irremplaçable bibliothèque avait été précisément impuissant à empêcher que se produisent des choses comme le bombardement qui l'a détruite, je ne voyais pas très bien quelle perte représentait pour l'humanité la disparition sous les bombes au phosphore de ces milliers de bouquins et de papelards manifestement dépourvus de la moindre utilité.
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[mai 1940]
mais comment appeler cela : non pas la guerre non pas la classique destruction ou extermination d'une des deux armées mais plutôt la disparition l'absorption par le néant ou le tout originel de ce qui une semaine auparavant était encore des régiments des batteries des escadrons des escouades des hommes, ou plus encore : la disparition de l'idée de la notion même de régiment de batterie d'escadron d'escouade d'homme, ou plus encore : la disparition de toute idée de tout concept si bien que pour finir le général ne trouva plus aucune raison qui lui permît de continuer à vivre non seulement en tant que général c'est-à-dire en tant que soldat mais encore simplement en tant que créature pensante et alors se fit sauter la cervelle

Pléiade p. 402
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... travaillant pendant les mois d'hiver à décharger des wagons de charbon, maniant les larges fourches, se relevant lorsque la sentinelle s'éloignait, minables et grotesques silhouettes, avec leur calot rabattu sur leurs oreilles, le col de leur capote relevé, tournant le dos au vent de pluie ou de neige et soufflant dans leurs doigts tandis qu'ils essayaient de se transporter par procuration (c'est-à-dire au moyen de leur imagination, c'est-à-dire en rassemblant et combinant tout ce qu'ils pouvaient trouver dans leur mémoire en fait de connaissances vues, entendues ou lues, de façon - là, au milieu des rails mouillés et luisants, des wagons noirs, des pins détrempés et noirs, dans la froide et blafarde journée d'un hiver saxon - à faire surgir les images chatoyantes et lumineuses au moyen de l'éphémère, l'incantatoire magie du langage, des mots inventés dans l'espoir de rendre comestible - comme ces pâtes vaguement sucrées sous lesquelles on dissimule aux enfants les médicaments amers - l'innommable réalité) dans cet univers futile, mystérieux et violent dans lequel, à défaut de leur corps, se mouvait leur esprit : quelque chose peut-être sans plus de réalité qu'un songe, que les paroles sorties de leurs lèvres : des sons, du bruit pour conjurer le froid, les rails, le ciel livide, les sombres pins :) ...

Pléiade p. 230.
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... Corinne continuant un moment encore à le dévisager, toujours sans rien dire, avec ce même implacable mépris, et à la fin haussant brusquement les épaules, ses deux seins bougeant, frémissants, sous le léger tissu de la robe, toute sa jeune, dure et insolente chair exhalant quelque chose d'impitoyable, de violent et d'enfantin, c'est-à-dire cette totale absence de sens moral ou de charité dont sont seulement capables les enfants, cette candide cruauté inhérente à la nature même de l'enfance (l'orgueilleux, l'impétueux et irrépressible bouillonnement de la vie), disant froidement : "S'il est aussi capable de la faire gagner que vous, je me demande pourquoi on vous paie ?", tous les deux se dévisageant (elle dans ce symbole de robe qui la laissait aux trois quarts nue, lui dans cette vieille veste maculée qui s'accordait à peu près aussi bien à l'étincelante casaque de soie qu'elle laissait voir que le visage souffreteux et tavelé de petite vérole qui la surmontait ...

Pléiade p. 314
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Mais j'ai tout de même réussi à me faire blesser, à répandre tout de même moi aussi quelques gouttes de mon précieux sang de sorte qu'ensuite j'aurai au moins quelque chose à raconter et que je pourrai dire que tout l'argent qu'ils ont dépensé pour faire de moi un soldat n'a pas été tout à fait perdu, quoique je craigne que cela ne se soit pas passé dans les règles, c'est-à-dire de la façon correcte, c'est-à-dire atteint par un ennemi me visant dans la position du tireur à genou, mais seulement par une chaussure à clous, encore que ce ne soit même pas certain, encore que je ne sois même pas sûr de me vanter plus tard de quelque chose d'aussi glorieux que d'avoir été blessé par un de mes semblables parce que ça devait plutôt être quelque chose comme un mulet ou un cheval qu'on a dû fourrer par erreur dans ce wagon, à moins que ce ne soit nous qui nous y trouvions par erreur puisque sa destination première est bien de transporter des animaux, à moins que ce ne soit pas une erreur et qu'on l'ait, conformément à l'usage pour lequel il a été construit, rempli de bestiaux, de sorte que nous serions devenus sans nous en rendre compte quelque chose comme des bêtes...
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Et Blum : « La gravure ? Alors il y en a bien une ! Tu m’avais dit que… »
Et Georges : « Mais non. Il n’y en a pas. Où as-tu pris ça ? » Il n’y avait pas non plus – du moins il n’en avait jamais vu – d’image représentant cette bataille, cette défaite, cette déroute, sans doute parce que les nations vaincues n’aiment pas perpétuer le souvenir des désastres ; il n’existait de cette guerre qu’une peinture décorant la grande salle de l’Hôtel de Ville, et illustrant la phase victorieuse de la campagne : mais cette victoire n’était arrivée qu’un an plus tard, et c’était environ cent ans plus tard encore qu’un peintre officiel avait été chargé de la représenter, plaçant à la tête de soldats dépenaillés qui avaient l’air de figurants de cinéma un personnage allégorique, une femme vêtue d’une robe blanche qui dénudait un de ses seins, coiffée d’un bonnet phrygien, brandissant une épée et la bouche grande ouverte, debout dans la lumière jaune d’une journée ensoleillée, au milieu des écharpes d’une fumée glorieuse et bleuâtre, les gabions renversés et, au premier plan, le visage grimaçant et stupide d’un mort représenté en perspective, couché sur le dos, une jambe à demi repliée, les bras en croix et la tête en bas, regardant de ses yeux exorbités, les traits tordus dans une éternelle grimace, les successives générations d’électeurs écoutant discourir les successives générations de politiciens auxquels cette victoire avait conféré le droit de discourir – et aux auditeurs celui de les écouter discourir - sur l’estrade drapée de tricolore
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quels sont ces arbustes buis ou plutôt conifère je crois boulingrins que l’on taille géométriquement jardins à la française dessinant de savantes courbes enchevêtrées bosquets et rendez-vous d’amour pour marquis et marquise se cherchant à l’aveuglette cherchant trouvant l’amour la mort déguisée elle aussi en bergère dans le dédale des allées
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Où avais-je lu cette histoire dans Kipling je crois ce conte sinon où, de cet animal affligé d’un bec, d’un tarin « Va te faire tarauder l’oignon » disait-il
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Les chiens ont mangé la boue
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Il me semblait de nouveau que cela n’aurait pas ne pouvait pas avoir de fin mes mains posées, appuyées sur ses hanches écartant je pouvais le voir brun fauve dans la nuit et sa bouche faisant Aaah aaaaaaaah m’enfonçant tout entier dans cette mousse ces mauves pétales j’étais un chien je galopais à quatre pattes dans les fourrés exactement comme une bête comme seule une bête pouvait le faire insensible à la fatigue à mes mains déchirées j’étais cet âne de la légende grecque raidi comme un âne idole d’or enfoncée dans sa délicate et tendre chair un membre d’âne je pouvais le voir allant et venant luisant oint de ce qui ruisselait d’elle je me penchai glissai ma main mon bras serpent sous son ventre atteignant le nid la toison bouclée que mon doigt démêlait jusqu’à ce que je le trouve rose mouillé comme la langue d’un petit chien frétillant jappant de plaisir sous laquelle l’arbre sortant de moi était enfoncé sa gorge étouffée gémissant maintenant régulièrement à chaque élan de mes reins combien l’avaient combien d’hommes emmanchée seulement je n’étais plus un homme mais un animal un chien plus qu’un homme une bête si je pouvais y atteindre connaître l’âne d’Apulée poussant sans trêve en elle fondant maintenant ouverte comme un fruit une pêche jusqu’à ce que ma nuque éclate le bourgeon éclatant tout au fond d’elle l’inondant encore et encore l’inondant, inondant sa blancheur jaillissant l’inondant, inondant sa blancheur jaillissant l’inondant, pourpre, la noire fontaine n’en finissant plus de jaillir le cri jaillissant sans fin de sa bouche jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien sourds tous les deux tombés inanimés sur le côté mes bras l’enserrant toujours...
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