Ou comment le romancier peut faire don de prophétie
La fin des hommes, comme son titre l'indique, ou en tout cas met bien sur la voie, raconte comment un virus mortel, ne touchant que les hommes, peut éradiquer une grande partie de la population en un rien de temps. On y parle aussi de distanciation sociale, de confinement et de vaccin.
Ce roman, sorti cette année, ne peut que nous faire écho. Pourtant, comme l'autrice a tenu à le faire savoir en avant-propos, il a été écrit en 2019, avant que l'épidémie de covid ne devienne une pandémie.
J'ai acheté ce livre pour plusieurs raisons. D'abord, parce qu'il s'agit d'une sortie des éditions Gallmeister, que j'aime beaucoup, trouvant leurs romans généralement très qualitatifs et les traductions à la hauteur. Ensuite, parce que j'apprécie de plus en plus les romans d'anticipation, du moment que ce n'est pas totalement barré. Et ici, l'autrice place son intrigue dans un futur très proche (quelques années), dans notre propre société, ce qui fait que je m'y retrouve totalement, que j'ai (presque) l'impression de lire de la littérature blanche contemporaine, qui reste quand même l'un de mes genres préférés.
Et je peux avouer qu'encore une fois je n'ai pas été déçue par cette maison d'édition, ni par le genre : j'ai trouvé le roman plaisant à lire, palpitant et réaliste à la fois.
La plume de
Christina Sweeney-Baird, dont c'est le premier roman, se prête bien au genre: elle est simple, sans être simpliste, elle raconte une histoire – ainsi que plusieurs histoires dans l'histoire – qui tient – tiennent - la route, elle donne envie de tourner les pages. J'ai dévoré ce roman en deux jours, ayant beaucoup aimé la façon de faire de l'autrice, soit en faire un roman choral, à la polyphonie très bien maîtrisée il faut le dire, développant plusieurs personnages principaux (ou plutôt principales car il s'agit en très grande majorité de femmes) sur le juste avant, le pendant et l'après pandémie. Certains pourraient lui reprocher d'être restée en surface, ou de ne pas donner assez de place aux hommes. Pour ma part, j'ai trouvé qu'elle avait fait une vraie proposition, imaginant les dérives qu'un monde (presque) sans homme pourrait donner, racontant aussi les débordements qui arrivent au moment de la catastrophe, ou ce qu'il advient lorsque certaines personnes profitent de la peur qu'un tel virus inocule à la population. Et, je dois ajouter, que je n'ai jamais perdu le fil de l'intrigue malgré les nombreux personnages, et ce parce qu'elle a su rendre ces derniers vivants, humains.
En lisant ce livre, je n'ai pu m'empêcher de faire un parallèle avec deux autres romans lus ces dernières années :
le pouvoir de
Naomi Alderman, qui raconte comment les femmes prennent l'ascendant sur les hommes grâce à un artefact particulier, mais aussi
Les hommes protégés de
Robert Merle qui narrait déjà l'histoire d'un virus ne touchant que les hommes et qui donnait, par conséquent,
le pouvoir aux femmes. C'est étrange de voir comment ce sujet, entourez l'option qui vous convient le mieux, fascine, dérange, démange, interpelle, perturbe, etc..., et ce depuis de très nombreuses années voire décennies. Et ce n'est pas fini vu le nombre de sorties récentes sur le sujet, mais aussi le nombre de romans déjà écrits dessus, soit d'un monde sans homme. Ou presque
En résumé, un livre que j'ai globalement beaucoup apprécié. C'est simple, je l'ai terminé il y a plus de deux mois et je m'en rappelle encore très bien, preuve s'il en est qu'il m'a marquée. Et, surtout, il m'a confortée dans l'idée d'aller encore fureter sur le sujet, j'ai déjà prévu de lire
Moi qui n'ai pas connu les hommes de
Jacqueline Harpman, Les filles d'Egalie de
Gerd Brantenberg, ou encore
Herland de
Charlotte Perkins Gilman qui raconte « l'incroyable équipée de trois hommes piégés au royaume des femmes ». Siphonnée vous avez dit?