Le coin de la rue, c'est celui que Poulbot, Montmartrois pur jus éduqué à l'école de la rue, et Lolo son pote depuis le cours préparatoire et pour la vie, peuvent surveiller en attendant l'aventure qui selon une certaine expression populaire ne saurait tarder d'en surgir, tout en pratiquant ce qui se rapproche le plus pour eux d'un sport, qui leur permettrait à coup sûr en cas de reconnaissance olympique de rapporter à la France deux breloques dorées : l'apéro.
L'aventure se pointe effectivement, sous la forme d'une belle jeune femme, malheureusement annonciatrice d'une tonne d'emmerdes. Avec pour compères Dudley SMITH ( à ne pas confondre avec un homonyme cher à
James Ellroy ) et Claudius, « Lyonnais jusqu'à la moelle », ils vont se trouver confrontés à quelques situations délicates et croiser la route de personnages hauts en couleur mais à ne pas forcément tous inviter à la maison. Avec par ordre d'entrée en scène : quelques bras cassés fans des verts - l'équipe de foot pas les écolos - s'improvisant kidnappeurs, une bande de nazillons nostalgiques ayant pour chef de meute sadique le neveu d'un célèbre acteur allemand, une ninja, fille du chanteur d'un groupe de rock mythique, qui flingue comme Ventura dans « Les Barbouzes », des marins trop bavards, des Corses typiquement... corses, et même un Robert Mitchum des plus imbibés ayant confondu tournage dans l'île de beauté et tournée des bistrots.
Comme
Dominique Terrier n'oublie pas que dans un bon roman il faut aussi doser certains ingrédients, l'Histoire est présente, avec cette fois de véritables nazis à la vraie époque où ils ont sévi, mais quelque peu négligents avec leurs affaires, ayant la malencontreuse idée d'égarer une mallette, donnant de ce fait et bien à l'insu de leur plein gré, le top départ d'aventures rocambolesques.
L'auteur nous propose également quelques balades touristiques. En Corse, avec ses paysages magnifiques, comme une parenthèse bucolique et poétique dans un monde de brutes, mais où il peut être fort imprudent de s'attarder à contempler béatement la mer, la météo locale oubliant parfois de prédire de fortes rafales chargées de plomb en provenance des terres. En Écosse, sur l'île de Skye, terre de landes et de lochs, où une distillerie est abusivement détournée de son rôle premier : la production d'un fameux « flacon malté » - je prie
Dominique Terrier de bien vouloir me pardonner l'utilisation de cette vanne d'origine contrôlée dont il reste bien évidemment l'inventeur patenté.
L'Écosse c'est surtout la patrie de Milady. Châtelaine qui, fière d'un grand-père alimentant depuis des lustres et certainement jusqu'à la fin des temps la fantasmagorie criminelle, a fait serment, bon sang ne saurait mentir, de faire honneur à l'illustre ancêtre en poursuivant la tradition familiale dans le monde du crime. Une Milady dont la cruauté et la perversion n'ont d'égale qu'une haleine chargée. Sa relation avec Poulbot devient vite des plus électriques, alimentée par une haine suprême, augurant qu'un dénouement dans le style « Règlement de compte à O.K. Corral » est fortement plus probable qu'un séjour en amoureux au Club Med.
Dans cette version l'action est bien sûr omniprésente. On se mitraille, se chevrotine, se broie, s'étripe, se tisonne, se dynamite - je sais tous les verbes ne sont pas dans le dico - allègrement mais dans la bonne humeur - celle du lecteur en tout cas - car c'est pour rire, comme disent les mômes.
Déjà dans la version courte le risque d'overdose pour un lecteur normalement constitué atteignait la cote d'alerte, tant la densité des bons mots distillés en rafales par l'auteur dans un esprit que n'aurait pas renié
Michel Audiard frôlait carrément l'indécence. Alors que dire de cette version rallongée ? Que la prise de risque est importante, la possibilité de se coincer les zygomatiques de rire non négligeable, mais l'impact positif de cette lecture sur le moral des populations est tellement incommensurable que même la Sécu – si l'on en croit certaines rumeurs – s'y intéresserait fortement.
Pour conclure, et ne pas vous étonner je suppose, j'ai pris un plaisir de dingue à lire cette histoire, et c'est avec une joie non dissimulée que j'ai écrit cette chronique.
Dernier petit conseil en toute amitié, et je n'hésite pas pour cela à piller le patrimoine culturel français en vous priant d'excuser le tutoiement qui s'impose :
si ton quotidien n'est pas rose, si ta banlieue est morose, alors... prends-toi z'en mains, lis ce bouquin.