Les années passent et je me rends compte que je m'éloigne de plus en plus d'un style de littérature qui m'a longtemps fascinée, le policier. J'ai aimé trembler, suffoquer et angoisser à la lecture d'intrigues complexes. du polar au thriller, d'
Agatha Christie à
Franck Thilliez, la fertilité de l'imaginaire des auteurs est immense, allant de l'ingéniosité manipulatrice des criminels pour brouiller les pistes à l'exploration de la déviance malsaine de certains êtres humains. Aujourd'hui, je constate avec surprise, et peut-être un peu de regret, que si je lis un polar sans ennui, il ne m'apporte plus le plaisir que je recherche dans la littérature. Pourtant, certains auteurs attirent toujours mon attention, construisant des intrigues compliquées et singulières, sans se borner à tirer des ficelles élimées parce que bien trop utilisées. C'est le cas de
Franck Thilliez, entre autres.
Je suis tombée dans "
La Faille", plus par curiosité que par réelle envie. J'ai retrouvé le couple
Sharko-Henebelle que j'avais laissé vaquer à ses courses contre la montre, pourchassant les criminels détraqués, depuis quelques volumes. J'ai surtout apprécié revenir à un style d'écriture élaboré qui ne se contente pas de coucher des mots sur le papier en utilisant des poncifs érodés.
Dans ce roman, il y a naturellement la recherche de bourreaux-assassins. Pas de crime par accident, ni même avec préméditation et acharnement, mais de la destruction de l'être humain avec la sauvagerie inspirée par la folie destructrice. L'enquête entraîne le lecteur dans les sombres profondeurs du Darknet et le marché parallèle illégal où certains esprits dérangés n'accordent aucune valeur à l'être humain, sinon à celle, marchande, de certaines parties du corps recherchées par d'autres cinglés pervers. J'ai éprouvé un sentiment de déjà lu, chez un autre auteur, mais pourquoi pas ? Ce style de détraqués existe, il peut être exploité par tous les écrivains qui s'intéressent à ce genre de déviance étouffante.
En marge de l'aspect policier, l'auteur pose le problème juridique et humaniste d'un "corps-réservoir", sujet sur lequel chacun peut avoir son opinion. Dans "
La Faille", sans doute par facilité, puisque le sujet n'est pas vraiment là, grâce à l'orientation du récit, le lecteur découvre assez vite les mauvaises intentions sous-jacentes qui animent l'une des deux parties le poussant irrémédiablement dans le "camp" adverse. Pas très subtil, mais efficace.
Personnellement, je classe "
La Faille" dans la catégorie des bons thrillers, noirs et glauques comme sait les écrire
Thilliez, agrémenté d'une pointe de mysticisme. Par contre, je suis un peu déçue de voir que la situation de mère de famille d'Henebelle la relègue à un simple rôle de faire-valoir. Je préfère penser que ce contexte est induit par un souci de protection plutôt que de mise à l'écart d'une femme qui a déjà prouvé sa valeur dans d'autres tomes de la série. Hormis cette injustice, j'ai été heureuse d'avoir renoué avec
Sharko et sa fidèle équipe, toujours aussi malmenés par leur créateur.