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Bernard Comment (Traducteur)
EAN : 9782070771929
208 pages
Gallimard (02/09/2004)
3.46/5   67 notes
Résumé :
Une maison de campagne quelque part en Toscane. Un mois d'août caniculaire de la dernière année du vingtième siècle. Tristano, un homme qui a combattu pour la liberté de son pays sous ce nom emprunté à un personnage de Leopardi, fait venir à son chevet un écrivain qui, apparemment, s'est inspiré de lui autrefois pour un roman. Mais est-il possible d'inscrire dans le cadre d'un récit la géométrie ambiguë de la vie, faite de contradictions, de doutes, d'omissions, de ... >Voir plus
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Tristano meurt, à petit feu ou à feu doux, l'onde s'élève. Les effets de la morphine sont attendus, désirés, pour accompagner le moribond vers le trépas. Á son chevet, l'Ecrivain, celui-là même qui s'était inspiré de lui pour un roman, autrefois. Mais Tristano veut se raconter lui-même, pour dire son fait et de vive voix. Il veut se revendiquer en tant qu'homme, non en héros, celui qu'il fut pourtant, au nom de la « Liberté ». Il se crée alors entre eux, de par une grande promiscuité une relation privilégiée et une confiance, d'homme à homme. Tristano se débat dans les replis de la mémoire, entre des moments sombres et confus et d'autres où la brume se dissipe, qui laisse percer le souvenir et les voix dans toute leur fluidité. Telle une pensée qui fuse de toute part, mais entre soi et soi, quand le corps souffre et qu'au détour d'une passion surgit un rêve, ou bien le défilement de la bande son originale, des visages et des corps, tantôt aimés et s'invitant en premiers, ou reniés avec des airs de trahison qui paraissent, comparaissent les bons derniers, comme c'est justice.
Tristano dans les montagnes, caché derrière le rocher, quand l'aube est froide, qu'il serre sa mitraillette, une arme munie d'une lunette en cuivre, celle du grand-père, la lunette avec laquelle il découvrait le ciel de son enfance. Tandis qu'il fixe la petite porte branlante et qu'ils vont sortir. Tandis qu'il va tirer. Il entend une voix féminine qui fredonne la chanson du petit cheval moucheté… Maintenant, Il va tirer. Il a fait le bon choix et parcouru son chemin parmi toutes ces pistes enchevêtrées, de vérités et de contrevérités. Et puis, tout ça pour ça crie l'onde, tandis que son corps se crispe et que la gangrène l'attaque, de la jambe jusqu'à l'aine, tout près de cette partie qui dort, puis qui s'éveille soudain, en rêve, lorsque son sexe se virilise à l'évocation des femmes, des visages et des grains de peau, au hasard de la géométrie du souvenir et des vents qui s'élèvent dans la brume, en Grèce d'abord, puis en Toscane, pour revenir peu à peu, aux origines et retrouver le visage du grand-père paternel, à l'aube de la douce enfance.
La « Liberté », celle d'hier et aujourd'hui, avec ce Dingodingue, le maître du télévisuel et du prêt-à-penser. Tout ça pour ça pense-t-il, encore une dernière fois.
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Tristano meurt (2004) est un monologue intense dans lequel le narrateur, un écrivain moribond dit ses souvenirs et ses réflexions personnelles à un autre écrivain qui n'intervient jamais. Celui-ci est venu à son chevet dans sa maison de campagne en Toscane au mois d'aout. La gangrène ronge la jambe de Tristano et Frau la fidèle gouvernante allemande lui injecte périodiquement de la morphine et lui dit des poèmes. Derrière les persiennes mi-closes chantent les cigales. Les souvenirs de Tristano sont hachés, décousus, parfois hallucinés. il confond les prénoms de celles qu'il a aimées jadis. Marvi, Rosammunda, Daphnée, Marilyn. Il confond la réalité avec les chansons populaires, les mythes et le cinéma. Tristano a aimé, a vécu, a combattu. il a pris les armes autrefois un peu par hasard contre son propre camp, il a combattu les nazis. Ses faits d'armes ont inspiré à l'écrivain un roman héroïque à succès. Tristano est hanté par la guerre et voudrait rétablir les faits mais à mesure qu'il raconte sa vie, il se rend compte de tout ce qu'il a oublié. Il cherche en vain à se remémorer ce qui n'est plus. Et ce qu'il raconte est-il la vérité ? Que vaut son témoignage ? Il tourne en rond à l'intérieur de sa conscience. Et, peu à peu sa voix devient la page de l'écrivain. Alors Tristano peut mourir.

Comme souvent chez Tabucchi, le roman entrelace brillamment l'histoire du personnage avec celle de l'Italie toute entière. En creux se dessine la colère et l'amertume de l'auteur face à l'Italie démocratique consumériste. Elle semble si loin de l'idéal des combattants disparus, de celui de son père qui figure sur la couverture. L'écriture de Tabucchi est sinueuse et dense avec des motifs répétés, des variations sur les mêmes thèmes. C'est un beau roman mélancolique qui laisse au lecteur le soin d'interroger sa propre mémoire vacillante.
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Pauvre Tristano.
Je ne l'aurais même pas accompagné jusqu'à la mort, le laissant seul dans son agonie entre ses injections de morphine, les poèmes de Frau et le récit de sa vie qu'il fait à un jeune écrivain convié dans sa maison de Toscane.
Il mourra donc sans moi, je ne connaîtrai pas toute sa vie.
A la page 100, je l'assure de toute mon estime et de ma considération, et l'abandonne à sa fin de vie.
Je lui tourne le dos, comme tourne le dos son père sur la photo de couverture.
Ce n'est pas que son histoire soit inintéressante, mais je n'arrive pas à entrer dans ce livre.
Le style, le ton peut-être, je ne sais pas vraiment.
Ou alors trop décousu.
Ou bien ce n'est simplement pas le bon moment pour moi.
Parce que je reste persuadée qu'il y a une grande richesse dans ce livre.
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Long monologue d'un vieil homme en train de mourir de la gangrène dans sa villa de Toscane, "Tristano meurt" est le recueil, par un écrivain muet, venu "témoigner pour le témoin", des bribes de souvenirs et de confidences, et pour finir, de la vérité d'un homme devenu jadis un héros du temps de la résistance à l'occupant nazi.
Dans la chaleur caniculaire du mois d'août, dans cette chambre où Tristano souffre et subit céphalées et insomnies, s'élève la voix d'un être qui ne veut pas reconstituer sa vie mais plutôt la relire à la lumière de ses réminiscences proches ou lointaines. du temps de la seconde guerre mondiale, par deux fois, d'abord en Grèce puis dans les montagnes italiennes tenues par les partisans, il a attaqué l'occupant allemand et défendu la liberté. Mais quelle liberté ? Celle des camarades tentés par le stalinisme ? Celle des compromissions de la démocratie virant au libéralisme économique ? Pire encore, celle du "dinguodinge" télévisuel qui interdit aux spectateurs de penser, qui en fait des êtres passifs, "pensés" par un autre ?
À ces incertitudes se mêlent les souvenirs amoureux de deux femmes qui viennent hanter Tristano, l'une, Daphné, une jeune Grecque aux yeux noirs comme des olives, qui le relie à sa terre fondatrice de mythes et de culture, l'autre, Marylin, ou Rosamunda ou Guagliona, une Américaine venue combattre en Espagne puis en Italie et à laquelle le lient regrets et secrets. Dans ces retours en arrière fortuits mais pourvus de sens, transparaissent ça et là des allusions littéraires et artistiques, entre autres le thème récurrent d'une nouvelle d'Hemingway "Des collines comme des éléphants blancs", sans compter nombre d'autres clins d'oeil d'un auteur aux références multiples.
Mais la question qui reste finalement posée est celle de la vérité d'un être, à l'heure des comptes définitifs, dans un temps à la fois compté et immobile, mais aussi celui d'un passé destiné à être transmué en éternité par le travail du témoin-écrivain.
Des moments intensément poétiques, entrecoupés par le flux de conscience et d'inconscience de la voix de Tristano, des réflexions profondes sur le sens de l'écriture et de la vie... Ce livre n'est pas un divertissement, mais il enrichit à chaque page le lecteur.
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Tristano annonce sa démarche dès les premières pages : tel l'éléphant qui, pressentant sa fin proche, convie un seul congénère à l'accompagner dans sa retraite solitaire hors du groupe, trottant dans la savane jusqu'à ce qu'il trace un cercle au sol où il pénétrera seul après ses adieux à l'accompagnant, le narrateur de ce monologue invite l'Écrivain à recueillir ses derniers propos. Propos décousus, visions fébriles surgies sous effet de la morphine administrée pour apaiser les douleurs d'une jambe gangrenée, qui se mêlent aux souvenirs de deux actes héroïques accomplis par Tristano durant la Résistance, sur la place d'un village De Grèce et dans les montagnes d'Italie, chacun en présence de l'une des deux femmes aimées. Fragments de réminiscences, anecdotes hétéroclites, obsessions récurrentes, scandés au rythme des injections d'une Frau allemande qui l'a accompagné depuis l'enfance dans cette villa de Toscane qui lui sert de « cercle au sol », ancestral, lesquels constituent le matériau d'un bilan de la vie du protagoniste. Mais qui en est l'auteur ? le narrateur qui dès le début, de façon assez obscure, alterne la narration à la première et à la troisième personne ? Ou l'Écrivain qui avait déjà tiré un livre à succès du personnage du héros, guerrier de la liberté sans peur ni reproche ni hésitation ? Qui des deux s'attelle à déconstruire patiemment, méthodiquement les certitudes d'un personnage et par-delà lui, les concepts mêmes d'héroïsme, de fidélité et de trahison, d'idéaux, ainsi que les valeurs morales affichées dans l'après-guerre au vu de l'Histoire successive du pays, des « années de plomb » à la « politique-spectacle cathodique » de Berlusconi ? le moribond, dans sa mauvaise humeur, sa douleur présente et ses amertumes de longue date, ses regrets et ses névroses anciennes, sape-t-il la bienveillance voire même une certaine tendance à l'identification de l'Écrivain par un ultime auto-sabotage ou bien veut-il prouver, presque ontologiquement, qu'une vie n'est pas circonscriptible en une biographie ?
La nomination elle-même pose problème dans ce roman : l'Écrivain, souvent interpellé n'est pas autrement nommé ; Tristano (sans parler de « je »), c'est peut-être davantage le prénom de son père que le sien propre, ou bien un pseudonyme de guerre tout comme Clark ou encore Cary, alors que son grand-père l'appelait Ninototo ; Daphne, c'est pour lui Mavri Elià ; Marylin, c'est Rosamunda ou même Guagliona – comme dirait un Napolitain ; la Frau s'appelle Renate et même le personnage très secondaire d'Antheos est rebaptisé Marios, parce qu'il lui fait penser à quelqu'un d'autre.
Tous porte à confusion, comme si l'époque devait désormais être caractérisée par le chaos. le seul repère de temps, c'est un interminable mois d'août caniculaire. La langue et le déstructuration radicale du récit, à l'évidence, ont une fonction qui dépasse absolument l'idée initiale du monologue halluciné du mourant sous opiacés et de l'indécidabilité entre le verbe oral et le mot écrit. On peut adhérer ou non à la hardiesse du projet littéraire, se reconnaître on non dans les implications philosophiques qu'il sous-tend, on ne restera pas indifférent au style...


Cit. :

« Vanda è buona, una brava cagna, ha passato la vita sotterranea fino al collo. La caricarono di peso sul sedile posteriore, aveva i polpastrelli delle zampe ridotti in carne viva dall'andare.
[...]
Vanda pareva addormentata, ma non lo era, perché aveva un occhio chiuso e uno aperto, e con quello aperto fissava il portacenere pieno di cicche dello sportello posteriore come se fosse il povero aleph che le era concesso e in quel suo universo di mozziconi potesse scoprire il dio malato che l'aveva fatta nascere e i loschi misteri della sua religione. Lui, sbirciandola di sottecchi, intuì l'interrogazione in quella pupilla dilatata dallo spavento e le mormorò, una curva buia ti fa da padre, delle cicche masticate da figlio e un tempo che non è più quello da spirito santo, la trinità da cui dipendi è questa, cara Vanda, rassegnati, non c'è niente da fare. Non hai mai voluto figli, replicò Rosamunda come se parlasse della nebbiolina di calura che ballava sull'orizzonte, sempre il tuo sperma sulla pancia, in tutti questi anni, buttato via così, e ora è nata la mia Vanda, ma è tardi, troppo tardi. Morirà domani, rispose lui, però te la puoi tenere per la notte, cullarla come un figlio, darle anche il seno, se ti pare, meglio che niente, ho buttato via il mio sperma perché tu mentivi, così mentivo anch'io... » (pp. 19-20)
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Citations et extraits (22) Voir plus Ajouter une citation
Il faut lutter contre le rachitisme de certaines journées, quand la source semble tarie, car le courant peut tout à coup revenir, tu ne t'y attendais plus et alors quelle beauté, un jet d'eau fraîche arrive, qui t'inonde, te revigore, t'entraîne, d'où vient ce fleuve souterrain, alors que la plaine semblait si sèche, quels méandres cachés a-t-il suivis pour arriver jusqu'à toi, et pour te dire que demain est un autre jour ?
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Berlusconi et le pouvoir télévisuel
La voix de dinguodinge se mit alors à le visiter, et lui parlait d'une voix flûtée ou de fausset, comme le murmure d'un confesseur...ne pense pas, souviens-toi de ne pas penser, laisse-moi penser pour toi, Tristano, tu as combattu pour la liberté, et à présent celle-ci est arrivée, cela consiste à être affranchi de la pensée, à ne plus penser...la vraie liberté est d'être pensé.
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...Mais à cette époque il entendait le monde de façon binaire, tu sais, la nature nous a habitué au binaire, et nous nous sommes stupidement laissé convaincre, blanc et noir, chaud et froid, masculin et féminin. Bref, ou comme ci ou comme ça. Mais pourquoi donc devrions-nous penser que la vie est comme ci ou comme ça, tu ne t'es jamais posé la question, l'écrivain ?
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la nature de dingodingue

dingodingue, dans son but solennel d'abolir totalement de l'esprit humain tout type de pensée qui puisse lui nuire, même la plus petite, commencera graduellement à supprimer de sa boîte de verre la moindre image porteuse de pensée, jusqu'à votre désaccoutumance complète et à la disparition absolue de tout signe signifiant, car l'image en tant que telle, même la plus mesquine et misérable et repoussante, comme celles qu'on vous propose chaque soir, peut induire une pensée, et la pensée est dangereuse...
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Tu dois lui dire, parle, ami, parle, tu es un homme libre, ta parole est sacrée et personne ne peut la détruire, et ça c'est la vraie liberté, c'est pour ça que nous nous sommes depuis toujours battus nous tous qui aimons la liberté, afin que tu puisses parler, afin que tu puisses exprimer ta libre pensée...
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