Ce tome contient les épisodes 43 à 51 parus en 1974/1975. Il fait suite à The curse of the golden skull and other stories (épisodes 35 à 42). Tous les scénarios sont de Roy Thomas, et les dessins de
John Buscema, complétés et encrés par Ernie Cha (ex Chuan, épisode 43), le studio de
Neal Adams (épisodes 44 & 45), Joe Sinott (épisode 46), Dan Adkins (épisode 47) et Dick Giordano (48 à 51).
Épisodes 43 & 44 (d'après une histoire de David A. English) - Conan et Red Sonja (Son-ya) se retrouvent dans une vallée perdue difficile d'accès, prisonniers de 2 vampires qui souhaitent les utiliser pour renouveler leur stock de sang.
Épisode 45 - Conan se lie d'amitié avec un chanteur en quête de ses origines.
Épisodes 46 à 51 (d'après une histoire de
Gardner Fox) - Dans un désert très inhospitalier, Conan est secouru par un magicien appelé Merdoramon. Ce dernier le charge, moyennant rétribution sonnante et trébuchante, de porter une amulette protectrice à Themas Herklar (souverain de la ville-état voisine) qui en est venu à craindre les 2 sorciers qui le protègent. Mais avant de pouvoir mener à bien sa mission, Conan va rencontrer Stefanya (dont la vie dépend de la survie de Zoqquanor, un sorcier qui l'a éduquée), il va devoir lutter contre un géant de pierre (Shoffoth), et démêler un complot s'étendant sur 2 générations.
Roy Thomas poursuit sa chevauchée fantastique avec Conan. Il explique dans la postface qu'il a prévu les déplacements de Conan sur plusieurs épisodes pour coller avec la chronologie existante du personnage (en partie bâtie par
Robert Ervin Howard). Toutefois la nature ouverte de la série illimitée de Conan lui permet d'intégrer autant de digressions qu'il le souhaite entre 2 adaptations des romans et nouvelles d'Howard. C'est la raison pour laquelle il n'hésite pas à transposer des histoires d'écrivain d'heroic fantasy qu'il a lues et qu'il admire dans l'univers de Conan.
La première histoire donne son vêtement le plus célèbre à Red Sonja (personnage créé par Roy Thomas) : son bikini en cotte de mailles (ça doit quand même être douloureux à porter). Avec le pagne en peau de bête de Conan, c'est le seul élément qui évoque de loin les superhéros : le principe d'un costume toujours identique qui confère une identité visuelle plus forte au personnage. Pour le reste, le lecteur plonge dans un univers approximativement moyenâgeux, avec des barbares munis d'épées et des créatures fantastiques à tire-larigot.
Dans ces histoires, le lecteur trouve ce qu'il attend de Conan : des grands coups d'épées, une force surhumaine, des jeunes femmes (en anglais "wench") accortes, des sorciers méchants, des monstres affreux et des hommes de main cupides et bêtes, des actes de bravoures sidérants, et une capacité surhumaine à se dépasser.
Roy Thomas a allégé ses cases de texte par rapport aux premiers épisodes. Il n'utilise pas de bulles de pensée, mais les dialogues restent encore volumineux. À la lecture, il apparaît même que les dialogues portent une part conséquente de l'ambiance et même des actions effectuées. La narration en est alourdie d'autant, mais le résultat reste lisible. Pour comprendre cet état de fait (importance primordiale des dialogues et des textes), il faut se rappeler qu'à l'époque de la publication de ces épisodes, l'autorité d'autocensure des comics était encore bien vivante : le comics code authority (CCA en abrégé). du coup Thomas doit user de stratagème insidieux pour pouvoir insérer des passages parlant à des lecteurs un peu plus âgés, sans que la parution du comics soit stoppée. Malgré des illustrations très chastes, Roy Thomas glisse 2 ou 3 moments incroyables pour l'époque. Par exemple, des geôliers de Conan le destinent à servir d'étalon reproducteur parmi leur cheptel féminin dégénéré, et ça passe ! Deuxième exemple, ce tome narre le dépucelage de Conan à 15 ans. Avec le recul il est difficile de croire que le CCA ait pu laisser passer ça. Ces moments, avec le niveau de violence élevé (mais pas très graphique) et l'histoire ambitieuse de
Gardner F. Fox, transforme un comics des années 1970, en un récit finalement prenant, mais il reste un peu empesé du fait des dialogues.
Cotés dessins,
John Buscema dessine rapidement, mais pas trop car les décors conservent un niveau de détails satisfaisant. Il est aidé par des encreurs compétents qui savent conserver la sauvagerie de Conan (sauf Joe Sinnott qui arrondit un peu trop les contours, infantilisant ainsi les dessins). En particulier les épisodes encrés par le studio de
Neal Adams renforcent la rugosité du monde de Conan et l'intensité de son regard avec un encrage un peu plus soutenu. Dick Giordano s'avère également très adapté à cette série. Enfin les couleurs ont été refaites à l'infographie et elles ajoutent du volume à chaque forme, sans écraser les dessins. Il s'agit d'une vraie amélioration (mis à part que les coloristes s'ingénient à donner un aspect brillant à tout ce qui passe, même des ruines).
John Buscema baigne dans son élément naturel et ses dessins transportent le lecteur dans un monde imaginaire assez riche, aux cotés d'un héros fougueux, brutal et massif. Buscema lui donne une carrure de colosse, une musculature de fort des Halles et une mâchoire carrée traduisant sa détermination. Roy Thomas écrit des moments de bravoure magnifique, et Buscema prouve avec aisance qu'il peut faire croire à la souffrance de Conan attaché sur le sol les membres écartés, prêt à être mangé par les rats. de la même manière quand Conan mobilise toute son énergie sous l'emprise de la fureur, le lecteur croit à cette force décuplée par l'adrénaline et la rage. En prime, Buscema porte une attention particulière à chaque costume et chaque décor pour que tous soient uniques. Et les fameuses jeunes femmes sont à croquer (même si elles ont toutes la même forme de visage). Impossible de résister à Stefanya, sa fougue, sa répartie, et en même temps sa vulnérabilité (et son petit haut si révélateur).
Avec ce tome, Roy Thomas et
John Buscema entrent dans la grande époque de la série. Tout est en place, Thomas va piocher des idées de scénarios partout chez les autres, mais les caractéristiques de Conan sont bien présentes dans chaque histoire. Buscema a besoin d'un solide encreur, mais ses dessins comprennent beaucoup plus de détails, d'idées et d'inventivité que bien des séries d'aujourd'hui. Il reste quand même que la narration est souvent pachydermique avec ces dialogues pesants parce qu'obligés de porter une partie disproportionnée de l'histoire. Les rééditions de Conan avec de nouvelles couleurs se poursuivent dans Brothers of the blade and other stories (épisodes 52 à 59).