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Citations sur Tolstoï ou Dostoïevski (30)

On pensait d'ordinaire que le roman du XIXe siècle - du moins jusqu'à Zola- avait évité les aspects les plus scabreux et les plus pathologiques de l’expérience érotique. On citait Dostoïevski comme un pionnier dans la révélation de ce monde souterrain du refoulement et de la luxure « contre nature » que Freud nous a si largement ouvert. Mais les faits sont tout autres. Même dans le « grand » roman, nous trouvons des chefs-d'œuvre, comme la Cousine Bette de Balzac et les Bostoniens de Henry James, qui traitent de thèmes sexuels risqués avec une intelligente liberté. L’Armance de Stendhal et le Roudine de Tourgueniev sont des tragédies de l'impuissance ; le Vautrin de Balzac précède les invertis de Proust de près de trois quarts de siècle et Pierre, de Melville, est un extraordinaire coup de sonde dans les dévoiements de l'amour.
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Nous oublions que les « horrifiques » histoires de Lewis et de Mrs. Radcliffe étaient plus universellement lues et firent plus pour colorer le goût européen au XIXe siècle que tout autre livre, à l'exception peut-être des Confessions de Rousseau et du Werther de Goethe.

Dostoïevski rappelait que dans son enfance il passait « les longues soirées d'hiver à écouter (car je ne savais pas encore lire), béant d'extase et de terreur, mes parents lire à haute voix les romans d'Ann Radcliffe. Après, j'en délirais en dormant ».
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Si nous pouvons dire des épopées homérique et virgilienne qu'elles étaient des manières d'entretien entre le poète et l'aristocratie, nous pouvons dire du roman qu'il a été la forme d'art fondamentale de l'ère de la bourgeoisie.

Avec le roman ne naquit pas seulement l'art du bourgeois, de l'habitant des villes d'Europe ; depuis Cervantès il fut le miroir que l'imagination, quand elle fait appel à la raison, tend à la réalité quotidienne. Don Quichotîe lançait au monde de l'épopée un adieu ambigu et mélancolique ; Robinson Crusoé délimitait le monde du roman moderne. Comme le naufragé de Defoe, le romancier va s'entourer d'une palissade de faits tangibles : les maisons merveilleusement solides de Balzac, l'odeur des puddings de Dickens, les pharmacies de Flaubert et les interminables inventaires de Zola. S'il trouve une empreinte dans le sable, le romancier en déduira que c'est l'homme Vendredi qui se cache dans les buissons, non pas que c'est la trace d'une fée ou, comme dans le monde shakespearien, la trace fantomale du dieu Hercule « qu'Antoine aimait ».
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Quand nous lisons « bien » Tolstoï et Dostoïevski (pour paraphraser Richards), la question de la croyance ou de l'incroyance se pose a tout instant, non par leur « faute » ou la nôtre, mais à cause de leur grandeur et de notre humanité.

Comment, alors, devrions-nous les lire ? Comme nous lirions Eschyle et Dante plutôt que, mettons, Balzac ou même Henry James. Parlant de la fin de la Coupe d'or, qui est si près d'être un roman religieux, Fergusson écrit : « Maggie n'a pas un Dieu à qui renvoyer le Prince, pas plus que n'en avait James. »

Ce renvoi à Dieu, et à un Dieu si terriblement proche de la vie de l'âme, est le centre même et la base de l'art des maîtres russes. La cosmologie d'Anna Karénine et des Frères Karamazov, comme celle du théâtre antique et du théâtre médiéval, est ouverte d'un côté au danger de la damnation, de l'autre à l'action de la grâce. Nous ne pouvons en dire autant du monde d'Eugénie Grandet, ou des Ambassadeurs, ou de Madame Bovary. Il s'agit ici d'un jugement non de valeur, mais de fait.
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Mais ce fut dans les Mystères de Paris d'Eugène Sue (1842-1843) que le néogothique, appliqué à la peinture de la vie citadine, atteignit son expression la plus complète. Belinsky en fit l'éloge et l'ouvrage fut lu aussi avidement en Russie qu'à travers toute l'Europe. Dans Enfance, Adolescence et Jeunesse,Tolstoï se rappelle le vif plaisir qu'il trouvait dans la littérature, « à l'estomac » dirait Gracq, si curieusement puissante de Sue. Dostoïevski connaissait les Mystères et le Juif errant.
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Dans des œuvres aussi différentes que Oliver Twist et les contes d'Hoffmann, dans la Maison aux sept pignons et dans le Procès de Kafka, nous pouvons discerner la matière néogothique. Mais seuls des spécialistes savent que des œuvres et des auteurs aujourd'hui relégués dans des notes en bas de page ou sur des affiches jaunissantes au fond d'un musée furent les modèles auxquels un Balzac, un Dickens, un Dostoïevski demandèrent de guider leur sensibilité. Nous ne pouvons plus du tout imaginer le critère des valeurs qui permit à Balzac - voulant porter aux nues un épisode de la Chartreuse de Parme - de comparer ces pages de Stendhal à « Monk » Lewis et aux « derniers romans d'Ann Radcliffe ».
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Même là où ses intentions sont plus complexes et plus profondes Dostoïevski se conforme, pour le choix des situations, aux conventions du mélodrame contemporain. Vieux débauchés poursuivant des jeunes filles sans ressources, fils de famille corrompus par la débauche, héros sataniques hantés par le diable, « femmes perdues » au cœur d'or - voilà la distribution conventionnelle des rôles dans le répertoire mélodramatique.

Par la sorcellerie du génie ils sont devenus les personnages tragiques des Frères Karamazov. Et ceux qui prétendent que les confessions de Svidrigailov et de Stavroguine sont sans précèdent dans la littérature et ont dû jaillir de l'âme de Dostoïevski toute nue n'ont sans doute pas lu la Rabouilleuse de Balzac (1842), où le désir d'un vieil homme pour une fille de douze ans est assez clairement exprimé.
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Peu après avoir appris la nouvelle de la mort de Dostoïevski, Tolstoï écrit à Strakhov:
"Je ne l'ai jamais vu, je n'ai jamais eu aucune sorte de rapport direct avec lui; mais quand il est mort, je me suis soudain rendu compte qu'il avait été pour moi le plus précieux, le plus cher et le plus nécessaire des êtres. Il ne m'est jamais même entré dans la tête de me comparer à lui. Tout ce qu'il écrivit était tel que plus il écrivait ainsi et plus je me réjouissais. La réussite artistique, l'intellect peuvent éveiller mon envie, mais une oeuvre venue du coeur, seulement de la joie. Je l'ai toujours considéré comme mon ami et je comptais très fort le voir quelque jour. Et brusquement j'apprends qu'il est mort. D'abord j'ai été complètement bouleversé et quand plus tard j'ai compris quelle valeur il avait eue à mes yeux, je me suis mis à pleurer."
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A la différence du chroniqueur et de l'historien de la littérature, c'est des chefs-d'oeuvre que devrait s'occuper le critique. Sa fonction essentielle est de distinguer non pas entre le mauvais et le bon, mais entre le bon et le meilleur.
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Si nous faisons exception pour les Ames mortes de Gogol (1842) Oblomov de Gontcharov (1859) et la Veille de Tourgueniev (1859), la grande époque du roman russe s'étend de l'émancipation des serfs, en 1861 à la révolution de 1905. Pour la puissance de création et la persistance du génie, ces quarante-quatre années peuvent légitimement se comparer aux âges d'or de l'Athènes de Périclès et de l'Angleterre d'Elisabeth et de Jacques 1er.
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