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En se rendant à Sakhaline Tchekhov voulait, nous dit Roger Grenier dans la préface, "payer sa dette à la médecine"
De son séjour il tirera un livre qu'il écrira avec difficulté et qui sera édité pour la première fois en 1895
Contre toute attente alors qu'il n'a aucun document d'introduction ou autorisation, Tchekhov réussi à se faire admettre par le gouverneur le Général Korff, celui-ci l'autorise à circuler librement et à interroger qui bon lui semble sauf les détenus politiques.
Tchekhov va user et même abuser de cette autorisation, il rédige un questionnaire et en trois mois ce n'est pas moins de 10.000 fiches qu'il va renseigner, véritable recensement de la population de Sakhaline, il entre dans tous les villages, toutes les prisons, les maisons de fer.
Il note tout ce qu'il voit, tout ce qu'on lui dit
L'île est divisée en territoires et secteurs, les hommes qui séjournent ici appartiennent à des catégories distinctes, mais tous sont reclus à vie sur cette île, même leur peine purgée les condamnés ne retrouveront pas leur ville ou village d'origine.
Tout un personnel administratif vit sur l'île, le gouverneur nommé par le Tsar, un médecin, des commis aux écritures car il faut bien faire des rapports pour le pouvoir central, des artisans : boulanger, menuiser, cuisinier, mais aussi tout le corps de surveillants et autres gardes-chiourmes.
Les condamnés qui sont ici ont fait le même voyage que Tchekhov, fers aux pieds, la Sibérie est une longue route vers le bagne, la route de Vladimirka " Nous les avons fait marcher dans le froid avec des fers aux pieds durant des dizaines de milliers de verstes "
Dans les villages travaillent des prisonniers mais aussi des paysans dit libres qui sont en fait des colons contraints de rester sur l'île, leur travail leur permet tout juste de survivre : l'abattage de bois, travail très dangereux, l'agriculture sur une terre peu fertile au climat peu favorable, le travail de la mine le plus dur et le plus dangereux.
Les mineurs descendent dans la mine par une galerie très longue, ici pas d'ascenseur, l'homme tire un traîneau déjà lourd à vide ; quand il remonte la pente il le fait à quatre pattes tirant son traîneau chargé et les 300 mètres de galerie deviennent un parcours inhumain, le mineur le refait 13 fois par jour !
Les femmes qui ont suivi leur mari, celles condamnées et libérées, n'ont souvent d'autre choix pour survivre que de se livrer à la prostitution, seule façon de nourrir leurs enfants car ceux-ci sont nombreux à Sakhaline malgré une mortalité infantile importante. Tchekhov y voit une consolation pour ces hommes et femmes mais les enfants, hélas, aggravent les conditions de vie, plus de bouches à nourrir alors que les possibilités de travail et de ressources sont extrêmement limitées.
La nourriture est simple, voire frustre, la viande ne fait que très rarement partie des menus, quelques années avant la visite de Tchekhov le scorbut a dévasté la population carcérale.
Ses observations sur l'état de santé de cette population font mention de la tuberculose bien évidemment, de diphtérie, de la variole, et du typhus dont la mortalité est énorme, enfin bien sûr en raison de la prostitution la syphilis fait des ravages.
Les conditions de détentions sont inhumaines, barbares, le mot justice n'a plus aucun sens en ces lieux.
Les punitions et sanctions sont fréquentes et appliquées sans discernement avec parfois beaucoup de cruauté et de sadisme.
Les verges et le fouet sont courants, les sentences prononcées le sont selon les « droits » de celui qui sanctionne, le Gouverneur à « droit » à faire appliquer 100 coups de fouet, le surveillant lui n'a « droit qu'à 50 coups ....
A sa demande Tchekhov assiste à une punition
Les récidivistes, ceux qui ont tenté de s'évader sont enfermés dans la maisons de fer : enchaînés des pieds et des mains à une brouette suffisamment lourde pour empêcher les mouvements et suffisamment petite pour être la nuit glissée sous la paillasse. Un modèle de torture ! Les mouvements sont de trop faible amplitude et la dégénérescence musculaire est définitive, ainsi la punition se poursuit bien après sa fin officielle.
La répression féroce et l'absence d'espoir de quitter l'île poussent les hommes à tenter de s'évader et malgré le peu de réussite et les coups de fouet qui suivront, les tentatives sont nombreuses.
A son retour Tchekhov fait envoyer des milliers de livres à Sakhaline, ce voyage et ce séjour l'ont marqué " Je ne saurais dire si ce voyage m'a aguerri ou s'il m'a rendu fou. du diable si je le sais " Ce livre-enquête s'apparente au reportage d'Albert Londres sur le bagne de Cayenne, deux hommes qui ont par leurs écrits rendue vaine la question de l'implication de l'intellectuel dans la vie politique.
Lien : http://asautsetagambades.hau..
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Ce texte relève à proprement parler plus du documentaire et de l'inventaire que du récit de voyage. Vingt-trois parties découpent ce texte, qui sont elles-mêmes morcelées en plusieurs sous-parties. Celles-ci comportent des titres strictement formels à la façon d'un manuel de géographie « La ville de Nikolaïevsk-sur-Amour', « recensement »… Dès le départ, on perçoit immédiatement que ce récit tire davantage du côté du compte-rendu rigoureux que du récit de voyage dans la mesure où Tchekhov procède à une analyse minutieuse de tout ce qui l'entoure, agrémentée de statistiques dont on ne voit pas la fin : bagnards, prisons, personnel pénitentiaire, paysages, climat, cultures, modes de vie, population carcérale et non carcérale.

Quelles sont donc les motivations qui poussent ce jeune homme de trente ans à traverser le pays, chaussé de simples bottes de feutre détrempées? Roger Grenier, dans sa très instructive préface de l'édition Folio, affirme qu'aucune des explications possibles émises n'est véritablement satisfaisante. Allons donc directement au but et relevons l'explication présentée par Tchékhov lui-même. Bien sur, je n'oserais pas comparer les conditions de vie de Sakhaline à nos conditions carcérales actuelles, quoique…, mais constatez donc l'atemporalité de ces lignes tchékhoviennes:

« Quant au but du voyage.

Après l'Australie jadis, et Cayenne, Sakhaline est le seul endroit où il soit possible d'étudier une colonisation formée par des criminels…De nos jours, on fait encore quelque chose pour les malades, mais rien pour les détenus. L'étude des prisons n'intéresse pas nos juristes le moins du monde. »

le cas de Sakhaline est bien particulier car une fois les peines des pauvres bagnards purgées, ces derniers se voient contraints de rester et s'installer sur l'île
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Une petite pépite découverte en flânant par hasard sur internet. J'y ai appris que l'île de Sakhaline était initialement peuplée d'Aïnous, qu'elle avait fait l'objet d'âpres combats entre les Japonais et les Russes et qu'enfin, elle avait servi de bagne aux autorités impériales. Comme quoi, le goulag est une véritable tradition dans cet immense pays! le problème lié au manque de femmes dans cette île, du fait de la faible proportion de bagnardes et de volontaires est amplement traité. Cette lecture m'a évoqué, par la thématique, la chronique de la maison des morts, de Dostoïevski.
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En 1890 , Anton Tchekhov part à la découverte du bagne du bout du monde :l'île de Sakhaline. Ses motivations sont ambigües mais son témoignage est passionnant , très documenté , sur les conditions de vie des bagnards . On comprend aussi , nous lecteurs de XXIème siècle à quel point le Goulag est inséré dans une « tradition » russe .
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Non non, ceci n'est pas un morceau de bravoure de littérature russe ou de littérature tout court.

Ceci est une sorte de compte-rendu d'une expérience d'un journaliste ou d'un sociologue, bien ficelé, structuré, rigoureux tout ce qu'on veut mais bouh que c'est pénible...


Voilà je l'ai fini.


Pour être sincère, lorsqu'il parle des enfants, des évasions et de certaines peines, quand il fait parler les personn(ag)es ça fonctionne chez moi, et je marche. Mais c'est trop peu souvent, et les détails qui avaient et ont sans doute de l'intérêt pour les historiens du carcéral ou de la Russie sont trop lourds et indigestes, je me noie. (Je l'ai lu car ça parle de prisons etc et que donc ça me concerne, ça concerne mon travail.)


Mais, voilà, je l'ai fini et je passe à autre chose.


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Titre original : ?
Traduction : Lily Denis

L'île de Sakhaline baigne dans la mer d'Okhotsk, une mer de l'Océan Pacifique, et voisine étroitement avec la Sibérie orientale.
C'est dans cette île que, en avril 1890, aborda un Anton Tchékhov bien décidé à rédiger l'histoire la plus complète qui se pût voir de la colonie pénitentiaire qui y vivait.
Entre les notes de bas de page et le texte, le tout en format poche Folio, le tout fait plus de 550 pages, certes passionnantes mais qui pourront paraître ardues à ceux que n'intéressent guère les moeurs policières et légales de l'ancienne Russie - que la Russie bolchevique ne fit, en somme, que récupérer et peaufiner.
Par leur style concis et sans apprêt, ces "Notes de Voyage", étonneront peut-être les habitués du dramaturge. Mais ils retrouveront sa patte dans ce foisonnement de portraits de forçats, d'"hommes libres", de "relégués" et de fonctionnaires, tour à tour incroyables, émouvants, pitoyables, cyniques ..., extraordinaire galerie où Goya et Doré auraient pu puiser. A l'arrière-plan, les survivants des peuplades paléo-arctiques comme les Aïnos, qui vivent en bon terme avec les colons.
Ce que tous partagent et subissent, c'est le climat, un climat que, en dépit de ses baisses de températures phénoménales, on peut qualifier d'infernal : neige, glace, hiver quasi perpétuel avec un été très bref où les températures dépassent rarement les 15 degrés.
Pour la majorité, une misère lamentable. Pour quelques privilégiés, une certaine aisance, alimentée par des trafics en tous genres effectués sur le dos des moins chanceux.
Bien sûr, parmi ceux-là, beaucoup sont des assassins ou des incendiaires. Mais, comme le souligne Tchékhov, la condition du bagne à Sakhaline ne leur permet pas de s'amender de manière efficace. Quant à la colonisation de l'île, tant souhaitée par les autorités, elle n'est guère réussie puisque, dès qu'ils ont fait leur temps, les condamnés s'empressent - on les comprend - de rejoindre le continent.
Un récit minutieux, scrupuleux, d'une intégrité indubitable, qui, autant que la philosophie de ses pièces, confirmera au lecteur attentif la profonde humanité d'Anton Pavlovitch Tchékhov. ;o)
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En 1890, TCHEKHOV entreprend un voyage de trois mois sur l'île de Sakhaline pour y rencontrer les forçats présents sur place, l'île étant connue pour être un camp de travail aux conditions de vie assez extrêmes, notamment à cause du froid polaire régnant en maître une grande partie de l'année.

Il a été reproché à TCHEKHOV de réaliser un tel travail en écho à l'ample « Les carnets de la maison morte », sorte de cahier intime romancé de DOSTOÏEVSKI lorsqu'il était déporté en Sibérie durant quatre années à partir de fin 1849. Également connu sous le titre « Souvenirs de la maison des morts », ce livre de 1862 est considéré comme le tout premier témoignage concentrationnaire de l'Histoire de la littérature. Les différences entre le travail de DOSTOÏEVSKI et celui de TCHEKHOV sont pourtant fort nombreuses, ainsi il paraît quelque peu maladroit de voir en celui de TCHEKHOV un désir de copier le maître DOSTOÏEVSKI, que par ailleurs il ne portait guère dans son coeur (euphémisme...).

Soyez prévenus : ce long documentaire de TCHEKHOV abonde en détails, en chiffres, en comptabilité, en statistiques, et peut provoquer un sentiment d'indigestion tellement il est précis. Il est pourtant un document tout à fait singulier : à la fois analyse sociologique, historique, architecturale, biologique, toponymique, topographique, géographique de l'île, et j'en passe. Rien n'est mis de côté, et rien ne nous est épargné en matière de chiffres. Ce récit ne se réduit pas à l'analyse des prisonniers et de leurs familles (car oui la plupart des prisonniers vivent avec leur famille, l'auteur s'en explique) mais décompose toutes les strates de la population insulaire.

Résumer un tel travail serait forcément rébarbatif tant cet essai regorge de détails avec une minutie touchant à l'obsession tout ce qui est présent sur cette île, du moindre insecte au rocher perdu, en insistant un peu plus sur le sort des prisonniers, leurs habitudes, leur mode de vie, leurs peines, les raisons de celles-ci, etc. Pour ce travail de forçat, pardon, de fourmi, TCHEKHOV est allé interroger par un questionnaire à remplir ainsi que des interviews environ 5000 personnes habitant l'île, des êtres au départ méfiants et distants avant que TCHEKHOV ne gagne leur confiance, en partie du moins. Théoriquement un gardien est nécessaire pour 40 prisonniers. Dans la pratique, il n'en est bien sûr pas toujours ainsi.

TCHEKHOV se déplace tout au long de cette grande île, du nord au sud, d'est en ouest, observe, dissèque, évoque l'état des prisons, la crasse, la violence, et tout ce qu'un tel lieu peut contenir d'inhumain. Ce qui marque, au-delà des peines de prison, du quotidien, c'est bien sûr le froid. Sakhaline, à l'époque ni vraiment russe ni complètement japonaise, est coincée bien au nord entre l'Europe orientale et l'Asie. La température annuelle moyenne est proche de zéro degré, il y gèle six mois de l'année, il n'est pas rare d'y voir de la neige en plein été.

Et il y a ce travail d'extraction de charbon pour les forçats, pour que la matière première soit ensuite revendue, pour chauffer d'autres gens, ailleurs et loin, alors qu'eux se la pèlent durant quasiment toute l'année. le comble est que généralement ils travaillent gratuitement, malgré le règlement qui l'interdit. Mais ici, loin de toute civilisation, le règlement, on s'assied dessus.

Lors des interviews, un TCHEKHOV finalement très respecté des condamnés est appelé « Votre Haute Noblesse ». Il dresse une galerie de portraits d'autochtones passés ou présents, revient sur les territoires japonais d'une île que tous les prisonniers souhaitent quitter, sauf un. Il développe à loisir le rôle des femmes, assez ambigu, notamment si elles sont de condition libre (c'est-à-dire ayant suivi délibérément leur mari au bagne afin d'y vivre avec lui) ou en qualité de bagnardes. On y fait des enfants, même en tant que repris de justice, là aussi TCHEKHOV développe le dossier. La pêche et sa fonction sociale et sociétale est également largement évoquée.

Retour sur les règles et lois alors récentes sur l'île (elles datent en effet pour la plupart de 1884), coup de projecteur sur l'histoire de l'île des dernières années (décennie 1880 surtout), avec là encore une précision, des détails à filer le tournis, il serait trop simple de parler de précision chirurgicale, TCHEKHOV étant docteur. D'ailleurs il énumère avec enthousiasme et connaissance les épidémies passées ou en cours, les légendes autour de celles-ci, mais aussi les véritables états physiques des habitants de l'île et des forçats en particulier.

Comme un gâteau trop sec et trop cuit, ce récit consistant est aussi un brin étouffant, trop de détails pouvant tuer le détail. de plus le style est distant, froid (en adéquation avec le climat de l'île, certes, mais tout de même !), se mue régulièrement en une succession à l'infini de chiffres qu'il nous est impossible de retenir. Cet essai est un livre technique, très loin des écrits habituels de TCHEKHOV, seuls les fans absolus (et encore !) devront le tenter jusqu'au bout des quelques 600 pages, à moins que vous ne soyez définitivement fascinés par tout ce qui touche à la vie de cette île à la fin du XIXe siècle, jusqu'au moindre détail insignifiant.

Ce qui devait être un « récit de voyage » (c'est le nom du sous-titre) se transforme en analyse méticuleuse trop lourde, trop complète, trop obstraite pour nous pauvres mortels, même si certaines pages sont d'une grande réussite, je pense à ce chapitre « Récit d'Iegor », un format nouvelle où l'on retrouve le grand TCHEKHOV, nouvelle enchanteresse perdue au beau milieu d'une description austère. le récit commencé au retour de TCHEKHOV, censé être bref, se tend en longueur avant de paraître en feuilleton en octobre 1893 puis publié en livre en 1895. Accrochez-vous, l'aventure pourra vous sembler longue comme un jour sans pain...

https://deslivresrances.blogspot.com/
Lien : https://deslivresrances.blog..
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Quelle déception que cette lecture !
Habituée à la plume et à la fulgurante de Tchekhov, j'en attendais énormément de ce récit concernant son voyage à Sakhaline.
en fait de récit de voyage, c'est une énumération de données chiffrées, de lieux et de situations disparates. Des parties dans des sous-parties qui m'ont progressivement désintéressée.
dommage…
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