L’une des préoccupations qui ne m’a jamais quitté depuis la naissance de la revue est le soin apporté à la forme du livre et l’importance du rapport texte / images. J’ai toujours cherché à trouver des liens possibles entre des textes et des images parce que je trouvais que les dessinateurs étaient d’excellents lecteurs, au même titre que les traducteurs, et mon travail a très rapidement consisté non plus seulement à transmettre un texte à des lecteurs mais à essayer de multiplier les clés de lecture et les interprétations d’une œuvre via le recours à l’image. Lorsque je publiais majoritairement des rééditions, travailler en collaboration avec un dessinateur pour donner à un texte une nouvelle identité visuelle me plaçait dans la peau du metteur en scène qui livrerait une énième adaptation d’un même texte mais avec des décors, des castings, des rythmes, des prosodies et des atmosphères différentes. (…)
Aujourd’hui encore, dans le travail sur le livre lui-même, ce que je demande aux dessinateurs n’est pas d’illustrer le texte mais bien d’en livrer leur interprétation propre. La construction du livre, sa mise en page se plie à leur ressenti : les dessins peuvent ainsi figurer en insert au cœur du livre, entre les chapitres, sous forme de papillon à la fin de l’ouvrage ou d’affiche comme l’a fait Lorenzo Mattoti pour Le désert et sa semence de Jorge Baron Biza (n’oublions pas non plus les cartes Panini du Voyage imaginaire de Léo Cassil). Nous commençons par définir ensemble une vision commune du texte afin de déterminer s’il est plus juste de se diriger vers un dessin figuratif ou abstrait, un gros plan ou un panoramique, ensuite le dessinateur a carte blanche.
C’est une douleur particulière et terrible, elle prend naissance au coeur, un atroce pinçon, puis elle gonfle et irradie, envahit la poitrine et la gorge, et descend jusqu’aux jambes, une douleur brutale qui met longtemps à s’atténuer, à disparaître. Maman avec un homme. Ronge ta douleur, petit Daniel., ronge ta douleur sans jamais l’espoir d’en venir tout à fait à bout. C’est le grand malheur du monde. Tu es né d’une femme. Tu es né d’une femme, petit Daniel, et maman pour te concevoir s’est comportée en femme.