J'attendais énormément de ce Stalker. Il faut dire que le bougre sait aguicher. Un titre accrocheur, une magnifique couverture, sobre mais explicite. Et surtout, une quatrième de couverture à faire saliver n'importe quel fan de science-fiction, dont je fais partie (bave). Mais ce qui m'a le plus intrigué dans cette fameuse quatrième de couverture, ce n'est pas tant le résumé de l'histoire, mais plutôt
le petit paragraphe qui suit.
Il est dit que les frères
Strougatski sont les auteurs de science-fiction russes les plus connus au monde et (comme pour achever ceux qui n'auraient pas encore cédé à la tentation), que le roman a eu un tel impact sur le XXe siècle que c'est sous le surnom de stalkers (du nom du livre donc) qu'on désigne les hommes et femmes ayant étouffé le coeur du réacteur en fusion de Tchernobyl...Il ne m'en fallait pas plus pour aller m'acheter ce trésor de la littérature russe. Je me suis précipite dans ma chambre, me suis enfermé à clef et, caressant la couverture, j'ai lâché dans un sifflement inhumain: "mon précieuuuuuuuux".
Hélas, j'ai vite déchanté après avoir passé le prologue, car il s'est avéré que Stalker n'était pas le livre tant attendu. J'ai eu beaucoup de mal à rentrer dans l'histoire. La première chose qui m'a gêné lors de ma lecture, c'est le flou (artistique?) sur les pièges que comporte la zone. Les noms (plus exotique les uns que les autres) n'aidant pas non plus à ce faire une idée de leur nature, je me suis retrouvé un peu perdu. Rien de bien méchant, mais j'ai trouvé ça étrange de donner des noms "enfantins" à des choses aussi horribles. Nous avons droit par exemple à des "calvitie de moustique" (j'essaye encore de comprendre pourquoi ce surnom), ou encore à de la "gelée de sorcière" et autres joyeusetés du même genre. Nous avons droit plus tard dans le récit à l'explication de ce que provoquent certains de ces pièges et aussi pourquoi ils portent des noms aussi bizarre. Je ne spoile pas grand chose en vous disant (et de toute façon on s'en doute) que c'est de l'argot de stalker et que même les scientifiques n'y comprennent pas grand chose...c'est dire.
Autre détail étrange, la technologie. L'histoire se déroule aux alentours de 2020 et nous parlons encore de cabines téléphoniques, de clous en guise de portes-manteaux, de machines à écrire...etc. Pourquoi pas, après tout, il y en a encore de nos jours. Mais où sont donc les téléphones portables, les ordinateurs et tous les autres joujoux technologiques qui devraient normalement exister et même être dépassés (ou au moins améliorés) en 2020. Je sais bien que le livre a été écrit en 1972, mais quand même, c'est pas comme si à cette époque là il n'y avait eu aucune source d'inspiration en littérature ou même au cinéma. Alors oui de temps en temps on entend quand même parler de quelques objets / inventions "futuristes" propre à l'univers du livre, comme la fameuse batterie "etak" par exemple, mais rien d'extraordinaire non plus.
de plus, le texte contient quelques clichés faisant toujours penser aux années 70-80 comme le port du chapeau et la légendaire petite bouteille de whisky cachée dans la poche intérieure d'une veste.
C'est tout? Non, il y a aussi les femmes. J'insiste mais on se croirait encore une fois plus dans les années 70-80 qu'en 2020. A aucun moment, on ne parle des femmes au travail. On parle quand même beaucoup des scientifiques, mais il n'y a que des hommes. Peut-être une femme stalker alors? Après tout, comme dit dans le résumé du livre, il y avait des hommes et des FEMMES pour étouffer le réacteur en fusion de Tchernobyl. Non plus...mais que font-elles alors? Elles sont secrétaire, réceptionniste, ou femmes au foyer. Et je ne vous parle même pas de la soumission dans cette dernière catégorie. Les hommes sont de véritables pachas.
Je chipote? Bon peut-être un peu, mais je n'arrive pas à comprendre pourquoi les frères
Strougatski ont choisi 2020 si c'est pour se retrouver sans aucun changement par rapport à la vie des années 70. Je veux bien que "la visite" ait pu bouleverser l'évolution aussi bien des moeurs que de la technologie, mais un retard de presque 40 ans...
Je peux comprendre que ces détails soient sans importance pour certains lecteurs, mais moi lorsque je lis que des visiteurs venus sur Terre, ont abandonné des objets et que nous sommes en 2020, j'imagine tout, sauf une stagnation de nos moeurs et technologies. Moi en tout cas, ça m'a bloqué.
Si il n'y avait que ça, je pense que j'aurais pu apprécier un peu plus Stalker. Malheureusement les mauvais points ne s'arrêtent pas là. Au début de ma critique je parlais d'un "flou", d'un manque de description et d'explication. Mais cela ne s'arrête pas aux pièges de la zone, mais s'étend sur une grande partie de l'univers du livre. Cela peut parfois avoir du charme dans certains récits, mais là c'est trop. A tel point que je me suis parfois demandé si lors de l'écriture du livre, les frères
Strougatski n'ignoraient pas eux mêmes où ils allaient, créant ainsi l'univers au fur et à mesure de l'avancement de l'écriture. Evidemment les réponses (pas toutes, mais certaines) finissent par arriver, mais il faut attendre les deux dernière nouvelles pour ça, ce qui a (heureusement) un peu relevé mon intérêt pour Stalker.
Les bon points selon moi, se trouve justement dans ces deux dernière nouvelles (la troisième et la quatrième). Dans l'avant dernière, nous en apprenons un peu plus sur Richard H. Nounane, faisant ainsi une pause avec les péripéties du personnage principal Redrick Shouhart, dit "Red". Personnage que d'ailleurs je ne peux supporter tant il est macho, égoïste, méchant et vulgaire. Donc ce changement (dans mon cas) tombe plutôt bien et nous permet ainsi de comprendre l'évolution autour de la zone. C'est d'ailleurs dans cette nouvelle que j'ai pu véritablement, et pour la première fois depuis le début du livre, apprécier un dialogue. Enfin quelque chose d'intéressant et de constructif (et non simpliste et vulgaire comme auparavant), faisant avancer l'histoire et donnant vie à tout ce qui se trouve autour de la zone: Les stalkers, le marché noir, les entreprises, les scientifiques, la ville...etc. On sent bien depuis le début, que les frères
Strougatski veulent concentrer l'essentiel de l'histoire sur les conséquences de la visite et non pas forcement sur la zone elle-même (bien qu'étant assez importante dans et pour l'histoire). Et c'est chose (enfin) faite...après avoir lu les 3/4 du livre. Mais bon, comme le dit l'expression: mieux vaut tard que jamais, et puis comme je l'ai déjà souligné, je trouve qu'à partir de cette nouvelle, tout va en s'améliorant.
le dernier récit par exemple, est entièrement consacré à la zone. Pas juste trois ou quatre pages comme dans les précédentes nouvelles, mais bien l'intégralité du texte. Et là je dois avouer que les auteurs ont fait preuve de talent. La zone est comme un terrain miné, chaque faux pas peut être fatal. Aussi, c'est avec un rythme lent et angoissant que nous suivons ces deux stalkers en quête du saint Graal des artéfacts extraterrestre, la "boule d'or". J'ai beaucoup aimé ce qu'on fait les frères
Strougatski de la zone. Faire d'un immense périmètre extérieur, une sorte de huis clos. On ressent comme un enferment, oppressant et étouffant. le temps semble avancé au ralenti, parfois même s'être tout simplement arrêté. La logique devient illogique et/ou inversement.
Vraiment, les auteurs ont créé un univers au potentiel énorme. J'en vient presque à me dire qu'il aurait été bon que les frère
Strougatski offrent leur idée à un écrivain de talent, car j'ai parfois eu l'impression de lire un livre pour enfant. Des dialogues (pour la plupart) un peu fades, vulgaire et hachés. Un manque de descriptions sur tout en général. Des ellipses de plusieurs années entre les nouvelles...etc. Je me dis qu'avec un meilleur style et surtout, plus de page pour compensser ces fameuses ellipses, j'aurais pu adorer ce livre. Non pas que je l'ai detesté, mais comme dit au début de ma critique, je pense que j'attendais trop de cette oeuvre. de plus, je pense m'être gaché la lecture involontairement en restant bloqué sur certains détails. D'ailleurs, chose étrange, mais bien que n'ai pas accroché plus que ça au livre, j'ai envie de lui laisser une seconde chance. Alors que d'habitude, si je n'aime pas ou que j'ai été simplement déçu par un livre, je n'ai pas forcement envie d'y remettre le nez. Là, malgré ses nombreux défauts, quelque chose m'attire, et me pousse à une seconde lecture. Je me dis qu'avec certaines explications en main, je pourrai peut-être l'apprécier un peu plus.
Toujours est-il que pour le moment, je donne mon avis tel quel après ma première lecture, en espérant que je changerai mon opinion par la suite. Car même si il ne sera jamais un livre culte à mes yeux, je peux néanmoins comprendre qu'il ait eu autant de succès lors de sa sortie qui date quand même d'il y a 40 ans.
Un livre à lire au moins une fois pour se faire une opinion sur une légende de la science-fiction russe.