Citations sur Le Silence (39)
Sur le coup, j'ai trouvé que Samuel exagérait, car il devait bien imaginer comme je brûlais de curiosité. La discrétion est sa marque. Samuel est un homme dans l'ombre. Une ombre qui n'est ni obscurité, ni crépuscule. Encore moins ténèbres.
Bouleversée, Jessica montre le tableau sur lequel sont restés écrits des noms de romanciers français.
- Dans les romans, peut-être... La littérature n'est pas la vie, John.
- C'est toi qui dis ça ? Je me souviens d'une conversation vieille de vingt ans dans laquelle tu expliquais que les mots étaient aussi réels que les faits.
Tu m'avais convaincu.
Ton absence m'emplit, Alexandre. Elle est présence et m'obsède. Je n'imaginais pas qu'un disparu puisse occuper tant de place. Ton image devant mes yeux. Ta voix. Ton corps. Cet envahissement qui renvoi aux débuts de l'amour. Je te cherche.
Je cherche.
J'ai abandonné l'idée de déceler un signe que tu m'aurais laissé. Subtil, ambigu, comme tu savais l'être. Pendant des jours et des nuits, je me suis interrogée. En vain. Aussi, ai-je décidé de remonter à la source, au temps de notre rencontre. Comme si ma dernière chance de retrouver un signe m'attendait là-bas.
Il aime les femmes. Cela ne trompe pas. C'est d'ailleurs le secret des séducteurs, leur unique mystère, tout simplement que de nous aimer telles que nous sommes. Les autres se forcent pour nous conquérir. Mais au fond d'eux demeure la peur que nous leur inspirons.
Toi, tu as dix ans, peut-être moins. Tu sais que leur absence de regard est justement un regard. leur silence un don. Ils te disent adieu. Ils t'aiment au point de ne pas vouloir te voir sur le trottoir en face. Dorénavant seul pour l'éternité.
Le champagne est beaucoup plus qu'un vin. Il remet le monde à l'endroit, c'est-à-dire dans le sens où nous aimerions le voir.
Comme c'est étrange, Alexandre. J'ai la tentation de me libérer de toi. Je t'en veux de n'avoir fait, avec duplicité, qu'une partie du chemin. Car enfin, tu ne m'as pas jugée digne de partager ton histoire, tes secrets, tes tourments. Il y a eu trop d'asymétrie entre nous.
Certains jours, elle se convainc qu'il n'y a rien à découvrir. Le silence d'Alexandre s'abîmera dans l'éternité. Cette perspective la désespère. Alors, elle recommence à chercher. Songer à sa quête l'éloigne de son chagrin. Reste l'espoir de comprendre, puisque admettre lui est refusé;
A quoi songes-tu, mon malheureux ? Mon délabré. Mon fracassé. Ma tendresse. Ma chair oouverte. Celui dont j'ai hérité la folie. Quel détail de ta vie, minuscule aux yeux des autres, te preoccupe en cet instant ? Tu approches. Quelques mètres nous séparent. Te l'ai-je dit, mon enfant, que tu es beau ? Des femmes doivent t'adresser des signes. Elles ignorent qu'elles croisent un éphèbe de marbre. C'est tellement cruel de te savoir seul dans ce corridor de silences. Sans main à saisir. Sans paupière à baiser.
J'aimerais reconstruire l'histoire de nos vies.
Respirer de nouveau librement.
Alexandre, toi. Quand as-tu cessé de respirer ?