Encore une fois Sinisterra prend pour décor et sujet, le théâtre. Il y a dans toutes les pièces de Sinisterra un élément d'étrangeté et une très légère tendance au fantastique: un peu comme l'ivresse que provoque une coupe de champagne. Dans le siège de Leningrad le merveilleux est instillé tout au long de la pièce, et ne devient réellement explicite qu'à la toute fin. L'art dramatique a un rôle similaire à celui du Génie de la lampe, il apparaît juste au bon moment pour sauver une situation désespérée.
Pourtant le cadre et les deux personnages qui composent la pièce n'ont franchement pas grand-chose de merveilleux. Deux femmes relativement âgées, survivent dans un théâtre désaffecté et délabré. Leur vie à tous trois s'est figée depuis la mort de Nestor. Nestor, outre ses fonctions de metteur en scène, chef de troupe et directeur du théâtre était le mari de l'une et l'amant de l'autre. La mort de Nestor reste un mystère. Est-il tombé des cintres accidentellement ou non ? Toujours est-il que depuis 23 ans tout le monde a fuit ce lieu hormis la propriétaire et une comédienne qui était aussi la légitime du défunt. Mais Nestor avant son accident, avait parlé d'une pièce extraordinaire qu'il espérait monter rapidement. Or, de cette pièce on ne sait rien, sauf son nom « Le siège de Leningrad » ; malheureusement en vingt-trois ans de recherche le manuscrit reste introuvable. Afin de faire face à une situation financière difficile, décision est prise de vendre le théâtre. Alors que le théâtre est cerné par les bulldozers le manuscrit tant recherché est enfin découvert. Trop tard, la destruction est inéluctable. Pourtant ces deux femmes vieillissantes sont habitées par une puissance qui stupéfiera les conducteurs d'engin, qui resteront bouche bée et benne en l'air. Cette puissance s'appelle : « L'ART DRAMATIQUE ».
Avec Le siège de Leningrad Sinisterra rend un hommage à un art qu'il pratique depuis plus de cinq décennies. Cependant la pièce ne se limite pas simplement à cela, elle est d'une très grande richesse, ainsi sont abordés le vieillissement, l'amour, la politique, l'économie...Et jamais d'une manière pesante en assénant des discours didactiques, uniquement par le jeu et la poésie des répliques et des didascalies. Pour conclure, je le dis, je l'ai déjà dit, mais je redis, comme ça, ce sera dit :
José Sanchis Sinisterra est le plus talentueux dramaturge contemporain. ¡ VIVA ! SINISTERRA !