Nocturne indien

En Inde beaucoup de gens se perdent, c'est un pays qui est fait exprès pour cela.

... mais dans le souvenir, comme cela arrive toujours avec les souvenirs, décantée des sensations physiques immédiates, des odeurs, de la couleur, de la vision d'une certaine bestiole sous le lavabo, la circonstance prend une dimension un peu vague qui améliore l'image. La réalité passée est toujours moins pire que ce qu'elle fut effectivement : la mémoire est un formidable faussaire.

.... " je ne connais pas la vie concrète de votre ami, je ne peux pas vous aider, désolé. Peut-être les hasards de sa vie ne lui ont-ils pas été favorables, ou peut-être en a-t-il lui-même voulu ainsi, il ne faut jamais en savoir trop sur les apparences des autres ".

Le "Quartier des Cages" était bien pire que je ne me l'étais imaginé. Je le connaissais par certaines images d'un célèbre photographe et je croyais être préparé à la misère humaine, mais les photographies enferment le visible dans un rectangle. Le visible sans cadre est toujours une autre chose. Et puis ce visible avait une odeur tellement forte. Ou plutôt, de nombreuses odeurs.

Les seuls habitants de Bombay qui ne s'inquiètent pas des "conditions d'admission" en vigueur au Taj Mahal sont les corbeaux. Ils descendent lentement sur la terrasse de l'Intercontinetal, se prélassent sur les fenêtres moghul du bâtiment le plus ancien, se perchent sur les branches des manguiers du jardin, sautillent sur l'impeccable tapis d'herbe qui entoure la piscine.

"En Inde, beaucoup de gens se perdent", dit-il, "c'est un pays qui est fait exprès pour cela."

« Il y a quelque chose qui ne me convainc pas dans votre livre »

"Peut-être cherche-t-il un passé, une réponse à quelque chose qui autrefois lui a échappé. D'une certaine façon il se cherche lui-même. Je veux dire, c'est comme s'il se cherchait lui-même en me cherchant : dans les livres ça arrive souvent, c'est la littérature".

"La substance c'est que dans ce livre je suis quelqu'un qui s'est perdu en Inde", répétais-je, "disons les choses comme ça. Il y a un autre qui est à ma recherche, mais moi je n'ai aucune intention de me laisser trouver.

"Je pensai qu'une personne comme vous [photographe] avait l'idée que dans la vie il faut voir le plus de choses possible".
"Non", dit-elle convaincue,"il faut en voir le moins possible".