Citations sur Une vie à soi (52)
Ton appareil photo en main, tu posais ton regard sur les frontières. La frontière du féminin-masculin, la frontière entre le monde de l'enfance et celui des adultes, la frontière entre la folie et l'équilibre mental, la frontière entre les pauvres et les riches.Tu les sondais, tu les faisais ployer.Tu voulais voir ce qui tenait. Ce qui, à la fin, tenait.
( p.160)
"J'ai compris qu'il y a ce que les gens paraissent, et ce qu'ils sont. Et que ces deux mondes-là, parfois, sont parfaitement disjoints. S'obstiner à toute force à en chercher le trait d'union vous fait tomber dans des trous noirs."
À quoi ma rencontre avec Diane Arbus a-t-elle tenu? À rien, à la lumière et à la solitude de ce jour d'automne, au souvenir du Musée du Jeu de Paume avec mes parents. À rien.J'en ai, rétrospectivement, le vertige. Car il y a des rencontres qui sauvent. Elles vous saisissent au corps, elles vous soulèvent du sol auquel vous êtes englué, elles vous font passer de la nuit à la lumière.
Je reste silencieuse. L’amour de l’amour, je ne sais plus très bien ce qu’il signifie, mais l’amour de l’amitié, je le ressens, ce soir, dans toute sa force. On est seul, mais sans l’autre, sans son regard, on serait à terre depuis longtemps.
Il n’y a qu’en écrivant que je pourrai dire tout en restant à l’intérieur des choses. Il n’y a qu’en écrivant que je ne triche pas. Que je reste la même que moi.
Je ne me racontais plus d’histoires. Je retrouvais mon histoire.
Ce qui l’obsédait : faire tomber les masques, saisir ce que chacun est de l’autre côté du rideau des apparences. Elle cherchait l’autre. Elle disait de son appareil photo qu’il était son passeport. Celui qui lui permettait de franchir les frontières, d’aller vers ceux qu’elle voulait connaître, connaître intimement : ceux dont elle voulait atteindre la vie intérieure.
La photo fascine par la perfection froide de ses lignes verticales et horizontales : parallélisme et symétrie des deux chaises longues et des deux corps allongés, ligne de démarcation très nettement dessinée entre la pelouse et la haie d’arbres, contraste entre les corps écrasés à terre et les arbres dressés vers le ciel. Tout est parfait et glacé, tout suinte l’argent et l’effrayante solitude.
Je traverse mon enfance comme on travers une immense nappe de brouillard, dans une frayeur silencieuse.
A quoi ma rencontre avec Diane Arbus a-t-elle tenu? A rien, à la lumière et à la solitude de ce jour d'automne, au souvenir du musée du Jeu de Paume avec mes parents. A rien. J'en ai rétrospectivement le vertige. Car il y a des rencontres qui sauvent, elles vous saisissent au corps, elles vous soulèvent du sol auquel vous êtes englué, elles vous font passer de la nuit à la lumière.