Simone de Beauvoir et
Françoise d'Eaubonne sont mes deux premières marraines en féminisme, les deux icônes que j'ai lues en premier à vingt ans, et qui ont formé ma façon de penser et de vivre. J'ai lu les autres (
Wittig, Delphy, Guillaumin, Mathieu, même Rochefort...pour ne citer que les penseuses françaises), bien après pour continuer à approfondir. Aussi, j'ai attendu l'édition de poche pour lire cette biographie, craignant le pire avec l'intersectionnalité, concept devenu populaire mais qui n'existait pas quand
Françoise d'Eaubonne écrivait. Pourtant féministe matérialiste (passage et formation au PCF), anticoloniale (un chapitre sur son engagement en Algérie), féministe de tous les combats du MLF, engagée auprès des homosexuels, puis écoféministe (elle invente le concept), c'est difficile de trouver plus "intersectionnel" comme on ne disait pas alors. Hyperactive, bruyante, passionnée, amoureuse, combative, inspirante, brouillonne, mère indigne,
Elise Thiébaut nous fait un portrait émouvant de
l'amazone verte, de son oeuvre fleuve, de ses colères, de ses fulgurances, et finalement de sa postérité. Car après 20 ans d'oubli, alors qu'elle fut autrice à succès,
Françoise d'Eaubonne revient, et c'est une excellente nouvelle. Dans
le féminisme ou la mort, elle avait tout prévu de ce qui est en train d'arriver : surpopulation, ressac terrible des religions obscurantistes contre les femmes, dommages irréparables au biotope, capitalisme obèse subclaquant mais toujours nuisible, destructions sous l'empire des hommes qui ont réduit les femmes à la reproduction et la nature à l'exploitation sans frein. Et nous sommes apparemment inarrêtables. Je mettrais un bémol sur l'épilogue oecuménique où tout finalement serait féministe, y compris certains choix individuels "librement consentis" qui auraient fait sauter
Françoise d'Eaubonne au plafond. Mais c'est le seul. Je termine ma lecture très enthousiaste, avec une liste de ses ouvrages à lire ou à relire.