Un
Thilliez toujours aussi bon, mais qui change du schéma habituel et moins reconnaissable au premier coup d'oeil. Parfois un peu confus, mais dans l'ensemble très intéressant. Un scénario labyrinthique à la Shutter Island: bien joué, même si le thème des découvertes sur la mémoire commence à se répandre comme une trainée de poudre. Ca m'a aussi fait penser à une version moderne des "
Dix petits nègres" d'
Agatha Christie.
J'ai apprécié la découverte du milieu des JRA (Jeux en Réalité Alternée), que je ne connaissais pas du tout. Ce concept ouvre des possibilités énormes, qui ont été ici plutôt bien exploitées. C'est un jeu de piste pour nous aussi. On sent qu'il y a un lien entre Ilian, le refuge, le tournevis orange et Lucas Chardon, mais lequel? Nous ferons des suppositions tout au long d'un récit émaillé de beaux revirements de situation.
Ici, on est beaucoup + dans un suspense psychologique que dans un thriller classique, même s'il est aussi question de meurtres. L'intrigue principale réside dans la mémoire d'Ilian Dedisset: personnage aux multiples facettes et complètement à l'ouest, mais qu'on a pourtant envie d'épauler. A l'inverse de Chloé, qui ne m'a guère inspiré de sympathie.
L'auteur retranscrit à merveille une paranoïa qui imprègne chaque ligne du livre. Cette sensation d'être dos au mur et que le sort s'acharne, l'impression (fictive ou non ) d'être manipulé. L'ambiance glauque de ce huis-clos dans un hôpital psychiatrique désaffecté m'a rappelé le jeu vidéo Silent Hill. L'oppression et l'angoisse que j'avais éprouvées à l'ouverture de chaque nouvelle porte.
L'histoire des parents d'Ilan, mise en avant sur la 4ème de couverture, est au final plutôt secondaire, l'accent étant mis sur le JRA. Et c'est temps mieux car le filon des découvertes révolutionnaires sur les arcanes de la mémoire a déjà été suffisamment exploité à mon goût. On retrouve des éléments similaires d'un livre de
Franck Thilliez à l'autre: la CIA, l'expérience de Milgram, le projet Mkultra. On sent que ça le passionne, mais ça finit par devenir redondant. Attention à ne pas tourner en rond et à s'inspirer d'idées nouvelles.
Au final, c'est un très bon livre mais on pourrait dire que trop de rebondissements tue le rebondissement. En effet à la fin, l'auteur retourne l'histoire comme un gant et c'est à la limite de la cohérence, un peu tiré par les cheveux. Mais en admettant la crédibilité de cette version, c'est un final plutôt original, bravo!