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EAN : 9782905855015
78 pages
Campus éditions (30/11/-1)
4/5   3 notes
Résumé :
Dans un monde dévasté, Dimento, un homme mutant, cherche de la nourriture et découvre au milieu des débris l'amour et le danger. Un récit post-apocalyptique violent, drôle et captivant.
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Il s'agit d'un récit complet indépendant de tout autre, en couleurs, initialement paru en 1982. le scénario est de Jan Strnad, et les dessins et les couleurs de Richard Corben.

Dans un futur apocalyptique, le mutant Dimento (apparence d'être humain, mais un peu simplet, et la tête perpétuellement penchée sur le coté comme un idiot) erre dans les décombres d'une ancienne ville. Il a récupéré un pied de biche dans des ruines. La faim lui tiraille les entrailles, causant une terrible souffrance. Il voit arriver une superbe jeune femme sur une carriole tirée par un cheval. Il assène un coup sur le cheval avec l'intention de l'achever pour le manger. La jeune femme le tance vertement, le raisonne, et lui indique où trouver des oeufs. Alors qu'il pénètre dans la bâtisse où se trouvent les oeufs, il est observé par un trio de gugusses animés de mauvaises intentions, Weasel, Dimlit et Zug. À sa sortie, ils l'agressent, le ligotent, et s'emparent des oeufs. Une fois tiré de ce mauvais pas, il croise la route d'un bonze nommé Dove qui le malmène et le réduit à l'état de porteur en continuant de le frapper et à l'admonester. Il finira par croiser un soldat prouvant que la civilisation et la technologie ont survécu quelque part.

Ce récit commence à la fois très bien et à la fois très mal. du bon coté, il y a les illustrations inimitables de Richard Corben, et sa mise en couleurs tout aussi inimitable, même 30 ans plus tard avec l'avènement de l'infographie. Corben effectuait sa mise en couleurs à l'aérographe, avec une palette de couleurs très étendue, et déjà une utilisation de la couleur allant au-delà du premier degré. C'est ainsi qu'il peut choisir une teinte bleue violette pour une peau, afin de traduire l'état de maladie de l'individu, ou qu'il peut décliner plusieurs nuances de bleu sur une page pour transcrire la fin de la journée dans un environnement nimbé de radiations. Cette dernière ambiance donne lieu à une page exceptionnelle exprimant toute la solitude de Dimento, et sa simplicité. Si ces utilisations semblent aujourd'hui aller de soi (et encore pas dans tous les comics), il s'agissait à l'époque d'une innovation sans précédent. L'usage de l'aérographe permettait également à Corben de créer des couleurs autrement impossibles à produire avec la technologie limitée de l'époque, de réaliser des dégradés d'une douceur sans équivalent, et d'utiliser la couleur pour rendre l'impression de volumes ou de courbes en jouant sur les nuances.

Cette histoire est également une très belle vitrine des talents de dessinateur de Corben, et de ses particularités. du début jusqu'à la fin, il accorde une grande attention aux décors, que ce soit les ruines envahies par la végétation, ou les intérieurs décrépits. Les images de Corben attestent de son sens de la mise en scène, et de son approche de la profondeur de champ. Il ne se limite pas à créer un arrière plan plus ou moins dévasté ; quand le lecteur découvre les images, il perçoit la place des personnages ou de l'action dans un environnement plus vaste. Il a la sensation que le lieu ne se limite pas à l'endroit délimité par les bords de la case, mais qu'il s'agit d'une vue partielle d'un endroit plus vaste. La conception du décor par Corben s'accompagne d'une relation logique et intrinsèque entre le lieu et les mouvements des personnages, c'est-à-dire qu'ils ne se déplacent pas sur une scène avec une tenture peinte en guise de décors. Ils progressent réellement en fonction des contraintes de chaque site. Quand Corben dessine une ruine, le lecteur comprend de quoi il s'agit, d'un mur, d'un ancien escalier, d'un terrain de jeu, etc. Il ne s'agit pas uniquement de moellons disposé au hasard, mais des restes de construction qu'il est possible de reconnaître.

Richard Corben s'est également fortement investi dans la conception graphique des personnages, et leur langage corporel. Dimento dispose d'un corps glabre et musculeux, une morphologie classique pour les héros de Corben. Il est toutefois moins musculeux que Den, et dès la première page, le lecteur remarque sa démarche bizarre. Sur la troisième page, il apparaît que Dimento tient sa tête de travers, comme s'il était un peu mentalement déficient. Cette particularité donne une personnalité unique au personnage, et elle trouve son explication logique dans le scénario. Corben fait exister cet individu pur et simple dans un monde agressif et roublard, avec une grande habilité. L'empathie pour Dimento est immédiate, pleine et entière. le lecteur retrouve également une belle jeune femme à l'énorme poitrine et à la tenue révélatrice. Dans un premier temps, il peut s'interroger sur la présence d'une telle jeune femme dans un monde post apocalyptique, là encore l'histoire amène une explication logique. Corben s'en donne à coeur joie comme à son habitude pour l'hypertrophie mammaire, et le ballotement des seins sous le tissu de la chemise, en fonction des mouvements (avec une très belle scène finale de nu). Pour une raison peu claire (sûrement les effets des radiations), la majeure partie des autres personnages présente une apparence de mutant (c'est au moins raccord avec le titre) où là encore Corben excelle à concevoir des physionomies mariant difformités tératologiques, et forme d'humour visuel généré par les expressions idiotes de ces humains pas très futés. le summum d'humour monstrueux est atteint avec la scène impliquant l'espèce de grosse peluche aux griffes et aux crocs acérés apparaissant en couverture. D'un coté il est certain qu'il s'agit d'un prédateur redoutable, de l'autre son regard présente un strabisme convergeant qui rend ses expressions faciales ridicules et comiques.

Les images valent à elles seules ce voyage dans un paysage dévasté peuplé de gugusses à l'intelligence limitée et pourtant roublards. Il faut bien avouer que le début (les 5 premières pages) propose un texte un peu ampoulé qui dans la deuxième page décrit ce que montrent les images (le mauvais coté du début). C'est d'autant plus désolant que l'introduction explique que ces pages ont été écrites par Corben qui ne semblait donc pas très confiant dans la lisibilité de ses images (à tort d'ailleurs). Jan Strnad est arrivé en cours de projet parce que Corben est tombé à court d'idées au bout de quelques pages (c'est ce qui est indiqué dans les 2 pages de préface, 1 de Corben, 1 de Strnad). L'histoire ne présente pourtant aucune solution de continuité, et les tribulations de Dimento continuent sur le même ton. Au final, le lecteur découvre un récit qui tient la route, constitué de courts chapitres qui finissent par former une histoire en bonne et due forme, avec une fin inattendue, sans reposer sur un retournement choc. Plus appréciable, cette collaboration entre Strnad et Corben donne vie à un personnage très touchant dans sa candeur et son innocence, terrifiant dans sa capacité de combat, irrésistible dans son humanité. Loin d'être un drame noir, les auteurs créent une aventure combinant humour (aussi bien visuel, que de situation), action, découvertes, mystères, et approche psychologique délicate, pour un voyage très émouvant.

Dans "Monde Mutant", Corben et Strnad promènent le lecteur dans un monde dévasté suite à la "Grande Bourde", aux cotés d'un jeune homme simplet. Ce voyage dégage une poésie délicate et inattendue, née de la naïveté enfantine de Dimento, de la sexualité épanouie de Julie, de la monstruosité des prédateurs, de la bêtise des profiteurs. Une très grande réussite de ce duo qui a également réalisé Les mille et une nuits (1979), Jeremy Brood (1989), ou plus récemment Ragemoor (2012).
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