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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Amis téléspectateurs, bonjour !

Au programme d'Un Jour, Un Destin, la trajectoire météorique de Bérénice Capel, tragédienne de caractère qui toute jeune affirma son désir d'émancipation en tentant le conservatoire et ce, malgré l'interdiction péremptoire d'un paternel qui, pourtant, lui donna sciemment le prénom d'une héroïne emblématique de la maison Racine, Carrée de son p'tit nom.

Nous sommes en 1934. A l'Est, toujours rien de nouveau. Une pause, un répit, comme le bêla si gracieusement Garou, Gorille de son p'tit nom.

Je récapépète depuis le bédut.
Bérénice affiche donc une volonté plus qu'affirmée.
D'origine juive et au vu des évènements se profilant à l'horizon, il n'est pas totalement irrationnel, dès lors, de craindre pour son devenir, toute grande tragédienne qu'elle fut alors, regaaaaarde, regaaaaarde un peu...oui, bon,ça va, j'ai compris, vous n'êtes pas mélomane et pis c'est tout...

Je ne verse pas vraiment dans la Comédie Française et pourtant ce roman m'a littéralement transporté.
Faut dire que les master class d'un monstre comme Jouvet - vous remarquerez que je n'insiste pas sur son p'tit nom qui se trouve être Louis - ça vous assoit d'emblée une certaine légitimité.
L'héroïne est touchante d'opiniâtreté. Un caractère volontariste vital qu'elle saura malicieusement solliciter à la carte.
Le contexte guerrier participe grandement à l'intérêt d'une telle épopée.
Bérénice chahutée par l'occupation comme elle le fût dans la Maison de Molière.
Stibbe aura su dépeindre cette institution mythique avec force détails croustillants, préparant ainsi notre toute jeune héroïne à faire face à de vils comparses envieux qui font rien que lui mettre des bâtons dans les trous*.

Bérénice 34 - 44 est un premier roman aussi original que séduisant. Parfaitement abouti, il personnalise la citation du Patron :
" Rien de plus futile, de plus faux, de plus vain, rien de plus nécessaire que le théatre ".

* trou : ouverture pratiquée dans l'avant d'une scène de théatre et ménageant un espace où se loge le souffleur, what else..


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On pourrait croire, selon moi, à tort, qu'il est plus aisé pour un écrivain de choisir un univers qui le passionne. Si l'inspiration, certes, ne fait alors pas défaut, il n'en reste pas moins que l'auteur doit veiller à ne pas étouffer son lecteur avec cette nourriture presque trop abondante. Il faut convaincre et non gaver (sans jeu de mots, je reste sur ma (tentative) de métaphore).
En s'emparant d'un sujet comme l'amour du théâtre qui, à en juger par son parcours professionnel _ elle est actuellement secrétaire de l'Athénée Théâtre Louis Jouvet_ l'intéresse au plus haut point, Isabelle Stibbe aurait pu être assommante par excès de lyrisme (le sujet s'y prête tellement !) ou de valeurs imposées. Mais elle n'est pas tombée dans le piège, ce qui constitue une belle prouesse pour un premier roman, surtout quand il fait 350 pages.
La vocation absolue de Bérénice pour le théâtre est présentée de manière maîtrisée avec une montée en puissance qui invite le lecteur à se joindre progressivement au cercle que l'auteur forme avec son sujet d'inspiration et l'héroïne qui l'incarne.
Cela commence par une conviction naïve et mal dégrossie d'une enfant de 8 ans, dont le père, émigré juif de Russie a choisi le prénom par amour de la langue française. Six ans plus tard, l'enfant est devenue une adolescente à la détermination farouche, prête à se mettre en rupture avec sa propre famille pour tenter le concours d'entrée au Conservatoire et qui décide d'acter sa décision, dans un désir têtu de congruence. Une protectrice inespérée lui sert de prête-nom : de Lignières, en voilà une belle consonance pour les affiches ! Elle a cependant tout à apprendre et trouvera en Jouvet, un maître exigeant tout autant que novateur et qui prend parfois plaisir à se moquer de son amour pour cette vieille maison qu'est la Comédie-Française car Bérénice n'en démord pas, c'est dans ce velours là qu'elle veut jouer. Venant de loin, il lui faut la légitimité de la maison de Molière, cette institution pourtant un peu poussiéreuse au milieu des années 30 où les sociétaires sûrs de leurs "emplois" (terme de théâtre) bloquent souvent les velléités de modernisation de l'administrateur général. L'auteure est parfaitement documentée sur l'histoire de la maison, se basant notamment sur les rapports précis établis par Jean Knauf pour les saisons allant de 1938 à 1943 (en lecture sur le site de la Comédie-Française).
Bérénice qui ne vit que par et pour le théâtre (un peu aussi pour son homme, un musicien allemand exilé pour cause de convictions anti-nazies), qui passe du statut de pensionnaire à celui de sociétaire en un temps record, se préoccupe assez peu de la guerre que l'on devine imminente. Pourtant, dès 1939, elle est bien obligée d'être en prise avec la réalité. C'est d'abord son homme qui est arrêté, suspect parce qu'Allemand puis, en 1940, avec la défaite et la situation d'Occupation, c'est elle-même qui est menacée. La Comédie-Française, symbole par excellence de culture fait l'objet de toutes les attentions des services de propagande allemande et le nouvel administrateur général est prié de donner les noms des membres juifs de la troupe. La délation fait craquer le vernis de sa nouvelle identité de comédienne, Bérénice de Lignières s'efface et laisse réapparaître Bérénice Kapelouchnik, fille de Moïshe, émigré juif russe ayant fui les pogromes, engagé volontaire en 1914 pour servir la France. Cette judéité qu'elle a reniée car rien ne devait venir s'intercaler entre elle et son désir de théâtre lui revient en fait comme la seule identité possible. Pourtant, elle ne se soumet pas au recensement pas plus qu' au port de l'étoile jaune, refusant d'accréditer des lois qu'elle estime iniques, refusant de quitter la France pour rejoindre son mari en Espagne, refusant la défaite tout simplement et choisissant, avec d'autres, les formes de combat possible, faisant sienne à nouveau la devise de la vieille maison, "Simul et singulis", "être ensemble et être soi-même". On la savait déterminée et volontaire, on va la découvrir courageuse voire héroïque. Elle est magnifique, portée par une écriture qui l'est tout autant mais ce n'est pas un rôle cette fois et personne, exceptés les lecteurs de cette histoire, ne viendra l'applaudir.

Lien : http://leschroniquesdepetite..
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La voie de Bérénice, ne serait-ce qu'en raison de son prénom, était toute tracée : sa vie serait consacrée au théâtre. Et elle y brille sur les planches, jusqu'à être admise à la Comédie Française. En 1937, malheureusement pour elle. Car Bérénice va être rattrapée par son passé, qu'elle a pourtant cherché à dissimuler : elle est juive…
Ce roman est particulièrement remarquable par sa capacité à mêler fiction et réalité : la façon dont Bérénice évolue auprès des personnalités de l'époque (Jouvet, Gabin,…) est si crédible qu'on est tenté de croire que Bérénice a réellement existé. Les heures sombres de l'occupation, ses incidences sur la vie de cette institution qu'est la Comédie Française, l'exclusion brutale des juifs de la société, tout ceci est très bien évoqué, et permet à mon sens de rattraper une première partie de roman où l'histoire et les personnages manquent un peu d'épaisseur.
Bérénice, en particulier, va évoluer, contrainte et forcée par les évènements : elle qui avait sacrifié ses parents et ses origines à sa vocation, va subitement devoir renoncer à ce qui était toute sa vie, le théâtre. Elle va quitter la scène, rentrer dans le rang, pour progressivement, face aux injustices et à la barbarie, trouver une nouvelle voie, un nouveau rôle presque.
Mais le titre du roman (cette période accolée au prénom de l'héroïne, signifiant un début… et une fin) ne laissait finalement que peu de doute, tout comme l'allusion régulièrement distillée au fil des pages sur ce que Bérénice ne pourra dire à ses enfants ou à ses petits-enfants : la destinée de Bérénice serait tragique, c'était inéluctable.
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François Truffaut dans son film le dernier métro évoquait déjà l'histoire du théâtre français sous l'occupation. Bérénice 34-44 de'Isabelle Stibbe, secrétaire générale de l'Athénee Théâtre Louis Jouvet, nous ouvre les portes du temps de la Comédie Française. « Certaines préoccupations sont communes aux Allemands et au régime de Pétain : maintenir l'ordre, assurer une censure stricte, "désenjuiver" le théâtre français... Tout un ensemble de mesures, générales ou plus particulières à la culture, encadre désormais l'activité théâtrale.Ainsi, dès septembre 1940, les Allemands publient la fameuse "liste Otto" (du nom de l'ambassadeur d'Allemagne, Otto Abetz), complétée par une seconde en 1942: au total, 1200 titres, "qui empoisonnent l'opinion publique", sont interdits et de nombreux auteurs sont mis à l'index : tous les écrivains juifs, les opposants allemands, les Français "douteux", les Anglo-saxons postérieurs à 1870... » comme l'explique Pascal BAUCHARD dans l'educiné.
Fallait il jouer, fallait il continuer de jouer, et si oui, à quelle condition, à quel prix, au nom de qui, pour qui et devant qui ?
Entre purge, rafle et censure, entre la Propaganda Staffel et la presse collaborationniste fallait il sauvegarder « les emplois » , continuer de vivre de son art, ou faire le choix de ne rien concéder au nom de l'Art lui même ? C'est la question de l'engagement et du devoir de l'artiste qui est posée vraisemblablement à travers ce livre. Pourquoi l'ensemble des sociétaires de la Comédie-française n'a-t-il pas démissionné lorsque le régime nazi a demandé l'exclusion des comédiens juifs ? Pourquoi les héritiers de la maison de Molière à ce moment de l'histoire ont ils fait le choix de rouvrir le théâtre ? Quelles responsabilités incombaient aux artistes ?
Claudel, Vidal, Cocteau, Barrault, Dux, Anouilh, Sartre et bien d'autres continuèrent de jouer, d'écrire et de mettre en scène. Résister, contourner la censure, entretenir coûte que coûte la flamme?
Quant à elle , la Comédie-Française entre symbole et patrimoine, entre honneur et mémoire, quel choix devait elle faire ?

Astrid Shriqui Garain
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Bérénice, cette enfant tant attendu par Maurice Capel immigré juif, est fasciné dès son plus jeune âge par le théâtre et cette passion demeure en elle malgré la désapprobation de ses parents, elle veut être comédienne mais surtout entrer au Conservatoire, alors elle apprend tous les textes qu'elle peut se procurer, connaît tous les mouvements de personnel de la Comédie Française.
C'est en 1934 que Bérénice réussit le concours d'entrée, inscrite avec l'accord de son père espérant qu'elle échouera sa surprise est d'autant plus énorme lorsqu'il apprend que non seulement elle a réussi mais qu'en plus son talent a fait toute la différence, elle est arrivée première.
Au matin du premier jour de cours et contre la volonté de son père Bérénice quitte son foyer et part réaliser son rêve, son père la renie ; elle se retrouve sans famille mais avec la possibilité de monter sur les planches.
Une carrière magnifique commence pour elle et grâce à Mme de Lignières qui la prendra sous son aile, lui offrant un toit et un petit revenu en attendant de pouvoir gagner sa vie elle-même. C'est le bonheur, on lui offre de beaux rôles et brille dans des costumes extraordinaires et rencontre l'amour mais à partir de 1939 les choses se gâtent, elle qui ne connaît que très peu ses origines son identité juive va lui sauter au visage. L'Histoire que l'on connait si bien est en marche et n'épargnera personne.

Ce beau roman qui parle de l'amour du théâtre, de la période trouble de l'occupation et de ses lois raciales, nous permet de rencontrer les grands noms du théâtre français et nous ébloui avec le velours rouge de la Comédie française, à côté de la beauté des lieux il y a le chagrin des exclusions, de vies brisées, l'amour perdu et la résistance.
J'ai adoré ce roman, de part cette époque de l'occupation qui me fascine et qui est ici abordé de façon originale en montrant son impact sur les artistes, mais surtout par ce destin extraordinaire et dramatique, cette femme courageuse et qui se bat pour ses rêves, tiraillée entre l'amour d'un homme et l'amour pour la scène malgré les dangers qui la guettent.
Une belle découverte que je recommande pour les fans de roman historique et ceux de la vie théâtrale

Lien : http://stemilou.over-blog.co..
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Paru chez Serge Safran éditeur, lequel avait cofondé les éditions Zulma, Bérénice 34-44 d'Isabelle Stibbe est à la fois une fresque historique (la majeure partie du livre se déroulant pendant la Seconde Guerre Mondiale), un hommage au théâtre (la jeune Bérénice formée par Louis Jouvet devenant pensionnaire de la Comédie-Française) et un roman portant sur l'exclusion des Juifs de la vie culturelle parisienne.

Dès les premières pages de Bérénice 34-44, le lecteur est séduit par le personnage principal, qui doit son nom à l'héroïne de Jean Racine. Lors de la Grande Guerre, le père de Bérénice s'était lié avec un jeune enseignant qui l'a initié à la poésie et au théâtre français. Pour cet expatrié voulant à tout prix devenir français, ayant même transformé son nom de Kapelouchnik en Capet, il n'y a rien de tel que s'approprier la culture d'un pays pour en devenir un véritable citoyen.

Mais ce que le Juif Maurice Kapelouchnik ignorait en donnant ce prénom à sa fille est qu'il inspirerait si bien celle qui le portait qu'elle s'éprendrait du théâtre dès la première représentation à laquelle elle assisterait et que son amour pour la scène prendrait le pas sur le reste de sa vie, malgré le mépris de son père pour les comédiennes, à ses yeux des femmes de petite vertu.

Mais la passion de Bérénice est si forte qu'elle ne pourra y échapper. C'est donc en acceptant de porter le nom de celle qui a choisi de l'aider coûte que coûte en faisant fi de l'interdiction paternelle, que Bérénice de Lignières va faire son chemin, du Conservatoire à la Comédie-Française en passant par le cabaret où elle fait connaissance du Tout-Paris, celui des écrivains, des compositeurs, des actrices et des chanteuses d'opéra.

À l'heure de l'Occupation, il ne reste presque plus rien de la petite Juive partie de chez elle pour vivre sa vie et se tailler une place dans le monde du théâtre sinon des souvenirs, mais pas de regrets. Et pourtant, son passé finira par la rattraper, nous le savons dès le début, Isabelle Stibbe ne nous laissant aucun doute sur l'issue en glissant çà et là des indices discrets sur le fait que Bérénice sera à jamais jeune et sans descendants à qui raconter ce qu'elle a vécu.

Le fait de savoir que Bérénice n'échappera pas à son destin ne rend le roman que plus intense et plus dramatique, à la hauteur de la situation que vit Bérénice au quotidien et à laquelle est confronté chaque acteur de la troupe, qu'il soit juif ou non. Car le lecteur ne sait pas d'où le coup viendra, qui trahira son secret et pour quelles raisons, avant la toute dernière page.

Bérénice 34-44 révèle un véritable talent, une grande maîtrise du sujet, une plume alerte et vivante, un art de mêler l'Histoire et ses personnages à ceux et celles créés de toutes pièces par l'auteure, une rigueur quant à la forme imposée où une narratrice omnisciente s'impose sans prendre une place qui n'est pas la sienne et une étonnante et agréable maturité au niveau de l'écriture pour un premier roman.

Passionnés de théâtre et épris de romans se déroulant sous l'Occupation où interagissent des personnages attachants trouveront dans ce roman tout pour les séduire… et même quelques clins d'oeil au très beau film de François Truffaut, le dernier métro, ce qui est loin de me déplaire.
Lien : http://lalitoutsimplement.co..
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Roman repéré lors de sa sortie, notamment en raison des nombreux billets enthousiastes, mais pourtant je n'étais pas pressée de le lire. Mais il y a quelques semaines, je l'ai croisé par hasard sur les rayonnages de ma bibliothèque préférée et j'ai saisi l'occasion.

Bérénice est née le jour de la signature du traité de Versailles. Son père, Moishe Kapelouchnik, devenu Maurice Capel, choisi pour le nouveau-né le prénom de Bérénice en souvenir d'un camarade de tranchées, en hommage à la France pour laquelle il s'est battu. Un prénom prédestiné puisque dès son plus jeune âge, la petite Bérénice rêve de devenir actrice. le rêve d'enfant devient une véritable vocation lorsqu'à l'âge de 8 ans elle assiste à une représentation de la Comédie Française. Si ses parents considéraient sa passion d'enfant d'un oeil à la fois perplexe et moqueur, sa vocation arrêtée suscite leur désapprobation sans appel. A 15 ans, malgré l'interdiction parentale, Bérénice entre au Conservatoire.

Bérénice est jeune, Bérénice est belle, Bérénice est talentueuse. Mais Bérénice est juive ce qui ne laisse guère de doute quant à l'issue du roman. D'autant que l'auteur insiste à de multiples reprises, et ce dès la première page, sur le fait que jamais Bérénice ne pourra raconter son histoire à ses enfants et petits-enfants. L'histoire de Bérénice est touchante, forcément. le personnage est attachant, forcément. Les destins brisés des milliers Juifs anonymes, intellectuels ou artistes, est un sujet qui a été abordé à maintes reprises (oserai-je dire rebattu ?) par la littérature. J'avoue être souvent partagée devant ce sujet. D'un côté l'émotion et le devoir de mémoire, de l'autre un sentiment de déjà-vu et de facilité.

Nous suivons donc Bérénice depuis l'enfance jusqu'à la fin de sa vie (les dates 34-44 du titre faisant référence à sa carrière Théâtrale). J'ai bien aimé les parties consacrées à l'enfance de Bérénice, à son apprentissage au Conservatoire, à sa carrière à la Comédie Française et les débuts de la période de l'Occupation. Toutefois, les derniers chapitres ne m'ont pas du tout convaincue. Tout s'enchaîne alors trop vite et sans trop de logique. Les dernières années de Bérénice ne remplissent que quelques dizaines de pages et tout ce qui avait fait jusqu'alors le charme du roman est absent.
L'auteur a un style assez surprenant, car elle semble osciller entre un point de vue narratif externe classique et des interventions rappelant plutôt la biographie. Ainsi, Isabelle Stibbe donne corps à Bérénice, ancrant le personnage dans la réalité. le réalisme du l'histoire de Bérénice est accentué par la présence de personnages réels, par des anecdotes historiques.

Mais bien plus que par l'histoire de Bérénice (qui ne brille pas par son originalité), j'ai été fascinée par la Comédie Française, son histoire, les acteurs. La Comédie Française est une institution mythique et j'ai vraiment aimé découvrir son fonctionnement interne.
Lien : http://tantquilyauradeslivre..
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Ce n'est pas Bérénice qui raconte son histoire. Ce n'est pas elle qui exprime sa passion du théâtre, née peut-être de ce prénom donné par ses parents comme une pré-destination. Dès le début, on sait que ce n'est pas elle et cette information influe sur la lecture. On se doute de la raison qui empêche Bérénice de raconter elle-même ce qu'elle a vécu et, pourtant, on espère se tromper, on compte sur l'auteur pour négocier avec l'irrémédiable. La littérature n'a-t-elle pas l'immense pouvoir de contourner le réel ?
"Comédienne, ça n'est pas un métier pour les juifs !" affirme le père de Bérénice. Mais pour entrer au Conservatoire, sa fille est prête à tous les sacrifices, même à celui d'être reniée par sa famille. Comédienne, elle le sera, mais sous une autre identité et elle entrera ainsi dans une nouvelle famille : celle du théâtre.
Remarquée par Louis Jouvet, elle intègre son cours et apprend son métier avec acharnement. Ce pourrait être un conte de fées si la menace inscrite dès les premiers mots du roman ne s'incarnait dans une étoile jaune et dans l'interdiction de pratiquer son art. Que reste-t-il à un comédien qui ne peut plus monter sur scène ? Dépouillée de tout ce qui a fait sa vie, Bérénice s'engage naturellement aux côtés de ceux qui continuent à lutter.

Le roman d'Isabelle Stibbe est irrigué par l'amour du théâtre qui respire par tous les pores du texte. Il m'a semblé vivre en même temps que Bérénice l'exaltation ddes représentations, le travail des répétitions, les rencontres avec les plus grands noms de la scène de l'époque et le déchirement d'en être éloignée. le conte de fées se mue en cauchemar, nasse dans laquelle Bérénice - au nom de tous les autres - sera peu à peu emprisonnée.
Alors que le rideau tombe, on espère encore que la pièce va se poursuivre. On attend le moment où Bérénice reviendra saluer le public. On voudrait que l'échéance fixée par le titre soit un leurre avant l'ultime rebondissement. On voudrait continuer à lire Isabelle Stibbe très longtemps encore.
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Superbe roman.

J'ai commencé à le lire un peu "à reculons". Je n'avais pas envie de lire quelque chose de dramatique, et je "stressais" un peu dès le début, sachant comment cela allait se terminer.
De ce fait, la répétition comme un leitmotiv de phrases du type "Elle ne pourra pas dire cela à ses petits-enfants, ni même à ses enfants" m'a gênée au début, et un peu aussi les quelques longues énumérations du genre on dit ... qu'on lit presque sans respirer.

Et puis, j'ai été prise dans l'histoire, et tout cela n'a plus eu d'importance.

L'auteur est aussi à l'aise pour nous faire vivre la vie de cette petite parisienne qui rêve de théâtre, pour dépeindre la Comédie Française, ses grands noms et ses petites histoires, pour nous présenter de l'intérieur tout un pan de l'Histoire, et pour s'interroger et nous interroger sur les réactions des hommes face à de tels drames.
Tout ça avec un texte qui coule, pas une seconde d'ennui.

En plus de cela, j'ai aimé retrouver les grands noms du théâtre, ceux qu'on connaît comme importants historiquement, et d'autres dont je n'imaginais pas qu'ils étaient déjà présents, comme Madeleine Renaud et Jean-Louis Barrault (que j'ai bien plus tard croisés "en vrai" sur un petit sentier des Baux !!) Robert Manuel, etc ...
Tout à fait par hasard, je venais juste de terminer "3 000 façons de dire je t'aime" de Marie-Aude Murail, où le Conservatoire et la Comédie Française ont aussi le premier rôle, mais de nos jours, et c'était surprenant de retrouver les lieux et les traditions plus d'un demi-siècle avant.

Et il me semble que personne n'a parlé d'Alain Borne.
Une de ses poésies ouvre le livre, et le personnage d'Alain Beron est manifestement plus que fortement inspiré par le poète trop méconnu. Bien que je soies arrivée dans la Drôme plus de dix ans après sa mort, ici, on le connaît (le lycée de Montélimar porte son nom !) mais c'est émouvant de retrouver ainsi en personnage de fiction cet avocat poète.
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Dès le départ, les choses sont claires, la fin sera tragique. Bérénice 34-44 comme la Bérénice de Racine est bien une tragédie, c'est en 1944 que l'histoire s'arrêtera. Reste à savoir comment.
Deux parties dans ce roman, le théâtre d'abord, l'entrée au conservatoire, Jouvet, la comédie française, le fonctionnement de cette institution, des comités aux emplois, des ascenseurs interdits à certains, aux habilleuses.... Et puis la guerre, l'exclusion, la résistance, l'Armée juive. La déportation.
Deux étapes, autour d'un personnage féminin fort, autour duquel se croisent personnages de fiction et acteurs bien réels, choix d'écriture qui fait l'intérêt de ce roman (même si parfois on s'y perd un peu et l'on se surprend à taper un nom dans un moteur de recherche pour vérifier qui a existé pour de bon! L'entrée dans la lecture a été de ce point de vue-là un peu difficile pour moi, comme le passage d'un personnage à un autre dans les premiers chapitres, avant d'être happée par la deuxième partie).
Une page noire de la Comédie française, de trahisons en opportunisme, de rivalités en lâchetés. S'y croire protégée, à l'abri du reste du monde, l'art et la culture comme bouclier face à la barbarie...
On croise Louis Jouvet, Jean Vilar, Véra Korène, Béatrice Bretty, Marie Bell Jean Gabin, Jean-Louis Barrault et tant d'autres figures du monde du théâtre, on plonge dans une ambiance, dans des ambiances plutôt, des cabarets de l'avant-guerre, du conservatoire d'art dramatique, de la comédie-française, de l'armée juive, toutes bien dessinées.
Ce que j'ai beaucoup apprécié dans cette lecture également, c'est qu'elle donne envie d'aller plus loin. On a envie d'écouter Kurt Weill, de se plonger dans l'histoire de la Comédie Française, dans celle de l'aventure du Massilia, de relire Bérénice et autres pièces de théâtre évoquées , de revoir l'Ange bleu, et surtout Entrée des artistes avec Louis Jouvet, film évoqué au début du roman, pour la scène du concours d'entrée au conservatoire d'art dramatique en particulier, ou pour les difficultés de l'héroïne à faire comprendre sa vocation théâtrale à son entourage.
Bref, les amateurs de théâtre y trouveront leur compte, les amateurs d'Histoire également!

Lien : http://lecture-spectacle.blo..
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