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sur 444 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Visite d'un autre monument de la science-fiction mondiale, et cette fameuse Zone qui, peut-être, vous marquera pour la vie.

Quelque chose s'est produit à divers endroits du monde, laissant ces espaces affranchis des lois de la physique ; où l'on y trouve de curieux artefacts aux étranges propriétés, collectionnés sans mesure par les plus riches, se les procurant auprès de « stalkers », sorte de prolétaires-braconniers annonçant les liquidateurs de Tchernobyl, parcourant au péril de leur vie ces Zones où rien n'est établi…

Les frères Strougatski représentent la tête de pont de la SF soviétique, souvent présentée comme moyen de contourner la censure afin de parler politique.
Dans ce livre paru en 1972, c'est davantage le capitalisme aveugle qui est pointé du doigt, si l'on veut à tout prix lui trouver un sens hors de l'histoire, surtout là pour nous en conter d'altérité, voire d'aliénation, tout en laissant de vastes latitudes d'interprétations…

Une ambiance très réussie, car très « proche », à travers ce parlé populaire, ce quotidien de l'étrange, ces caractères heurtés, et cette novlangue des objets de la Zone.
Avec une relative économie et très peu d'emphase, les auteurs arrivent à faire naitre des sensations extra-sensorielles, bien qu'hautement sensuelles, dont la traduction fait ce qu'elle peut pour les retranscrire.

Une lecture que l'on prolongera avec le visionnage de ce chef-d'oeuvre absolu du cinéma mondial, son adaptation par Andreï Tarkovski, variation plutôt libre de ce classique de la littérature, aux images définitives, permettant l'arrêt de toute consommation audio-visuel pour de nombreuses semaines.
Un film dont la singularité exige cette lecture préalable, sans bien-sûr la rendre obligatoire, le contraire restant possible sans m'apparaître souhaitable…


P.S : et j'hésite à mentionner le blog éponyme de notre « gargouille » de la critique littéraire nationale… bien que nous lui devions bon nombre de mise en lumière de saines lectures, ainsi que de nécessaires et esseulés coups de gueule sur son petit milieu, peuplé d'auteurs et de leurs équivalents qui crissent, tous semblables à ces peintres-pompiers du 19ème siècle, dont la popularité, ou non, chez leurs contemporains aura davantage marqué l'histoire de l'art que leur postérité artistique, bien qu'un tableau de Bouguereau reste plus intéressant qu'une certaine littérature…
Ne pouvant insérer qu'un seul lien, je vous laisse rechercher l'adresse de son blog — laissant de côté certains aspects rebutants, regorge de bons conseils à qui sait dépasser un certain formalisme (hum… si seulement il avait la capacité de se mettre à la place de son lecteur…) — et vous donne l'accès direct à une version en bonne qualité, sous-titrée en anglais, du film Stalker, à regarder dans le noir et le calme absolu, muni si possible d'un excellent équipement audiovisuel…
bisous

Lien : https://www.youtube.com/watc..
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"Tombé du ciel, à travers les nuages" n'est pas toujours un "heureux présage", n'en déplaise à Jacques H. La preuve :
Dans les années '90, la Terre a été brièvement visitée par des extra-terrestres qui n'ont pas cherché à entrer en contact avec les habitants, mais qui y ont laissé leurs déchets. Des années plus tard (c'est à dire à notre époque), ceux-ci sont toujours analysés par des scientifiques, et recherchés par des stalkers, ces individus suffisamment fous pour se glisser -illégalement- dans les "Zones de la Visite" interdites pour les dérober afin de les revendre au meilleur prix.

Curieux roman que cette oeuvre de science-fiction soviétique écrite par deux frères au début des années '70. C'est en effet de la SF sans soucoupes volantes ni rayons laser, mais ponctuée de phénomènes bizarres liés au passage de ces voyageurs d'outre-espace, et qui ne sont pas le centre de l'histoire. Et j'ai aimé cette approche décalée, cette intrigue qui se développe davantage autour des Terriens, et en premier lieu Redrick Shouhart, stalker aguerri.
J'ai également apprécié l'ambiance étrange qui imprègne ce roman, où l'on devine certaines choses, où rien n'est ouvertement explicité, et où pourtant la vie continue, nimbée de fatalisme russe : "L'acte le plus héroïque de l'humanité, c'est d'avoir survécu et d'avoir l'intention de continuer...". Ca crée un décalage saisissant, accentué par le caractère incroyablement touchant de quelques personnages. J'ai d'ailleurs été surprise et profondément bouleversée par certaines de leurs réactions, et j'ai retrouvé avec émotion cette façon très slave de mettre son âme à nu.
En fait, plus que de la SF, c'est un roman réaliste dans un contexte insolite, et c'est très perturbant, mais très beau aussi. de la science-fiction pour ceux qui n'en sont pas particulièrement fans.

A noter que le terme "stalker" a depuis été repris et attribué à ceux qui explorent la zone d'exclusion de Tchernobyl, pour en ramener des photos, ou des objets irradiés.
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Cela faisait bien longtemps que ce texte mythique me faisait de l'oeil et que je repoussais sa lecture, de peur d'être déçue, tant les avis des amateurs de Science-Fiction sont contrastés. Ce qui est sûr c'est que les auteurs, aussi célèbres et populaires qu'ils aient été en URSS, ne s'attendaient pas à une telle postérité. A commencer par le film de Tarkovski, extrêmement différent du roman, même si ce sont les frères Strougatski qui sont les auteurs du scénario. C'est un peu comme si le film était un autre chapitre du livre, l'aventure d'un autre Stalker, ou du même, plus tard. Ensuite, il se trouve que le film m'avait semblé trop énigmatique, déconcertant, jusqu'à ce que je me retrouve dans une église en ruine en banlieue de Moscou en 1984 (pas un peu abîmée, mais une vraie ruine, dangereuse, comme si l'église avait été bombardée peu avant, le genre de truc où chez nous il y a des panneaux d'interdiction d'entrer et du grillage), et que j'ai eu quelques instants la sensation de me retrouver dans le film. Là-dessus arrive Tchernobyl, sa Zone et puis de fil en aiguille, les Stalkers de Tchernobyl, et puis le jeu vidéo qui jongle sur tout ça… Dur de revenir aux sources !
Côté déception, en dehors du décor de la Zone, c'est bien peu futuriste, le décor censé se situer en 2020, ressemble comme deux gouttes d'eau à une banlieue quelconque des années 70 n'importe où dans un pays un peu industrialisé. Bien peu futuriste comme technologie !
Quand au texte, on dirait que les auteurs ont pris un malin plaisir à le rendre sinon hermétique (ça, c'est plutôt l'univers du film), du moins abscons. En fait la plupart des éléments énigmatiques finissent par s'éclaircir : on comprend et le sens du titre, et l'origine de la Zone (en fait il y en a cinq sur toute la Terre). Et il faut bien dire que ça c'était une idée super originale, digne des plus grands noms de la Science-Fiction. Quand aux noms bizarres des différents pièges de la Zone (« calvitie des moustiques », « gelée des sorcières »,...), on apprend que c'est l'argot des Stalkers, assez imagé, il faut bien le dire. Mais les révélations prennent du temps, et c'est un peu irritant, ça rend le texte résistant à la lecture. Quant aux artefacts rapportés et objets de trafic, l'absence de précision sur la nature de ce qu'ils apportent en matière de technologie n'est pas pour rien dans le transfert de la Zone du roman à celle de Tchernobyl dans l'imaginaire collectif, russe, tout au moins.
Pour les lecteurs qui passent outre les deux premières parties, la suite est bien plus intéressante : avec la troisième partie, centrée sur un autre personnage, nous comprenons l'évolution des environs de la Zone dans le temps, et puis enfin, dans la quatrième partie, nous sommes vraiment dans la Zone, et c'est vraiment une partie excellente et qui vaut l'effort d'avoir lu tout le reste. C'est aussi de cette partie-là que se rapproche le plus film.
Au final, ce livre vaut la peine d'être lu, et il reste à faire un livre bien documenté sur la naissance d'un mythe, à partir d'un roman de 1972, sans grand prétention, mais qui avec son univers étrange, glauque et fascinant, a ouvert en grand les portes de l'imaginaire.
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Dans la Zone, le ciel n'est plus. Les oiseaux qui survolaient le vaste territoire mordent maintenant la poussière au milieu des carcasses de voitures. Seules quelques personnes osent pénétrer ce lieu interdit où l'atmosphère peut passer du glacial au brûlant en une fraction de seconde. C'est de cette manière que les Stalkers risquent leur vie. La gueule brûlée par les phénomènes surnaturels de la Zone afin d‘en extraire les matières premières et les ramener en lieu sûr.

Avec cet écrit sobrement intitulé Stalker: Pique-Nique au bord du chemin, écrit entre 1970 et 1972, les frères Strougatski ont pondu un roman crasseux qui continue d'influencer les codes de la science-fiction. Analyse.

Stalker est d'abord un style d'écriture qui va de pair avec l'ambiance générale de l'histoire. On y respire l'alcool à plein nez et les phénomènes étranges n'ont de cesse d'exacerber la violence des protagonistes. Cela se reflète dans leur langage, jamais avare d'insultes:

“J'en ai la chair de poule. Va te faire…! Mais quel crétin: Parler de choses pareilles avant de partir? Ces binoclards, il n'y a rien à faire, ils pigent que pouic!”

Ce style direct et brumeux à la fois reflète l'atmosphère brutale de la Zone. Il est difficile d'avoir des détails précis sur cette fameuse partie de territoire où les extraterrestres ont laissé des traces plus inattendues les unes que les autres, mais la force de ce genre d'écriture est de laisser de l'espace à notre propre imagination.

Comme l'expliquera Boris Strougatski dans la postface, le vocabulaire utilisé est délibérément rugueux et c'est ce qui dérangera la maison d'édition. Elle tentera, pendant plus de huit ans, d'atténuer la vulgarité présente dans le roman, avant de céder et de sortir le livre dans sa version originale.

Tarkovski a, très tôt, compris le potentiel cinématographique du roman et en a fait un film culte sorti en 1979. La trame de base est la même mais le propos du film a une portée directement plus philosophique. Considéré comme une oeuvre majeure du 7ème art le Stalker de Tarkovski permet une deuxième lecture plus profonde du roman. Ainsi la violence de Redrick Shouhart (le personnage principal) n'est qu'un faire-valoir pour tenter de sonder la nature humaine: Pour faire face à des situations inconnues l'être humain utilise ses vieux réflexes que sont l'exploitation et l'égo:

“C'est ainsi que chez nous, à Harmont, on appelle ces têtes brûlées qui, à leurs risques et périls, pénètrent la Zone et y volent tout ce qu'ils peuvent trouver.”

Au delà de cette relation privilégié entre le film et le roman, bon nombre de films de science-fiction reprennent les codes du livre Stalker. Même dans la mini-série déjantée "Coincoin et les Z'inhumains” de Bruno Dumont il est question de phénomènes extraterrestres incompréhensibles.

Ce roman est aussi devenu culte grâce un événement bien réel lui puisque l'on a donné le nom de Stalkers aux hommes et aux femmes qui ont tenté d'étouffer le coeur du réacteur en fusion de Tchernobyl lors de la catastrophe du même nom. Ou quand la réalité rattrape la fiction. Il suffit de changer la visite extraterrestre dans la Zone par un accident nucléaire et le roman ne dirait pas autre chose que la réalité de Tchernobyl en 1986:

“Nous enfilons les combinaisons, je vide le petit sachet d'écrous dans la poche sur ma hanche et nous clopinons à travers toute la cour de l'Institut vers la sortie de la Zone. C'est comme ça, les règles, chez eux, faut que tout le monde voie: voilà les héros de la science qui vont se faire trucider sur l'autel au nom de l'humanité, de la connaissance et du Saint-Esprit, amen. Ça ne rate pas ; de toutes les fenêtres jusqu'au quatorzième pointent des têtes compatissantes, tout juste si on n'agite pas des mouchoirs. Seul manque l'orchestre.”

Ces mises en perspectives, tout d'abord avec la culture cinématographique de science-fiction et ensuite avec l'accident de Tchernobyl, me semblent importantes pour comprendre le roman à sa juste valeur.

Conclusion:

Stalker: Pique-nique au bord du chemin est une oeuvre qui se lit sans respiration. le genre d'histoire qui peut nous avaler d'une traite, tel un shot de vodka dans un bar, et nous recracher en plein dans une zone où nos sens sont mis à rude épreuve. Par ici des sables mouvants, par là de l'air vicié qui nous brûle soudainement la gorge. Stalker peut être cela. Mais cela peut tout aussi bien se révéler d'un ennui profond pour celui/celle qui n'est pas près à se frotter à des phrases simples qui s'enchaînent aussi rapidement que des actions de type série B. C'est typiquement le genre d'histoire que l'on aime ou que l'on déteste pour des raisons identiques mais nous ne pouvons pas sous-estimer le pouvoir d'influence que continue à avoir un tel livre dans la culture “SF”.

Lien : https://lespetitesanalyses.c..
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En Résumé : J'ai passé un moment agréable de lecture avec ce roman qui nous plonge dans une histoire de SF différente, où la vie va être bouleversée par la visite éclair avec une race alien. Aucun contact n'a eue lieu et pourtant tout va changer. Un récit qui offre pas mal de réflexions intéressantes sur la place de l'homme, son rôle et son évolution. La Zone se révèle angoissante, où la mort règne à chaque pas et seul l'instinct permet de survivre. Les personnages sont vraiment complexes et soignés, mais ils m'ont paru un peu froid, ce que je trouve dommage. Autre point qui m'a dérangé, le fait qu'il n'y ait pas de véritable fil conducteur et aussi l'impression d'un rythme et d'une tension toujours égale de la première à la dernière page. La plume des auteurs se révèle vraiment travaillée et efficace. Un roman qui, pour moi, n'est peut-être pas un chef-d'oeuvre, mais qui se laisse lire avec grand plaisir.

Retrouvez ma chronique complète sur mon blog.
Lien : http://www.blog-o-livre.com/..
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Les frères Strougatski choisissent dans «Stalker» le thème de la confrontation à l’étrangeté absolue.
Ils décrivent une Zone qu’on suppose avoir été visitée par des extraterrestres, que personne n’a vus et qui ont ravagé les lieux par les «déchets» qu’ils ont laissés lors de leur passage éphémère. Le terrain est atrocement miné par des objets terrifiants, incompréhensibles ou miraculeux. La perversité des pièges dans cette nature stérilisée bien sûr, évoquent les dangers cachés dans nos technologies et notre destruction de la nature. Le récit met en scène les aventures des stalkers qui récupèrent illégalement les objets de la Zone et qui se confrontent à sa malfaisance et aux patrouilles policières qui en surveillent l’accès. Il y a péripéties et distillations d’angoisse… Le style est celui d’un thriller, sans vraie mise en perspective du thème. Le héros, un peu frustre, dont la motivation est apparemment l’appât du gain, est sans relief. On se dit qu’une nouvelle aurait suffit… Mais alors probablement elle n’aurait pas eu de postérité…
Etrangement, la grande force de ce roman c’est d’avoir eu un lecteur génial : Andrei Tarkovski qui en a fait un film. Librement, il a redéfini le périmètre métaphorique de la Zone, elle devient pour lui une sorte de matérialisation de la représentation humaine moderne. Une nouvelle verrue sur un ensemble déjà gigantesque qui semble menacé d’implosion. Cette Zone énigmatique est ce lieu mental dévasté des dérélictions modernes. Une rumeur incertaine, qui parait démente, assure qu’on peut encore atteindre dans la Zone un lieu des exaucements et des miracles, comme avant avec ce qu’on appelait la Foi? Seuls les stalkers, sortes de guides spirituels de la dernière chance connaissent le cheminement. Cette quête est souffrance, doute et désespoir. Il s’agit même d’une forme aiguë, car les gens qu’ils emmènent dans la Zone, manifestement ne sauraient quoi demander à la Transcendance, leurs esprits sont détruits et irrécupérables, rien ni personne ne peut les racheter ni les sauver. Et même on peut douter que les désespérés seraient entendus?
Lieu du désespoir ou du dernier espoir? La transcendance est désespérée… L’humanité doit muter…
… Enfin on peut aussi voir l’idée de la Zone comme une prémonition, elle est devenue une réalité sur terre, bien que différente de celle imaginée… Tchernobyl est bien la Zone, ce lieu du désespoir physique et psychique et elle a eu ses stalkers qui se sont sacrifiés pour qu’elle ne recouvre pas la terre entière.
Nous ont-ils aidés!?
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(...)
(...) Divisé en 4 longs chapitres se déroulant sur des années, le récit s'attarde sur les moments-clés dans la vie d'un stalker et de ses incursions dans la Zone, un des chapitres étant consacré à des réflexions plus philosophiques, sous forme de rencontres entre divers personnages.

Il y a finalement assez peu d'action, c'est parfois un peu contemplatif et il y a pas mal d'introspection. le style est différent de ce à quoi je suis habituée, ce qui a renforcé l'impression de dépaysement. le temps semble comme suspendu, les personnages n'ont qu'une obsession: la Zone et la façon dont elle influence toute leur vie.

ç'a été une lecture très particulière et j'avoue que je ne sais pas trop quoi en penser. Je ne saurais pas dire si j'ai aimé ou pas, pour être honnête… C'est assez prenant et la façon dont c'est fait m'a semblé plutôt originale, mais en même temps je ne suis pas sûre d'avoir réellement compris quels étaient les enjeux, ni ce qu'est censée signifier la conclusion. Par contre, il y a des réflexions intéressantes sur la nature de l'intelligence ou sur les dangers des industries militaires, par ex.

Beaucoup de choses sont laissées à l'imagination du lecteur, mais c'est plutôt bien vu de ne pas les développer, du fait que les protagonistes n'ont pas de réponses à apporter. Comme eux, on reste dans le flou et on ne peut qu'observer leur comportement face à ce qui dépasse leur compréhension.

Dans l'ensemble, c'était plutôt intéressant à lire, mais j'ai eu du mal à me sentir investie dans le récit, du fait que ma relation avec ce roman n'a pas du tout été émotionnelle, mais uniquement centrée sur les réflexions abordées par les auteurs. Une découverte vraiment intéressante pour les amateurs de SF à thème.
Lien : https://bienvenueducotedeche..
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“Parce que dans la zone c'est comme ça ; si tu reviens avec la gratte, c'est un miracle ; si tu reviens vivant, c'est une réussite ; si tu as échappé aux balles de la patrouille, c'est une chance ; et tout le reste, c'est le destin…”

Les frères Strougatski, Arkadi (1925 – 1991) et Arkadi ( 1933 – 2012), les auteurs de SF russes les plus connus au monde - que je lis pour la première fois – furent publiés au USA et en UK en 1977, dans l'indifférence de la communauté américaine de la science-fiction. La pureté morale de ces réactionnaires vis à vis de l'ennemi idéologique fut préservée en ne lisant pas.”

La visite. Les visiteurs vinrent et repartirent. Ni contact, ni message. Rien. Ah si au milieu des villes détruites et des cadavres, les pique-niqueurs laissèrent derrière eux des objets ou des débris, nul ne le sait. A quoi peuvent-ils servir ? Certains sont mortels, d'autres décoratifs : la panacée bleue ou batterie éternelle, les creuses et les creuses pleines, les bracelets, les éclaboussures noires, les éponges, l'argile gazeuse, des épingles, la mortelle calvitie de moustique, l'omniprésente et létale gelée de sorcière, la terrifiante zinzine et la très recherchée boule d'or. Tels des animaux, les humains curieux cherchent et tâtonnent. Ils reniflent et font des expériences. Ils apprennent le danger par les morts violentes.
Ils ne peuvent pas plus en comprendre les usages que le chien, mâchonnant, pensif, cette balle de tennis bondissante, ne pourra connaître les règles, qui plus est anglaises, du jeu de tennis.

Les autorités ferment les Zones. Comme la Zone 51, nul ne peut y entrer sans y être autorisé. La mort y rode, des secrets aussi. l'Institut des cultures extraterrestres veille, l'ONU contrôle. Redrick Souhart est un stalker, de ces aventuriers venus de toute parts. Passeurs, pilleurs, ils rapportent de la Zone tous ces objets inutiles vendus très chers. Et si l'Art Moderne venait de la Zone ?

Un roman de science-fiction enlevé doté d'une imagination extraordinaire et de cette capacité d'absurde très russe. Les personnages sont riches, proches du lecteur. le mystère et la mort rodent. Les rapports sociaux sont durs. Les amitiés fortes.

Seuls parmi la SF, les frères Strougatski posent la question de la relation de l'homme et de l'Univers en pariant que les Extra-Terrestres n'auraient aucun intérêt à communiquer avec les humains attardés, primitifs, inaudible, invisible, dangereux, pathétiques ?

Et si cela n'était qu'un message illustrant le mode de fonctionnement de la machine idéologique des années 70 ?
La Zone suit ses propres règles comme la bureaucratie tentaculaire.
Le marché noir, nécessité vitale en zone socialiste du bonheur planifié.
Premier ou second degré ? Critique des scientistes aveugles de leur ignorance et du matérialisme scientifique soviétique ou respect envers la science ?
“Ces savants doivent tout de même avoir plus peur que nous tous, les gens simples réunis. Parce que, nous, nous ne comprenons rien à rien, tandis qu'eux, au moins, ils comprennent à quel point ils ne comprennent rien.”


“Du bonheur pour tout le monde, gratuitement, et que personne ne reparte lésé ! ”
Ce bonheur ici-bas, promis par ces religions politiques au premier du rang desquelles nous trouvons l'Union Soviétique, n'est-il pas, en une phrase, dénoncé tout bas ?

Lien : http://quidhodieagisti.over-..
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Ce livre est un drôle d’objet littéraire, le récit est à la première personne dans la tête du héros , un stalker, qui est de moins en moins net au fil du récit.
On a donc droit à de longues phrases ou ses pensées alcoolisées sont livrées brutes et en désordre, ça rend le livre pénible à lire, mais ça colle avec la souffrance et la psychologie du « Rouquin »
L’idée centrale du livre, « le pique-nique d𠆞xtra terrestres «  est passionnante, l𠆚mbiance lugubre et oppressante est vraiment réussie, le côté métaphysique pousse vraiment à la réflexion.
Je me doutais que ça finirait en queue de poisson ..... et ce fut le cas ....
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Ce livre est une sorte d'extra-terrestre… le début est très surprenant : tout est déjà posé, tout s'est déjà passé mais rien n'est expliqué. On est plongé dans ce roman comme lorsqu'on plonge dans une piscine, de façon assez intense et brusque pour que l'on tourne les premières pages rapidement pour comprendre, pour voir. Les choses ne sont jamais clairement posées : on prend les informations et on en déduit ce que l'on veut… A la fois sur les personnages et à la fois sur ce monde particulier : on s'imagine des « creuses », de la « gelée de sorcière », des « calvities de moustiques »… La zone est ponctuée de jalons particuliers : Mollusque, Freluquet et bien d'autres, à présent des tas de vêtements, marquant les endroits où il ne faut surtout pas aller dans la « Zone »… On croise différents destins, différents personnages mais celui que nous suivons le plus est Redrick SHOUHART, dit le rouquin, une jeune homme de 23 ans, violent, alcoolique, qui ne semble avoir d'autres motivations que l'argent. Etrange personnage principal, ni sympathique ni attachant. On tarde à le comprendre et ce n'est vraiment qu'à la fin du roman qu'on comprend quel homme il est.

Au delà de l'histoire en elle-même, ce roman pose les questions sur l'humanité elle-même, sur sa façon d'appréhender la science, sur ce qui peut être acceptable pour comprendre… Sur ce que nous avons le droit de faire pour comprendre, sur ce que nous risquons… Il m'a fait me poser beaucoup de questions, j'y ai vu beaucoup d'analogies avec les questions actuelles sur la bioéthique, sur les OGM… Sur toutes ces questions où finalement nous avons assez peu de réponses et beaucoup de questions…

En somme, un roman de science-fiction à lire !
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