AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,68

sur 48 notes
5
3 avis
4
3 avis
3
4 avis
2
0 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
J'aime beaucoup ce Philoctète de Sophocle. C'est une pièce assez atypique que je peine à appeler tragédie. Si j'avais à la positionner absolument dans une case précise, ce qu'en soi je répugne toujours à faire, je la qualifierais plus volontiers de drame psychologique.

Ce n'est pas — et de loin — la pièce la plus connue de Sophocle et pourtant, elle présente de nombreuses qualités, même pour un lecteur du XXIème siècle après cet hypothétique inconnu qu'on nomme Jésus-Christ (hypothétique inconnu du temps de Sophocle j'entends, lui qui écrit environ quatre siècles avant).

Il n'est sans doute pas inutile de rappeler quelques éléments de la biographie de Philoctète. C'est un ancien compagnon d'Héraclès (Hercule pour les latinistes) qui, à la mort de ce dernier, a hérité de son arc, un arc aux pouvoirs semi-magiques, qui jamais ne rate sa cible, ce qui en fait donc un arsenal redoutable à lui tout seul.

Philoctète, d'une droiture morale irréprochable (même un peu psychorigide par moment) était lié par un serment, celui de ne jamais révéler l'endroit de la sépulture du grand héros dont il tient son arc. Or, par l'entremise d'un oracle de Delphes, (les oracles de Delphes, à l'époque, c'était quelque chose, croyez m'en) les Grecs acquirent la conviction qu'ils ne s'empareront de Troie que si Philoctète leur révèle l'endroit précis de cette tombe.

Notre vaillant archer, tiraillé entre ces deux exigences adverses, ne voulant trahir ni son serment, ni les Grecs, de mauvaise grâce désigne du pied l'endroit. Grand mal lui en prit car aussitôt, la nymphe qui faisait sentinelle sur le tombeau, transmutée en vipère, injecte une portion de venin propre à terrasser un cheval dans le talon du malheureux Philoctète.

Souffrant horriblement, ayant le pied purulent et proche de la putréfaction, hurlant de douleur constamment. Philoctète devint une gêne pour ses compagnons d'arme. Et pour reprendre les remarques d'un certain président, n'eût été que le bruit, passe encore, mais l'odeur absolument insoutenable de la mauvaise blessure pousse Ulysse, oui, oui, le vrai Ulysse, ce héros incomparable, à accomplir un acte assez peu recommandable.

Avec quelques hommes, ils emmènent le braillard putride loin sur une petite île isolée et désolée, livré à son triste sort. Et pendant dix ans, Philoctète se traine lamentablement sur un pied parmi cette misère de pierres, vivant des seules ressources de son arc, à maudire tant des dieux qui lui ont infligé pareille épreuve que d'Ulysse, dont il ne rêve que de la mort.

C'est à ce moment précis que débute la pièce de Sophocle. La guerre de Troie n'en finit pas et bat même son plein. Seulement, les Grecs s'étant emparés d'un Troyen visionnaire dont les prédictions s'avèrent toujours exactes, Hélénos, ont désormais acquis la conviction qu'ils ne remporteront la victoire que si Philoctète lui-même revient combattre avec son arc.

C'est donc gênant pour Ulysse, lui qui l'a lâchement abandonné à son pied purulent sur un rocher oublié. Celui-ci demande donc son aide à un preux guerrier, Néoptolème, le fils du probe et vaillant Achille et qui se caractérise par la même sincérité et honnêteté morale que son père.

Ulysse sait que seul quelqu'un tel que lui peut infléchir le borné et têtu Philoctète dans son refus d'aider jamais les Grecs à nouveau après le revers qu'ils lui ont infligé.

J'ai tenu à vous faire cette longue présentation pour que vous mesuriez bien tout l'enjeu de la pièce et qui est selon moi intéressant. Tout va donc se résumer à convaincre quelqu'un dont on s'était fait un ennemi de venir combattre à nos côtés pour emporter une victoire dont l'autre n'a que faire.

Drôle de challenge pour Néoptolème, car, si tant est qu'il parvienne à décider Philoctète de prendre son parti, encore faudra-t-il parvenir à rabibocher Ulysse et Philoctète, et ça, c'est presque aussi compliqué que de faire coopérer les O'Timmins et les O'Hara des Rivaux de Painful Gulch !

Ce qui m'a donc intéressée ici, ce sont les aspects psychologiques et philosophiques soulevés. D'une part, l'ingratitude et la trahison endurées par Philoctète ce qui engendre fatalement rancune et désir de vengeance. Et d'un coup, me reviennent tant de cas d'ennemis héréditaires et héréditairement inconciliables, comme Israéliens et Palestiniens, par exemple.

Le message de Sophocle est ici intéressant. Selon lui, on se punit soi-même si l'on refuse l'opportunité d'une main tendue par l'ennemi, sous prétexte que les vieux comptes ne sont pas encore soldés, sous prétexte que l'on a été martyr et pas encore vengé.

J'y vois pour ma part une vraie philosophie de vie, à savoir que c'est de présent et d'avenir que nos vies doivent faire leur pain quotidien, les blessures du passé ne doivent pas être oubliées, mais ne doivent pas non plus compromettre les bonnes volontés présentes. Je vous laisse méditer sur ce message de sagesse vieux de vingt-cinq siècles...

J'hésite donc entre trois et quatre étoiles car cette oeuvre, comme toutes les tragédies grecques, souffre un peu de la couche de poussière qui la recouvre, mais, si l'on se donne la peine de la gratter un peu du bout de l'index, présente aussi des brillances insoupçonnées. Mais ce n'est bien évidemment qu'un avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
Commenter  J’apprécie          642
Que personne ne bouge ! Personne ne meurt ! Avec Philoctète, Sophocle nous épargne les assassinats cruels, les suicides grandiloquents et les représailles vengeresses. Pour autant, on ne peut pas dire qu'on se repose… Si la mort n'est pas toujours belle à voir, la vie ne l'est pas davantage, surtout lorsqu'elle s'acharne sur un personnage en particulier.


Ainsi en est-il de Philoctète. En route pour Troie à bord d'un bateau, il se tire par inadvertance une flèche dans le pied. le pied se gangrène et pour ne pas finir ensevelis sous des fragrances infâmes, les compagnons de Philoctète abandonnent le malheureux sur l'île déserte de Lesbos. Au moment où nous le découvrons dans la tragédie de Sophocle, dix années se sont écoulées depuis cet accident. On imagine aisément que toutes ces années ont permis à Philoctète de nourrir une haine sans faille pour ses compagnons de voyage… mais voilà que ceux-ci désirent désormais l'extirper de son île déserte pour le rapatrier vers Troie. Compassion ? Remords ? Que nenni ! Un oracle a prédit que Troie ne pourrait être prise sans Philoctète et ses fameuses flèches confiées par Héraclès.


Parmi ces fameux compagnons –qu'on préfèrerait ne pas avoir- se trouve Ulysse. Il débarque sur l'île de Lemnos en compagnie de Néoptolème, fils d'Achille, qu'il persuade d'aller à la rencontre de Philoctète pour l'attirer dans un bateau en direction de Troie. La ruse est de rigueur… le brave Néoptolème s'oppose de tout coeur à cette trahison mais trop obéissant pour refuser de se soumettre aux ordres d'Ulysse, il obtempère malgré tout. La ruse fonctionnera-t-elle ou non ? Philoctète embarquera-t-il finalement pour Troie ? Découvrira-t-il la machination dont il a été la victime ? Êtes-vous certain que personne ne mourra ? (allez, rien qu'un cadavre, pour le plaisir !)


Si la tragédie s'inscrit, comme d'habitude avec Sophocle, dans les corps et les chairs meurtris, la pièce de Philoctète insiste particulièrement sur l'aspect psychologique de ses personnages. Les ruses déployées pour contrer les émotions sont bientôt détournées par de nouvelles et imprévisibles réactions –grandiloquentes, comme à leur habitude.


Pour moi qui ne suis qu'une hérétique, pour moi qui ne connais de la légende de Philoctète que cette version donnée par Sophocle –et qui ne peux donc la comparer à aucune autre-, je ne lui trouve qu'une valeur mythologique et historique. La lecture n'est pas désagréable mais n'enchante pas non plus. Elle ne provoquera pas d'étonnement, ni même de plaisir particulier. Même si Philoctète, Ulysse et Néoptolème sont des êtres humains, ils semblent si désincarnés qu'on lit leurs aventures comme on regarderait des dieux s'affronter dans le ciel, très loin de nous. Si loin qu'ils nous échappent…
Lien : http://colimasson.over-blog...
Commenter  J’apprécie          210
C'est lors de ma lecture de «L'homme dans le labyrinthe» de Robert Silverberg que BazaR m'informa que l'auteur s'était inspiré de Philoctète pour son personnage principal. Il était donc logique pour moi de lire cette pièce de Sophocle, bien que je ne sois pas très familière des lectures antiques.

Alors qu'il l'a abandonné, 10 ans plus tôt, en piteux état sur l'île de Lemnos, Ulysse doit retourner chercher Philoctète car un oracle a prédit que seul ce dernier pourra faire gagner aux grecs la guerre de Troie grâce à son arc et ses flèches, héritage d'Héraclès.
Ulysse se doute bien que son retour auprès de Philoctète ne sera pas bien accueilli, bien au contraire. Il décide donc de faire intervenir Néoptolème à sa place pour convaincre l'homme de monter sur son bateau.
Néoptolème est le fils d'Achille, c'est un jeune guerrier intègre et honorable qui ne peut qu'inspirer confiance à Philoctète. le jeune homme rechigne à mentir au début, mais se plie à la volonté d'Ulysse en obéissant aux ordres. Et ça marche ! Mais saisi de culpabilité face à cet homme blessé physiquement (infection au pied) et moralement (abandon, trahison), il avoue finalement sa ruse...

Une pièce relativement courte et qui se lit assez facilement, j'ai plutôt apprécié et lirai certainement d'autres textes de Sophocle. Un bon moyen en tout cas de découvrir la mythologie grecque...
Commenter  J’apprécie          192
Lecture surprise, que je n'aurais pas attendue de moi. J'en suis arrivé là en suivant le fil de l'eau de commentaires sur Babelio. Lecture de "Solaris" de Stanislaw Lem, qui, contrairement au film de Soderbergh, m'avait barbé. Appel à conseils sur Babelio pour de la science fiction qui n'est pas centrée sur l'anticipation ni l'exotisme mais sur la psychée humaine. Conseil de Fifrildi pour Silverberg. D'où "l'homme dans le labyrinthe". Remarque de Thimiroi sur le fait que le scenario est inspiré de Sophocle. Et voilà.

Lecture davantage studieuse que passionnée. Qui me donne envie de lire Antigone et Oedipe Roi (en plus mon épouse est psychanalyste, je vais me faire bien voir).

....bien sûr, comme pour tous les mythes et tragédies grecques on peut s'en servir de point de départ pour réfléchir sur les situations contemporaines. Ici : le mensonge est-il justifiable ? Un héros est-il forcément fort ? L'amitié s'arrête-telle là où la puanteur commence ?
Commenter  J’apprécie          40


Lecteurs (151) Voir plus



Quiz Voir plus

Titres d'oeuvres célèbres à compléter

Ce conte philosophique de Voltaire, paru à Genève en 1759, s'intitule : "Candide ou --------"

L'Ardeur
L'Optimisme

10 questions
1296 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature française , roman , culture générale , théâtre , littérature , livresCréer un quiz sur ce livre

{* *}