Dans son petit carnet à la couverture fleurie, elle a noté le terme qu’avait utilisé un médecin de l’hôpital Henri-Mondor. « Mélancolie délirante ». Louise avait trouvé ça beau et dans sa tristesse s’était subitement introduite une touche de poésie, une évasion.
Les habits de père lui semblait à la fois trop grands et trop tristes… Il avait envie, parfois, d’être enfant avec eux, de se mettre à leur hauteur, de fondre dans l’enfance.
La vie est devenue une succession de taches, d'engagements à remplir, de rendez-vous à ne pas manquer. Myriam et Paul sont débordés. Ils aiment à le répéter comme si cet épuisement était le signe avant-coureur de la réussite. Leur vie déborde, il y a à peine la place pour le sommeil, aucune pour la contemplation. Ils courent d'un lieu à un autre, changent de chaussures dans les taxis, prennent des verres avec des gens importants pour leur carrière. À eux deux, ils deviennent les patrons d'une entreprise qui tourne, qui a des objectifs clairs, des entrées d'argent et des charges.
(pp. 128-129)
La nounou est comme ces silhouettes qui, au théâtre, déplacent dans le noir le décor sur la scène. Elles soulèvent un divan, poussent d’une main une colonne en carton, un pan de mur. Louise s’agite en coulisse, discrète et puissante. C’est elle qui tient les fils transparents sans lesquels la magie ne peut advenir. Elle est Vishnou, divinité nourricière, jalouse et protectrice. Elle est la louve à la mamelle de qui ils viennent boire, la source infaillible de leur bonheur familial.
On ne la regarde pas et on ne la voit pas, elle est une présence intime mais jamais familière.
On se sent seul auprès des enfants. Ils se fichent des contours de notre monde. Ils en devinent la dureté, la noirceur mais n'en veulent rien savoir.
P15
Adam est mort, Mila va succomber.
Elle a le besoin éperdu de se nourrir de leur peau, de poser des baisers sur leurs petites mains, d’entendre leurs voix aiguës l’appeler ‘maman’. Elle se sent sentimentale tout à coup. C’est ça qu’être mère a provoqué. Ça la rend un peu bête parfois. elle voit de l’exceptionnel dans ce qui est banal.
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Louise construit patiemment son nid au milieu de l’appartement.
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Tu vois, tout se retourne et tout s’inverse. Son enfance et ma vieillesse. Ma jeunesse et sa vie d’homme. Le destin est vicieux comme un reptile, il s’arrange toujours pour nous pousser du mauvais côté de la rampe.
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Myriam et Paul sont débordés. Ils aiment à le répéter comme si cet épuisement était le signe avant-coureur de leur réussite. Leur vie déborde, il y a à peine la place pour le sommeil, aucune pour la contemplation.
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Ce bébé, elle [Louise] le désire avec une violence de fanatique, un aveuglement de possédée. Elle le veut comme elle a rarement voulu, au point d’avoir mal, au point d’être capable d’étouffer, de brûler, d’anéantir tout ce qui se tient entre elle et la satisfaction de son désir.
Était-ce dû à cette petite chaise, sur laquelle elle était mal à assise, dans cette classe qui sentait la peinture et la pâte à modeler ? Le décor, la voix de l'institutrice la ramenaient de force à l'enfance, à cet âge de l'obéissance et de la contrainte.
Alors toutes les fois qu'elle en a l'occasion, c'est derrière l'écran de son iPhone qu'elle regarde ses enfants qui sont, pour elle, le plus beau paysage du monde.
La vie est devenue une succession de tâches, d'engagements à remplir, de rendez-vous à ne pas manquer.