À la fin du livre, au bout du tunnel, je découvre un halo de lumière. L’écriture fait tomber des cloisons à terre.
Qui de nous trois avait compris ce jour-là que quelque chose avait pris fin à jamais ?
Que je les quittais.
Qu’en partant écrire, je m’en allais vivre.
Je m’en allais vivre ailleurs. Dans un autre monde que le leur.
J’ai compris qu’il y a ce que les gens paraissent, et ce qu’ils sont. Et que ces deux mondes-là, parfois, sont parfaitement disjoints. S’obstiner à toute force à en chercher le trait d’union vous fait tomber dans des trous noirs.
Il n’y a qu’en écrivant que je pourrai dire tout en restant à l’intérieur des choses. Il n’y a qu’en écrivant que je ne triche pas. Que je reste la même que moi.
Pour toujours je me souviens de nous trois, mon père, ma mère et moi, ombres flottantes, éternelles, rassemblées en ce jour d’été dans le grand salon jaune, après que pour la première fois de ma vie j’ai osé avouer que je voulais écrire.
L’image se détache de la brume, nette et coupante comme la lame des ciseaux de la coiffeuse. Elle me pénètre, elle m’entaille : je suis assise dans un grand fauteuil beige et je regarde longuement, sidérée, mes cheveux noirs à terre
Le temps se contorsionnait, sortait de son sillon. Le temps devenait fou. Ou bien peut-être était-ce moi qui perdais le sillon du temps.
On n'est pas toujours debout. On est parfois à terre. On est parfois hurlant. En mille morceaux. Oui, la vie est immense, ouverte sur des abîmes. Ouverte sur des espaces. La vie est bien vivante.
Un cfef d'oeuvre d'autobiographie, un genre difficile.