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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Bérénice grandit à Paris dans une famille patriote, entre un père juif qui a fui la Russie à cause de l'antisémitisme de son armée et une mère au foyer. Mais en 1934, quand elle est admise au Conservatoire pour poursuivre son rêve de devenir comédienne, son père la met à la porte : "tu n'iras pas au Conservatoire, ce n'est pas un métier pour les Juifs, je te l'ai dit cent fois." "Alors je préfère ne plus être juive", lui lance sa fille.

Elle devient Bérénice de Lignières, du nom d'une cliente de son père qui la prend sous son aile. Désormais, sa famille, ce sont les comédiens qui l'entourent, comme son prof préféré Louis Jouvet ou son camarade Robert Manuel. À force de travail, elle entre à la Comédie-Française et joue les rôles de ses rêves avec les grands de la maison de Molière, tels Jean Yonnel, Béatrice Bretty, René Alexandre ; elle nage dans le bonheur.

La Seconde Guerre mondiale éclate, la France est vaincue, l'ennemi occupe Paris. La Comédie-Française décide d'exclure tous les Juifs de sa troupe, dont Bérénice. Une autre vie commence alors, une vie qu'"elle ne racontera pas à ses petits-enfants, ni même à ses enfants".
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"Bérénice 34-44" est le premier roman d'Isabelle Stibbe, paru en 2012.

Ce roman historique mêle avec brio les personnages fictifs – dont Bérénice – aux véritables acteurs de cette époque. le fond historique est précis et la toile se tisse naturellement entre la fiction et L Histoire.

Quant à l'écriture, elle est aussi agréable que variée : l'autrice a inséré dans son texte, là encore le plus naturellement du monde, des lettres, des articles de journaux et des extraits de pièces de théâtre qui donnent une véritable profondeur à l'histoire.

Je ne regrette que deux petits points : des personnages disparaissent au cours de l'histoire, comme s'ils avaient été oubliés sur la table de l'écrivaine, et la fin m'a paru trop rapidement décrite.
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Cet ouvrage m' a beaucoup intéressé. Bien écrit, facile à lire, il décrit le courage et la volonté d'une jeune fille qui malgré le refus de ses parents (nous sommes dans les années 1940) embrasse la carrière théâtrale. le seul bémol, ce qui m'a gêné dans ma lecture, c'est de savoir que le personnage principal était imaginaire un peu comme si cela enlevait de la force au récit, bien que les évènements et les vies relatées ne soient en aucune façon de la science fiction.
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Roman repéré lors de sa sortie, notamment en raison des nombreux billets enthousiastes, mais pourtant je n'étais pas pressée de le lire. Mais il y a quelques semaines, je l'ai croisé par hasard sur les rayonnages de ma bibliothèque préférée et j'ai saisi l'occasion.

Bérénice est née le jour de la signature du traité de Versailles. Son père, Moishe Kapelouchnik, devenu Maurice Capel, choisi pour le nouveau-né le prénom de Bérénice en souvenir d'un camarade de tranchées, en hommage à la France pour laquelle il s'est battu. Un prénom prédestiné puisque dès son plus jeune âge, la petite Bérénice rêve de devenir actrice. le rêve d'enfant devient une véritable vocation lorsqu'à l'âge de 8 ans elle assiste à une représentation de la Comédie Française. Si ses parents considéraient sa passion d'enfant d'un oeil à la fois perplexe et moqueur, sa vocation arrêtée suscite leur désapprobation sans appel. A 15 ans, malgré l'interdiction parentale, Bérénice entre au Conservatoire.

Bérénice est jeune, Bérénice est belle, Bérénice est talentueuse. Mais Bérénice est juive ce qui ne laisse guère de doute quant à l'issue du roman. D'autant que l'auteur insiste à de multiples reprises, et ce dès la première page, sur le fait que jamais Bérénice ne pourra raconter son histoire à ses enfants et petits-enfants. L'histoire de Bérénice est touchante, forcément. le personnage est attachant, forcément. Les destins brisés des milliers Juifs anonymes, intellectuels ou artistes, est un sujet qui a été abordé à maintes reprises (oserai-je dire rebattu ?) par la littérature. J'avoue être souvent partagée devant ce sujet. D'un côté l'émotion et le devoir de mémoire, de l'autre un sentiment de déjà-vu et de facilité.

Nous suivons donc Bérénice depuis l'enfance jusqu'à la fin de sa vie (les dates 34-44 du titre faisant référence à sa carrière Théâtrale). J'ai bien aimé les parties consacrées à l'enfance de Bérénice, à son apprentissage au Conservatoire, à sa carrière à la Comédie Française et les débuts de la période de l'Occupation. Toutefois, les derniers chapitres ne m'ont pas du tout convaincue. Tout s'enchaîne alors trop vite et sans trop de logique. Les dernières années de Bérénice ne remplissent que quelques dizaines de pages et tout ce qui avait fait jusqu'alors le charme du roman est absent.
L'auteur a un style assez surprenant, car elle semble osciller entre un point de vue narratif externe classique et des interventions rappelant plutôt la biographie. Ainsi, Isabelle Stibbe donne corps à Bérénice, ancrant le personnage dans la réalité. le réalisme du l'histoire de Bérénice est accentué par la présence de personnages réels, par des anecdotes historiques.

Mais bien plus que par l'histoire de Bérénice (qui ne brille pas par son originalité), j'ai été fascinée par la Comédie Française, son histoire, les acteurs. La Comédie Française est une institution mythique et j'ai vraiment aimé découvrir son fonctionnement interne.
Lien : http://tantquilyauradeslivre..
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Ce n'est pas Bérénice qui raconte son histoire. Ce n'est pas elle qui exprime sa passion du théâtre, née peut-être de ce prénom donné par ses parents comme une pré-destination. Dès le début, on sait que ce n'est pas elle et cette information influe sur la lecture. On se doute de la raison qui empêche Bérénice de raconter elle-même ce qu'elle a vécu et, pourtant, on espère se tromper, on compte sur l'auteur pour négocier avec l'irrémédiable. La littérature n'a-t-elle pas l'immense pouvoir de contourner le réel ?
"Comédienne, ça n'est pas un métier pour les juifs !" affirme le père de Bérénice. Mais pour entrer au Conservatoire, sa fille est prête à tous les sacrifices, même à celui d'être reniée par sa famille. Comédienne, elle le sera, mais sous une autre identité et elle entrera ainsi dans une nouvelle famille : celle du théâtre.
Remarquée par Louis Jouvet, elle intègre son cours et apprend son métier avec acharnement. Ce pourrait être un conte de fées si la menace inscrite dès les premiers mots du roman ne s'incarnait dans une étoile jaune et dans l'interdiction de pratiquer son art. Que reste-t-il à un comédien qui ne peut plus monter sur scène ? Dépouillée de tout ce qui a fait sa vie, Bérénice s'engage naturellement aux côtés de ceux qui continuent à lutter.

Le roman d'Isabelle Stibbe est irrigué par l'amour du théâtre qui respire par tous les pores du texte. Il m'a semblé vivre en même temps que Bérénice l'exaltation ddes représentations, le travail des répétitions, les rencontres avec les plus grands noms de la scène de l'époque et le déchirement d'en être éloignée. le conte de fées se mue en cauchemar, nasse dans laquelle Bérénice - au nom de tous les autres - sera peu à peu emprisonnée.
Alors que le rideau tombe, on espère encore que la pièce va se poursuivre. On attend le moment où Bérénice reviendra saluer le public. On voudrait que l'échéance fixée par le titre soit un leurre avant l'ultime rebondissement. On voudrait continuer à lire Isabelle Stibbe très longtemps encore.
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On pourrait croire, selon moi, à tort, qu'il est plus aisé pour un écrivain de choisir un univers qui le passionne. Si l'inspiration, certes, ne fait alors pas défaut, il n'en reste pas moins que l'auteur doit veiller à ne pas étouffer son lecteur avec cette nourriture presque trop abondante. Il faut convaincre et non gaver (sans jeu de mots, je reste sur ma (tentative) de métaphore).
En s'emparant d'un sujet comme l'amour du théâtre qui, à en juger par son parcours professionnel _ elle est actuellement secrétaire de l'Athénée Théâtre Louis Jouvet_ l'intéresse au plus haut point, Isabelle Stibbe aurait pu être assommante par excès de lyrisme (le sujet s'y prête tellement !) ou de valeurs imposées. Mais elle n'est pas tombée dans le piège, ce qui constitue une belle prouesse pour un premier roman, surtout quand il fait 350 pages.
La vocation absolue de Bérénice pour le théâtre est présentée de manière maîtrisée avec une montée en puissance qui invite le lecteur à se joindre progressivement au cercle que l'auteur forme avec son sujet d'inspiration et l'héroïne qui l'incarne.
Cela commence par une conviction naïve et mal dégrossie d'une enfant de 8 ans, dont le père, émigré juif de Russie a choisi le prénom par amour de la langue française. Six ans plus tard, l'enfant est devenue une adolescente à la détermination farouche, prête à se mettre en rupture avec sa propre famille pour tenter le concours d'entrée au Conservatoire et qui décide d'acter sa décision, dans un désir têtu de congruence. Une protectrice inespérée lui sert de prête-nom : de Lignières, en voilà une belle consonance pour les affiches ! Elle a cependant tout à apprendre et trouvera en Jouvet, un maître exigeant tout autant que novateur et qui prend parfois plaisir à se moquer de son amour pour cette vieille maison qu'est la Comédie-Française car Bérénice n'en démord pas, c'est dans ce velours là qu'elle veut jouer. Venant de loin, il lui faut la légitimité de la maison de Molière, cette institution pourtant un peu poussiéreuse au milieu des années 30 où les sociétaires sûrs de leurs "emplois" (terme de théâtre) bloquent souvent les velléités de modernisation de l'administrateur général. L'auteure est parfaitement documentée sur l'histoire de la maison, se basant notamment sur les rapports précis établis par Jean Knauf pour les saisons allant de 1938 à 1943 (en lecture sur le site de la Comédie-Française).
Bérénice qui ne vit que par et pour le théâtre (un peu aussi pour son homme, un musicien allemand exilé pour cause de convictions anti-nazies), qui passe du statut de pensionnaire à celui de sociétaire en un temps record, se préoccupe assez peu de la guerre que l'on devine imminente. Pourtant, dès 1939, elle est bien obligée d'être en prise avec la réalité. C'est d'abord son homme qui est arrêté, suspect parce qu'Allemand puis, en 1940, avec la défaite et la situation d'Occupation, c'est elle-même qui est menacée. La Comédie-Française, symbole par excellence de culture fait l'objet de toutes les attentions des services de propagande allemande et le nouvel administrateur général est prié de donner les noms des membres juifs de la troupe. La délation fait craquer le vernis de sa nouvelle identité de comédienne, Bérénice de Lignières s'efface et laisse réapparaître Bérénice Kapelouchnik, fille de Moïshe, émigré juif russe ayant fui les pogromes, engagé volontaire en 1914 pour servir la France. Cette judéité qu'elle a reniée car rien ne devait venir s'intercaler entre elle et son désir de théâtre lui revient en fait comme la seule identité possible. Pourtant, elle ne se soumet pas au recensement pas plus qu' au port de l'étoile jaune, refusant d'accréditer des lois qu'elle estime iniques, refusant de quitter la France pour rejoindre son mari en Espagne, refusant la défaite tout simplement et choisissant, avec d'autres, les formes de combat possible, faisant sienne à nouveau la devise de la vieille maison, "Simul et singulis", "être ensemble et être soi-même". On la savait déterminée et volontaire, on va la découvrir courageuse voire héroïque. Elle est magnifique, portée par une écriture qui l'est tout autant mais ce n'est pas un rôle cette fois et personne, exceptés les lecteurs de cette histoire, ne viendra l'applaudir.

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Bérénice, cette enfant tant attendu par Maurice Capel immigré juif, est fasciné dès son plus jeune âge par le théâtre et cette passion demeure en elle malgré la désapprobation de ses parents, elle veut être comédienne mais surtout entrer au Conservatoire, alors elle apprend tous les textes qu'elle peut se procurer, connaît tous les mouvements de personnel de la Comédie Française.
C'est en 1934 que Bérénice réussit le concours d'entrée, inscrite avec l'accord de son père espérant qu'elle échouera sa surprise est d'autant plus énorme lorsqu'il apprend que non seulement elle a réussi mais qu'en plus son talent a fait toute la différence, elle est arrivée première.
Au matin du premier jour de cours et contre la volonté de son père Bérénice quitte son foyer et part réaliser son rêve, son père la renie ; elle se retrouve sans famille mais avec la possibilité de monter sur les planches.
Une carrière magnifique commence pour elle et grâce à Mme de Lignières qui la prendra sous son aile, lui offrant un toit et un petit revenu en attendant de pouvoir gagner sa vie elle-même. C'est le bonheur, on lui offre de beaux rôles et brille dans des costumes extraordinaires et rencontre l'amour mais à partir de 1939 les choses se gâtent, elle qui ne connaît que très peu ses origines son identité juive va lui sauter au visage. L'Histoire que l'on connait si bien est en marche et n'épargnera personne.

Ce beau roman qui parle de l'amour du théâtre, de la période trouble de l'occupation et de ses lois raciales, nous permet de rencontrer les grands noms du théâtre français et nous ébloui avec le velours rouge de la Comédie française, à côté de la beauté des lieux il y a le chagrin des exclusions, de vies brisées, l'amour perdu et la résistance.
J'ai adoré ce roman, de part cette époque de l'occupation qui me fascine et qui est ici abordé de façon originale en montrant son impact sur les artistes, mais surtout par ce destin extraordinaire et dramatique, cette femme courageuse et qui se bat pour ses rêves, tiraillée entre l'amour d'un homme et l'amour pour la scène malgré les dangers qui la guettent.
Une belle découverte que je recommande pour les fans de roman historique et ceux de la vie théâtrale

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Quelle idée d'appeler sa fille Bérénice quand on est russe, juif, installé en France pour fuir les pogromes dans son pays d'origine. S'il avait su quel destin attendait sa fille, Maurice Capel y aurait réfléchi à deux fois. Très tôt Bérénice n'a aucun doute sur ce qu'elle veut faire. Elle n'a qu'une passion : le théâtre, qu'un but : la Comédie Française. Comme si son prénom, l'historique de son choix, avaient conditionné la vie de la petite fille. Mais ses parents, fourreurs, voient d'un très mauvais oeil la vocation de leur fille. Avec la complicité de Madame de Lignières, Bérénice trouve le moyen de passer le concours d'entrée au Conservatoire dont elle sort première. Sa vocation est telle que la jeune fille soumise à un cruel ultimatum de la part des ses parents, préférera quitter le cocon familial, être reniée par son père pour pouvoir vivre sa passion pleinement;


La première partie du roman nous montre les différentes étapes qui mèneront la jeune Bérénice Capel, devenue Bérénice de Lignières, jusque sur les planches de la Maison. On y découvre l'apprentissage des futurs comédiens, les coulisses du Conservatoire puis de la Comédie Française. On y vit la passion de Bérénice, son intégration complète dans ce milieu, ce sentiment de troupe, de famille qu'elle ressent comme jamais avant. Mais sa vocation, Bérénice la vit dans une période agitée et une petite phrase sinistre vient comme un refrain nous avertir que le drame est proche.

"Elle ne racontera pas à ses petits enfants, ni même à ses enfants..."

Car la tempête gronde, Hitler est au pouvoir en Allemagne et ses visées expansionnistes vont mettre le feu aux poudres. Malgré les suppliques de son mari, juif allemand ayant quitté l'Allemagne à l'arrivée au pouvoir d'Hitler, Bérénice ne vit que pour la Comédie Française, que pour la tragédie.


Ce roman nous peint le portrait d'une femme passionnée, d'une femme pour qui le théâtre est la vie. Une personnage tour à tour attachant et agaçant tant sa passion l'aveugle. Sa vocation d'actrice la rend pendant une bonne partie du roman, complètement aveugle et sourde à ce qui se passe en dehors du théâtre. Elle se croit protégée par sa célébrité.

Bérénice 34-44 nous montre cette sinistre période de l'histoire sous une angle particulier. La majeure partie du roman se passe sur scène, en coulisses et la guerre à l'extérieur, n'est qu'une musique de fond qui prend peu à peu de l'importance. On y retrouve des comédiens célèbres comme Louis Jouvet qui sera la professeur de Bérénice, ou Robert Manuel, l'ami des débuts. Un milieu décrit avec précision par un Isabelle Stibbe qui sait de quoi elle parle puisqu'elle a travaillé pour la Maison. La Comédie Française nous y apparaît comme un microcosme, on y retrouve tout ce qui constitue la société mais en concentré. Les amitiés, les jalousies, les rivalités, le tout exacerbé par l'horreur de la guerre.

Isabelle Stibbe nous livre un roman passionnant porté par une plume efficace, par moment poétique. le seul petit bémol que je mettrais à ce livre passionnant tient dans la disproportion entre le traitement de la vie dans le théâtre, et la vie extérieure, les décisions politiques, l'avancée du conflit. Mais malgré tout un excellent moment de lecture.

"C'était vers cela qu'elle voulait tendre en tant que tragédienne, elle ne serait satisfaite que quand elle parviendrait, par l'amplitude de sa voix, par la variété de ses couleurs, à faire ressentir la difficulté d'être, le frôlement avec la folie et la mort, ce moment de basculement subtil où chacun pourrait passer sans crier gare de l'autre côté de la normalité. L'art ne doit pas être réaliste, songea-t-elle, il doit amplifier la vie."

"Quand reviendra le jour, tout s'arrangera, murmura Alain Béron à l'oreille de Bérénice, nous avons tant lutté, tant souffert que tout sera merveilleux ensuite, tout deviendra possible. Il suffira de vouloir pour que nos désirs se réalisent, quand reviendra le jour, même revoir Nathan sera facile et nous jouerons enfin La Harpe de David. Après tant d'horreurs, l'art triomphera, l'humanité comprendra qu'il est le seul salut, que l'art est tout ce qui nous préserve de notre part d'ombre, c'est pour moi l'évidence..."
Lien : http://leslecturesduhibou.bl..
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La voie de Bérénice, ne serait-ce qu'en raison de son prénom, était toute tracée : sa vie serait consacrée au théâtre. Et elle y brille sur les planches, jusqu'à être admise à la Comédie Française. En 1937, malheureusement pour elle. Car Bérénice va être rattrapée par son passé, qu'elle a pourtant cherché à dissimuler : elle est juive…
Ce roman est particulièrement remarquable par sa capacité à mêler fiction et réalité : la façon dont Bérénice évolue auprès des personnalités de l'époque (Jouvet, Gabin,…) est si crédible qu'on est tenté de croire que Bérénice a réellement existé. Les heures sombres de l'occupation, ses incidences sur la vie de cette institution qu'est la Comédie Française, l'exclusion brutale des juifs de la société, tout ceci est très bien évoqué, et permet à mon sens de rattraper une première partie de roman où l'histoire et les personnages manquent un peu d'épaisseur.
Bérénice, en particulier, va évoluer, contrainte et forcée par les évènements : elle qui avait sacrifié ses parents et ses origines à sa vocation, va subitement devoir renoncer à ce qui était toute sa vie, le théâtre. Elle va quitter la scène, rentrer dans le rang, pour progressivement, face aux injustices et à la barbarie, trouver une nouvelle voie, un nouveau rôle presque.
Mais le titre du roman (cette période accolée au prénom de l'héroïne, signifiant un début… et une fin) ne laissait finalement que peu de doute, tout comme l'allusion régulièrement distillée au fil des pages sur ce que Bérénice ne pourra dire à ses enfants ou à ses petits-enfants : la destinée de Bérénice serait tragique, c'était inéluctable.
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François Truffaut dans son film le dernier métro évoquait déjà l'histoire du théâtre français sous l'occupation. Bérénice 34-44 de'Isabelle Stibbe, secrétaire générale de l'Athénee Théâtre Louis Jouvet, nous ouvre les portes du temps de la Comédie Française. « Certaines préoccupations sont communes aux Allemands et au régime de Pétain : maintenir l'ordre, assurer une censure stricte, "désenjuiver" le théâtre français... Tout un ensemble de mesures, générales ou plus particulières à la culture, encadre désormais l'activité théâtrale.Ainsi, dès septembre 1940, les Allemands publient la fameuse "liste Otto" (du nom de l'ambassadeur d'Allemagne, Otto Abetz), complétée par une seconde en 1942: au total, 1200 titres, "qui empoisonnent l'opinion publique", sont interdits et de nombreux auteurs sont mis à l'index : tous les écrivains juifs, les opposants allemands, les Français "douteux", les Anglo-saxons postérieurs à 1870... » comme l'explique Pascal BAUCHARD dans l'educiné.
Fallait il jouer, fallait il continuer de jouer, et si oui, à quelle condition, à quel prix, au nom de qui, pour qui et devant qui ?
Entre purge, rafle et censure, entre la Propaganda Staffel et la presse collaborationniste fallait il sauvegarder « les emplois » , continuer de vivre de son art, ou faire le choix de ne rien concéder au nom de l'Art lui même ? C'est la question de l'engagement et du devoir de l'artiste qui est posée vraisemblablement à travers ce livre. Pourquoi l'ensemble des sociétaires de la Comédie-française n'a-t-il pas démissionné lorsque le régime nazi a demandé l'exclusion des comédiens juifs ? Pourquoi les héritiers de la maison de Molière à ce moment de l'histoire ont ils fait le choix de rouvrir le théâtre ? Quelles responsabilités incombaient aux artistes ?
Claudel, Vidal, Cocteau, Barrault, Dux, Anouilh, Sartre et bien d'autres continuèrent de jouer, d'écrire et de mettre en scène. Résister, contourner la censure, entretenir coûte que coûte la flamme?
Quant à elle , la Comédie-Française entre symbole et patrimoine, entre honneur et mémoire, quel choix devait elle faire ?

Astrid Shriqui Garain
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Amis téléspectateurs, bonjour !

Au programme d'Un Jour, Un Destin, la trajectoire météorique de Bérénice Capel, tragédienne de caractère qui toute jeune affirma son désir d'émancipation en tentant le conservatoire et ce, malgré l'interdiction péremptoire d'un paternel qui, pourtant, lui donna sciemment le prénom d'une héroïne emblématique de la maison Racine, Carrée de son p'tit nom.

Nous sommes en 1934. A l'Est, toujours rien de nouveau. Une pause, un répit, comme le bêla si gracieusement Garou, Gorille de son p'tit nom.

Je récapépète depuis le bédut.
Bérénice affiche donc une volonté plus qu'affirmée.
D'origine juive et au vu des évènements se profilant à l'horizon, il n'est pas totalement irrationnel, dès lors, de craindre pour son devenir, toute grande tragédienne qu'elle fut alors, regaaaaarde, regaaaaarde un peu...oui, bon,ça va, j'ai compris, vous n'êtes pas mélomane et pis c'est tout...

Je ne verse pas vraiment dans la Comédie Française et pourtant ce roman m'a littéralement transporté.
Faut dire que les master class d'un monstre comme Jouvet - vous remarquerez que je n'insiste pas sur son p'tit nom qui se trouve être Louis - ça vous assoit d'emblée une certaine légitimité.
L'héroïne est touchante d'opiniâtreté. Un caractère volontariste vital qu'elle saura malicieusement solliciter à la carte.
Le contexte guerrier participe grandement à l'intérêt d'une telle épopée.
Bérénice chahutée par l'occupation comme elle le fût dans la Maison de Molière.
Stibbe aura su dépeindre cette institution mythique avec force détails croustillants, préparant ainsi notre toute jeune héroïne à faire face à de vils comparses envieux qui font rien que lui mettre des bâtons dans les trous*.

Bérénice 34 - 44 est un premier roman aussi original que séduisant. Parfaitement abouti, il personnalise la citation du Patron :
" Rien de plus futile, de plus faux, de plus vain, rien de plus nécessaire que le théatre ".

* trou : ouverture pratiquée dans l'avant d'une scène de théatre et ménageant un espace où se loge le souffleur, what else..


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