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EAN : 9782264010995
119 pages
10-18 (01/02/2006)
3.74/5   356 notes
Résumé :
« Je parlais des corps, dis-je, peut-être sont-ils comme des valises, nous y transportons nous-mêmes. »

Ce livre pourrait servir de guide aux amateurs de parcours incongrus. Car il y a quelque chose d’insensé dans la recherche obstinée d’un ami disparu dans une Inde tour à tour inquiétante, hallucinée et fascinante, où l’on croise des devins dans l’autobus, des prostituées ou encore des jésuites portugais. Mais de rencontres paradoxales en coïncidenc... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (47) Voir plus Ajouter une critique
3,74

sur 356 notes
Lu en version originale et dans sa traduction française.

Je me suis laissé emporté par ce livre, un voyage ou plus exactement une errance en Inde, il ne décrit pas les lieux traversés - bien qu'un index de ceux-ci figure au début du livre - mais m'a entraîné dans un parcours mystérieux.

La trame paraît simple au départ : le protagoniste, Roux, est à la recherche d'un ami, Xavier.

Qui est Xavier ? Tabucchi nous donne peu de détails : il est Portugais, “un Portugais qui s'est perdu en Inde”, était malade, il écrivait des histoires, Roux ne peut le décrire (“Non, je n'avais pas de photographie, je n'avais que mon souvenir : et mon souvenir était seulement à moi, il n'était pas descriptible”).

Cette quête de Xavier amène Roux à faire de nombreuses rencontres : un chauffeur de taxi Sikh, une prostituée, un médecin, une voleuse, un prophète jain et tant d'autres.
Ces rencontres jalonnent la lecture de mystères.

La fin du livre déconstruit la recherche : Roux ne serait-il qu'à la recherche de sa propre identité ? Ou est-ce une perte d'identité ?
Est-ce utile pour moi de la savoir ? Non, l'objet de sa recherche m'a peu importé en fin de compte, c'est la recherche en elle-même qui m'a intéressée.

L'auteur joue avec nous en parlant du narrateur, il le nomme Roux, ses amis l'appellent le rossignol italien, en portugais rouximol, et à l'avant-dernier chapitre Roux se renseigne sur Xavier en l'appelant Mister Nightingale !
le Portugal dont Tabucchi était un grand connaisseur, est présent à de nombreuses reprises : la nationalité de Xavier, Pessoa bien entendu dont l'auteur a traduit toutes les oeuvres en italien, le gardien des archives de Goa, des chroniques de la Compagnie de Jésus du XVIIè en portugais, un cauchemar où apparaît Alfonso de Albuquerque.
de nombreuses allusions à la littérature : Pessoa évidemment mais également Conrad, Schelling, Victor Hugo, Hesse...

Ce fut un beau voyage onirique, une allégorie de l'existence, qui permet de plus de se baigner dans la magie de l'Inde, un voyage sans destination...
Un plaisir donc !






L

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« Ce livre n'est pas seulement une insomnie, c'est aussi un voyage. L'insomnie appartient à qui a écrit le livre, le voyage à qui l'a fait ».
Cette phrase énigmatique ouvre la préface et oriente la lecture hors de tout réalisme. Elle est pourtant suivie d'un index des lieux évoqués. Dans ce Nocturne, l'auteur nous ballade à la recherche d'une Ombre éclairée par un périple indien qui revêt les apparences d'un jeu de piste.
Le narrateur arrive à Bombay avec une petite valise noire. Il est à la recherche de Xavier un ami disparu quelque part en Inde après une mystérieuse maladie et ne dispose que de très vagues indices. On le suit d'abord à Bombay dans un hôtel borgne sans numéro, dans un hôpital de déshérités, dans un palace au luxe indécent où le narrateur tente vainement d'obtenir des renseignements. On le retrouve sur un bateau avec un couple de japonais. On prend ensuite le train jusqu'à Madras, l'autobus-stop jusqu'à Goa et enfin la plage. le périple est illogique, souvent improvisé, entre rêve, souvenir et réalité. On erre avec le narrateur dans cette Inde nocturne aux mille faces tantôt repoussantes, tantôt délectables. A chaque lieu une rencontre incongrue, forte et déstabilisante : une mystérieuse voleuse en fuite, un cardiologue, un jaïn qui se prépare à mourir, un monstrueux devin, un Jésuite, le vice-roi des Indes et enfin une mystérieuse Christine. Chaque rencontre révèle au narrateur un fragment de lui-même et le pousse à continuer sa quête. A la fin du récit, le narrateur présente à Christine son parcours comme l'objet d'un roman à venir. Serait-il le Xavier que le narrateur a cherché ? Rien n'est moins sûr.
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Roman de nuit par hasard qui me rappelle nul balthazar. « La nuit je mens » et je pense à Bashung. La nuit je mens. La nuit je me mens. Je me vois mal, je me vois bien. Je me traîne dans les rues et je pense à toi, à moi. À nous quoi. Que je me cherche au fond du ventre de la terre ou de la misère, tous les hôtels se rappellent de moi le passant ordinaire. J'ondoyais dans un temps de mémoire qui me trace comme un air fugace, enveloppant d'un anonymat d'hôtel international. Je voyage entre les êtres, peu m'importe les lieux tant qu'ils se mélangent dans ma tête et qu'ils me laissent voguer au gré des écrits piochés dans les Livres voyageurs de l'univers. Et me laissent t'entrevoir. Pour m'entrevoir dans ton regard. Belle soirée ? Oui une belle nuit ! Je vous attendais.
« Je pars demain. »
« Déjà ? »
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Nocturne indien, c'est l'anti-Shantaram... et Tabucchi est à peu près aussi éloigné de Gregory David Roberts qu'un stylite sur sa colonne d'un baroudeur de Lonely Planet!

Amateurs de dépaysement exotique, d'Indes galantes ou épicées, passez votre chemin!

Voilà un voyage sans but - un ami qu'on cherche ou qui vous cherche, on ne sait plus- sans "regard" touristique ou même curieux sur le pays, les villes pourtant célèbres -Calcutta, Goa, Bombay sont traversées, jamais décrites..

C'est plutôt un sorte de voyage intérieur avec pour guides les écrivains -Pessoa, Swedenborg, Hugo-, et, pour thème, la disponibilité quasi surréaliste à la surprise, à la rencontre, à l'opportunité du moment.

On se laisse donc porter par cette écriture libre, ce propos décousu,, cette vacance absolue...et alors vient à notre rencontre l'Inde rêvée ou réelle - pas l'Inde des prospectus ni l'Inde des aventuriers...

Une Inde secrète, personnelle,intérieure: une Inde nocturne...un nocturne indien..
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Je l'ai connu d'abord comme traducteur du grand Pessoa. Mais j'ai longtemps hésité à le lire. C'est seulement en apprenant sa mort que j'ai décidé à découvrir cet auteur italien qui n'a pas eu la même célébrité que ces contemporains et compatriotes Eco, Magris ou Fo. Et comme le disait Diderot, on ne tolère que les morts; j'ai lu son livre le plus connu "Nocturne indien".

C'est un livre d'une légèreté (au sens positif) suave. Un roman où l'on suit le parcours d'un voyageur cherchant un ami. Une intrigue qui nous fait penser aux romans d'aventures aux mille rebondissements, au suspense et aux personnages multiples! Or ce n'est pas le cas ici et tant mieux! Tout est calme, tout est simple, c'est le voyage que peut faire tout un chacun. Tabucchi qui n'a jamais visité l'Inde ( comme je l'ai lu quelque part) l'a représentée, comme il la voyait, comme il la connaissait à partir des livres ou films, son art était d'alléger cette représentation des stéréotypes connus. On suit le voyageur, on croit à sa recherche, mais on s'intéresse après au voyage lui-même, au voyageur, aux personnes rencontrées, plutôt qu'à cette recherche...L'idée du double et de la pluralité (qu'aime Pessoa) on la retrouve ici. C'est plus un recueil de scènes qu'un roman ordinaire.
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Citations et extraits (43) Voir plus Ajouter une citation
« Ho studiato a Londra”, disse, “e poi mi sono specializzato a Zurigo”. Tirò fuori il suo astuccio di paglia e prese une sigaretta. “Una specializzazione assurda, per l’India. Sono cardiologo, ma qui nessuno è malato di cuore, soltanto voi in Europa morite d’infarto”.

« J’ai étudié à Londres », dit-il, « puis je me suis spécialisé à Zurich ». Il sortit son étui de paille et prit une cigarette. « Une spécialité absurde, pour l’Inde. Je suis cardiologue, mais ici personne n’est malade du cœur, il n’y a que vous en Europe qui mourez d’infarctus ».
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"A Bombay, il n'y a pas beaucoup de jaïns" dit-il ensuite sur le ton que l'on emploie pour donner des explications à un touriste, "dans le Sud, si, beaucoup encore. C'est une religion très belle et très stupide." Il dit cela sans aucun mépris, toujours sur le ton neutre d'une déposition.
"Vous, qu'êtes-vous?" demandai-je, "je vous prie d'excuser mon indiscrétion."
"Je suis jaïn" dit-il.
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« Qu’est-ce que nous faisons dans ces corps », dit le monsieur qui se préparait à s’étendre sur le lit à côté du mien.
Sa voix n’avait aucun ton interrogatif, peut-être n’était-ce pas une question, c’était seulement une constatation, à sa façon, en tout cas c’était une question à laquelle je n’aurais pas pu répondre. La lumière qui venait des quais de la gare était jaune et dessinait sur les murs décrépis son ombre maigre qui se déplaçait dans la pièce avec légèreté, avec prudence et discrétion, me sembla-t-il, comme le font généralement les Indiens. De loin parvenait une voix lente et monotone, peut-être une prière ou alors une lamentation solitaire et sans espoir, comme ces lamentations qui n’expriment qu’elles-mêmes, sans rien demander. Il m’était impossible de la déchiffrer. L’Inde était aussi cela : un univers de sons plats, indifférenciés, impossibles à distinguer.
« Peut-être que nous voyageons dedans », dis-je.
[...] Il demanda : « vous avez dit ? ».
« Je parlais des corps », dis-je, « peut-être sont-ils comme des valises, nous y transportons nous-mêmes. »
Au-dessus de la porte il y avait une veilleuse bleue, comme dans les wagons des trains de nuit. En se mêlant à la lumière jaune qui venait de la fenêtre elle créait une lumière verdâtre, presque funèbre, je vis le profil d’un visage anguleux, avec un nez légèrement aquilin, les mains sur la poitrine.
[...] La lamentation lointaine reprit avec plus d’intensité, elle était maintenant très aiguë, je pensai un instant que c’était un chacal.
[...] L’homme respira profondément. Il était vêtu de blanc mais n’était pas musulman, ça je le compris. « J’ai été en Angleterre », dit-il, « mais je parlais aussi le français, si vous préférez on parle en français. » Sa voix était totalement neutre, comme s’il faisait une déclaration au guichet d’une administration ; et cela, qui sait pourquoi, me perturba. « C’est un jaïn », dit-il après quelques instants, « il pleure à cause de la méchanceté du monde. »
[...] « À Bombay il n’y a pas beaucoup de jaïns », dit-il ensuite avec le ton de quelqu’un qui explique quelque chose à un touriste, « tandis que dans le Sud oui, il y en a encore beaucoup. C’est une religion très belle et très stupide. » Il dit cela sans aucun mépris, toujours sur le ton neutre d’une déposition.
« Vous, vous êtes quoi ? », demandai-je, « je vous prie d’excuser mon indiscrétion. »
« Je suis jaïn », dit-il.
[...] La respiration de mon compagnon s’était faite calme et lente, comme s’il dormait. Quand il parla de nouveau j’eus une espèce de sursaut. « Moi je vais à Varanasi », dit-il, « et vous, dans quelle direction allez-vous ? ».
« À Madras », dis-je.
« Madras », répéta-t-il, « oui, oui. »
« Je voudrais voir le lieu où l’on dit que l’apôtre Thomas a subi son martyre, les Portugais y ont construit une église au XVIe siècle, je ne sais pas ce qu’il en reste. Ensuite je dois aller à Goa, je vais faire des recherches dans une vieille bibliothèque, c’est pour cela que je suis venu en Inde. »
« C’est un pèlerinage ? », demanda-t-il.
Je répondis que non. Ou plutôt, oui, mais pas dans le sens religieux du terme. C’était plutôt un itinéraire privé, comment dire ?, je cherchais juste des traces.
« Vous êtes catholique, je suppose », dit mon compagnon.
« Tous les Européens sont catholiques d’une certaine façon », dis-je. « Ou tout du moins chrétiens, ce qui est pratiquement la même chose. »
[...] Nous nous tûmes quelque temps, puis mon compagnon me demanda l’autorisation de fumer. Il fouilla dans un sac qu’il gardait près de son lit et dans la chambre se répandit l’odeur de ces petites cigarettes indiennes parfumées, faites d’une seule feuille de tabac.
« Autrefois j’ai lu les Évangiles », dit-il, « c’est un livre très étrange. »
« Seulement étrange ? », demandai-je.
Il eut une hésitation. « Et aussi plein d’orgueil », dit-il, « soit dit sans méchanceté. »
« Je crains de ne pas très bien comprendre », dis-je.
« Je parlais du Christ », dit-il.
L’horloge de la gare sonna minuit et demi. Je sentais que le sommeil était en train de s’emparer de moi. Du parc derrière les quais arriva le croassement des corbeaux. « Varanasi c’est Bénarès », dis-je, « c’est une ville sainte, vous aussi vous allez en pèlerinage ? ».
Mon compagnon éteignit sa cigarette et toussa légèrement. « J’y vais pour mourir », dit-il, « il me reste peu de jours à vivre. » Il arrangea le coussin sous sa tête. « Mais peut-être convient-il de dormir », continua-t-il, « nous n’avons pas beaucoup d’heures de sommeil devant nous, mon train part à cinq heures. »
« Le mien part peu après », dis-je.
« Oh, ne craignez rien », dit-il, « l’employé viendra vous réveiller à temps. Je suppose que nous n’aurons plus l’occasion de nous voir sous les apparences à travers lesquelles nous nous sommes connus, ces valises que nous sommes actuellement. Je vous souhaite un bon voyage. »
« Bon voyage à vous aussi », répondis-je.

(p. 47-52)
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Il demanda : "vous avez dit ?".
"Je parlais des corps" dis-je, "peut-être sont-ils comme des valises, nous y transportons nous-mêmes". (p.46)
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“Alt”, disse lei, “non si approfitti della notte tropicale e di questo albergo fra le palme.. Sono vulnerabile ai complimenti e mi lacerei corteggiare senza resistenza, non sarebbe leale di parte sua”. Alzò il bicchiere anche lei e ridemmo ancora.

« Stop », dit-elle, « ne profitez pas de la nuit tropicale et de cet hôtel au milieu des palmiers. Je suis vulnérable aux compliments et je me laisserai faire la cour sans opposer de résistance, ce ne serait pas loyal de votre part ». Elle leva son verre elle aussi et nous rîmes encore.
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