Il demanda : "vous avez dit ?".
"Je parlais des corps" dis-je, "peut-être sont-ils comme des valises, nous y transportons nous-mêmes". (p.46)
La mémoire est une formidable faussaire...
"A Bombay, il n'y a pas beaucoup de jaïns" dit-il ensuite sur le ton que l'on emploie pour donner des explications à un touriste, "dans le Sud, si, beaucoup encore. C'est une religion très belle et très stupide." Il dit cela sans aucun mépris, toujours sur le ton neutre d'une déposition.
"Vous, qu'êtes-vous?" demandai-je, "je vous prie d'excuser mon indiscrétion."
"Je suis jaïn" dit-il.
La réalité passée est toujours moins mauvaise qu'elle ne le fut effectivement : la mémoire est une formidable faussaire.
« Ho studiato a Londra”, disse, “e poi mi sono specializzato a Zurigo”. Tirò fuori il suo astuccio di paglia e prese une sigaretta. “Una specializzazione assurda, per l’India. Sono cardiologo, ma qui nessuno è malato di cuore, soltanto voi in Europa morite d’infarto”.
« J’ai étudié à Londres », dit-il, « puis je me suis spécialisé à Zurich ». Il sortit son étui de paille et prit une cigarette. « Une spécialité absurde, pour l’Inde. Je suis cardiologue, mais ici personne n’est malade du cœur, il n’y a que vous en Europe qui mourez d’infarctus ».
“En Inde il y a beaucoup de gens qui se perdent”, dit-il, “c’est un pays fait exprès pour ça.
Nota
Questo libro, oltre che un’insonnia, è un viaggio. L’insomnie appartiene a chi ho scritto il libro, il viaggio a chi lo fece.
Note
Ce livre, outre une insomnie, est un voyage. L’insomnie appartient à celui qui a écrit le livre, le voyage à celui qui le fit.
À noter la très belle citation de Maurice Blanchot en exergue :
Les gens qui dorment mal apparaissent toujours plus ou moins coupables : que font-ils ? Ils rendent la nuit présente.
Je ne sais qui a dit que le regard en soi comporte toujours un peu de sadisme. J'y pensai un moment mais cela ne me revint pas en mémoire, et pourtant je sentis qu'il y avait quelque chose de vrai dans cette phrase: et je regardai donc plus voluptueusement encore, avec la parfaite sensation de n'être que deux yeux qui regardaient pendant que moi j'étais ailleurs, sans savoir où exactement.
Sur le moment, il est possible que nous ne trouvions pas la
chose particulièrement agréable ; mais dans le souvenir, comme
toujours dans les souvenirs, une fois éliminées les sensations
physiques immédiates, les odeurs, la couleur, la vue de telle bestiole
sous le lavabo, l’événement s’entoure d’un certain flou qui embellit
l’image. La réalité passée est toujours moins mauvaise qu’elle ne le
fut effectivement : la mémoire est une formidable faussaire.