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Après les Gravitations considéré à juste titre comme son recueil poétique d'excellence, le recueil suivant publié par Jules Supervielle est celui du Forçat innocent.


Quelques charmants poèmes ne répondent toutefois pas à la question légitime suivante : était-il utile de publier ce nouveau recueil alors que le précédent constituait à la fois un chef d'oeuvre et le point culminant d'un art poétique ? Au-delà de la réconciliation avec soi-même et avec l'univers, dans la transparence et la pureté littéraires les plus déliées, peut-on continuer à écrire des poèmes ? C'est une tentation qui fait prendre le risque de diminuer la puissance conclusive des poèmes des Gravitations.


Avec le Forçat innocent, Jules Supervielle reste fidèle à lui-même. Cinq ans après sa dernière publication poétique, cette ressemblance est problématique : Jules Supervielle a-t-il voulu s'imiter ou n'arrive-t-il plus à se renouveler ? Les poèmes de ce recueil abordent les thématiques et utilisent les images poétiques des Gravitations comme si Supervielle regrettait déjà de moins les reconnaître, et essayait malgré tout de se les réapproprier. Il faut peut-être lire les poèmes de ce recueil avant de découvrir ceux plus puissants des Gravitations.
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J'ai commencé à lire ces poèmes il y a environ 30 ans et je ne me lasse toujours pas de les re re re ...relire.
Il y a de la magie dans ces textes où l'on trouve tous les thèmes de prédilection de l'auteur : la vie, l'amour, la mort, la vie après la mort, les moments où le temps s'arrête et bien sur la création artistique avec les magnifique poèmes "le pommier" et "les chevaux du temps".
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Avec ses mots toujours simples, Supervielle n'a pas son pareil pour écrire selon les mouvements d’une mer paisible. Sa plume se dépose sur la p(l)age par douces vagues, et se retire en y laissant d'innombrables chemins dessinés par des ruisselets d'encres. Des pistes diffuses, vers les origines. Pour le lecteur, cet écoulement est difficile à « saisir » sans déformer les motifs tracés. Ainsi les vers suivants lui sont-ils présentés comme un problème à résoudre :

« Saisir, saisir le soir, la pomme et la statue,

Saisir l'ombre et le mur et le bout de la rue.
Saisir le pied, le cou de la femme couchée »

Le lecteur n'est pas seul à trébucher maladroitement dans ses tentatives pour s'approprier le sens de ces images : la mémoire du poète l'éloigne aussi de ces choses qui lui sont chères. Leur existence de jadis est oblitérée, remplacée par un présent observable dans des oiseaux prenant leur essor. Une rêverie mélancolique s'installe.

« Combien d'oiseaux lâchés 
Combien d'oiseaux perdus qui deviennent la rue,
L'ombre, le mur, le soir, la pomme et la statue.».

Face au tourment du temps qui s'écoule, Supervielle recherche en permanence l'apaisement, et le trouve dans l'humilité, qui efface son corps et « coupe à ras » ses mains avides de tout ramener à celui qu'il a été. En dissolvant sa vie dans la nature, Supervielle surmonte sa crainte de la mort, et semble même avoir oublié de la rencontrer, puisqu'il nous parle encore :

« Disparais un instant, fais place au paysage,
Le jardin sera beau comme avant le déluge,
Sans hommes, le cactus redevient végétal,
Et tu n'as rien à voir aux racines qui cherchent
Ce qui t'échappera, même les yeux fermés.
Laisse l'herbe pousser en dehors de ton songe
Et puis tu reviendras voir ce qui s'est passé. »
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La plupart des poètes se rattachent à un mouvement ou une école (classicisme, romantisme, symbolisme, surréalisme, par exemple). Mais il en est d'autres qui font cavalier seul ("lonesome cowboys") et qui de ce fait sont parfaitement inclassables. Ce qui toutefois n'enlève rien à leur valeur. Témoin Jules Supervielle.
Jules Supervielle est un cas. On ne parle jamais de lui quand on évoque les grands poètes du XXème siècle, Apollinaire, Aragon, Eluard et les autres. Pourtant il est leur égal sur bien des points.
Si je me suis intéressé à lui c'est d'abord à titre personnel : c'est un compatriote. Jules Supervielle (1884-1960) est né à Montevideo (Uruguay) (comme Lautréamont et Jules Laforgue), mais sa famille était originaire d'Oloron-Sainte-Marie (Basses-Pyrénées, aujourd'hui Pyrénées-Atlantiques) et il y est enterré. Oloron est ma ville natale. Jules Supervielle aurait pu être mon grand-père.
Ensuite Supervielle est un grand poète. Son domaine à lui ce n'est pas l'épopée, ni la satire, ni le pamphlet, ni même la poésie purement lyrique. En fait sa poésie échappe elle aussi à toute classification : elle est à la fois familière, profonde, très proche de la nature, et très proche des humains. Elle n'a pas la transparence d'Eluard, le lyrisme d'Aragon, l'humour de Desnos, elle ne revendique aucun modernisme, ne s'enferme pas non plus dans un quelconque passéisme. Elle est sa poésie, la poésie de Jules Supervielle, subtile, souvent touchante, attachée à des sentiments comme la nostalgie ou une forme de désenchantement, peut-être, mais dont le fil rouge semble être la place de l'homme dans le monde, le monde réel et le monde imaginaire.
Les deux recueils que voici donnent une idée assez précise de ce que propose Supervielle. Il fait fi des règles classiques de prosodie, de métrique et de versification, il ne se sert pas des schémas habituels, il utilise plus souvent des assonances que de rimes... le résultat donne une simplicité de forme et de ton qui emporte l'adhésion; simplicité qui n'exclut pas d'ailleurs une certaine profondeur : Supervielle nous invite aussi à réfléchir sur nous-mêmes.
J'ai mis en citation trois poèmes qui illustrent bien ce propos.
Oloron-Sainte-Marie est un hommage à la ville de ses parents, où ils moururent l'année de sa naissance, empoisonnés par de l'eau corrompue. Hommage à la cité, et au-delà hommage émouvant à ses parents et à ses ancêtres - hommage que nous pouvons prendre à notre compte, qui que nous soyons, et d'où que nous venions.
La demeure entourée, plus léger, est à la fois un hymne à la nature et une parabole sur la place de l'homme dans l'univers.
Les amis inconnus ... le titre se suffit à lui-même.
Il faut relire Supervielle, un peu méconnu aujourd'hui, parce qu'il nous parle de lui, parce qu'il nous parle de nous, parce qu'il nous parle du monde qui nous entoure, et de celui à l'intérieur de nous...
Il faut relire Supervielle parce qu'il le vaut bien, et parce que Supervielle, c'est un peu nous.

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Le volume 41 de la collection Poésie aux éditions Gallimard regroupe en un seul volume deux recueils du poète Jules Supervielle (1884-1960), le forçat innocent (1930) et Les amis inconnus (1934). On touche probablement ici à la quintessence de l'oeuvre poétique de l'auteur alors en pleine maturité, maîtrisant le verbe et sondant en connaisseur ses hantises et ses faiblesses. le vers est limpide quand le propos est sombre. Jules Supervielle a l'art d'évoquer le chaos avec délicatesse, a suggérer le trouble avec trois fois rien. Ainsi, lorsqu'il évoque un simple cavalier qui passe dans « L'allée », le lecteur sent un frisson le parcourir en songeant qu'il pourrait s'agir d'un des quatre cavaliers de l'apocalypse : « Ne touchez pas l'épaule/Du cavalier qui passe,/Il se retournerait/Et ce serait la nuit ». Dans la section intitulée « Sillage », on trouve d'incroyables vers qui résonnent d'un éclat noir ; ainsi celui-ci extrait du poème « Souvenir » : « Quand notre amour sera divisé par nos ombres ». La légèreté du vers, la simplicité du vocabulaire, la profondeur du regard, la mélancolie sans borne qui pulse dans l'image, tout cela suppose d'approcher avec délicatesse la poésie de Supervielle et de la chuchoter en soi sous peine de la plomber et de l'abattre en plein essor. Ses mots n'ont pas plus d'épaisseur qu'une pensée errante, une parole poétique comme un oiseau tenu en main : « Et puis ouvrir les mains./Combien d'oiseaux lâchés/Combien d'oiseaux perdus qui deviennent la rue/L'ombre, le mur, le soir, la pomme et la statue. » Plus on vieillit et plus les deuils s'accumulent. La poésie de Jules Supervielle devient alors essentielle et constitue ce précieux viatique qui permet, dans les courts instants de répit, d'approcher au seuil de l'indicible et de ressentir la vacuité qui gît en nous.
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J'aime bien le style de cet auteur, j'ai trouvé ma lecture très agréable.
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