Mais voici qu'au sommet d'une colline apparaît un peuplier solitaire; qui l'a planté, ce qu'il fait ici. Dieu seul le sait? On avait du mal à détacher les yeux de sa silhouette élancée et de son habit vert.
Châtain clair, bouclé, tête nue, dépoitraillé, Dymov paraissait beau et d'une force extraordinaire ; chacun de ses mouvements indiquait le polisson et l'hercule, sachant son prix. Il remuait les épaules, mettait le poing sur la hanche, parlait et riait plus fort que les autres avec l'air de se préparer à soulever de la main un objet très lourd pur stupéfier le monde entier. Son regard ironique, égaré, glissait sur la route, le convoi et le ciel, sans s'arrêter sur rien, et semblait chercher une victime à tuer par désœuvrement ou un objet de moquerie.
Qu'est-ce que l'être ? L'être est ce qui est par soi-même et ne nécessite aucune intervention extérieure pour sa réalisation.
Le Russe aime se souvenir mais n'aime pas vivre ; Iégorouchka ne savait pas cela, et, avant que la soupe ne fût mangée, il croyait fermement que les gens qui l'entouraient étaient des humiliés et des offensés du destin.
_ Ouais… acquiesça le père Khristophor, regardant son verre d’un air pensif. Moi, à vrai dire, je n’ai pas à être ingrat envers le bon Dieu. Dieu fasse que tout le monde arrive au terme de sa vie comme moi…
Mes filles je les ai casées auprès d’hommes de bien, mes fils, j’en ai fait des messieurs, et maintenant je suis libre, j’ai fait mon travail, je peux m’en aller aux quatre vents.
Je vis tranquillement avec ma moitié, je mange, je bois, et je dors, je me réjouis de voir mes petits-enfants et je prie le bon Dieu : que ma faut-il de plus ?
Je suis comme un coq en pâte et je ne demande rien à personne.
Depuis ma naissance, je n’ai jamais eu de chagrin, et si maintenant le tsar me demandait : « De quoi as-tu besoin ? Que veux-tu ? »
Mais je n’ai besoin de rien, moi !
J’ai tout et tout va parfaitement.
Il n’y a pas plus heureux que moi en ville.
Sauf que j’ai beaucoup de péchés, mais il faut dire aussi que Dieu seul est sans péché .
Le Russe aime se souvenir mais n'aime pas vivre.
Mais voilà les blés rapidement dépassés eux aussi. C'est de nouveau la plaine brûlée qui s'étire, les collines hâlées, le ciel torride, de nouveau le milan qui survole la terre de-ci de-là. Au loin, le moulin agite ses ailes comme plus tôt et ressemble toujours à un petit homme gesticulant avec ses bras. On était fatigué de le regarder et on avait l'impression que l'on ne l'atteindrait jamais, qu'il fuyait devant la calèche.
Le Russe aime se souvenir mais n’aime pas vivre.
Lorsqu'on regarde longtemps le ciel profond, sans en détacher les yeux, nos idées et notre âme se fondent dans la conscience de notre solitude ; on se sent irréparablement seul, et tout ce que l'on comptait auparavant comme familier et cher, s'éloigne indéfiniment et devient sans valeur. Les étoiles qui regardent du haut du ciel depuis des milliers d'années, le ciel incompréhensible lui-même, et la buée, tous indifférents à la courte vie de l'homme, accablent l'âme de leur silence. Quand on reste seul avec eux, et qu'on tâche de comprendre leur raison d'être, l'idée de la solitude, qui attend chacun de nous dans la tombe, nous vient à l'esprit, et l'essence de la vie apparaît désespérée, terrible...
Étudie de façon à être instruit de tout. Apprends le latin, le français, l'allemand... la géographie naturellement, l'histoire, la théologie, la philosophie, les mathématiques...