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sur 523 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Qu'ai-je été fourrer mon nez dans cette Great Red Shark chargée à bloc de toutes les drogues accessibles en l'an de défonce 1971 ( deux sacoches d'herbe, soixante-quinze pastilles de mescaline, cinq feuilles d'acide-buvard, une demi-salière de cocaïne, des remontants, des tranquillisants, des hurlants, des désopilants, un demi-litre d'éther pur et deux douzaines d'ampoules de nitrite d'amyle ) et conduite par deux allumés, deux hallucinés, deux toxicos libertaires émules de Timothy Leary, purs produits du rêve des sixties dans lequel "les tripeurs pouvaient s'offrir pour trois dollars d'acide l'Amour et l'Entente universelle" ?
Une culture héritée de vieux mystiques dont " « la supposition désespérée était que quelqu'un –ou au moins quelque force – entretient la Lumière au bout du tunnel. »
Depuis, beaucoup ont overdosé leurs espoirs et se sont offert le grand voyage... quelques autres ont eu le temps de redescendre.
Donc, nos deux pratiquants de la Culture de l'Acide, nos deux adeptes du reportage gonzo : « le reportage gonzo conjugue la vivacité de plume du reporter confirmé, l'acuité visuelle du photographe de guerre et les couilles du quaterback au moment du lancer », que sont Raoul Duke, journaliste, et son avocat, Dr Gonzo, sont missionnés pour aller faire un reportage sur le Mint 400, une course de buggy à travers le désert de Las Vegas.
Cette virée, cette épopée est le prétexte fou pour enquêter sur le mythe encore plus fou du Rêve Américain... et quelle ville peut symboliser le mieux le Rêve d'Horatio Alger que Vegas ?
Là, on accroche sa ceinture, on se bourre de Dramamine et on se tape un méga grand huit à fond la caisse.
Ils vont réussir en moins de cinq jours à terroriser un gamin qui fait du stop, shooter et violer une gamine fugueuse obsédée par Barbra Streisand qu'elle passe son temps à portraiturer, prendre en otage une vieille femme de chambre venue nettoyer leur chambre d'hôtel, qu'ils ont commencé à saccager, convaincre un flic et un barman qu'ils sont des coupeurs de têtes, tenter de se suicider ( Gonzo totalement défoncé force Duke à lui balancer dans son bain une radio branchée dont il veut écouter la musique à la " Claude François "... sorry pour l'anachronisme ), être invités et participer ( je vous le jure ) au congrès des procureurs « sur les narcotiques et les drogues dangereuses » !
Tout ça après quatre nuits blanches, des tonnes de drogues, d'alcool, de clopes, de médocs, de tas de vomissements incoercibles... avec bien évidemment les crises d'angoisse, de parano, les hallucinations en 3D et j'en passe, inhérentes à ce genre de régime... de nos jours, on dirait d'hygiène de vie...
Une petite parenthèse s'impose : ce ne sont là que quelques-unes de leurs "aventures"...
Road Trip déjanté, livre culte d'une génération, radioscopie d'une certaine Amérique avec sa guerre du Vietnam, ses Nixon, Manson et autres cauchemars, le tout sur fond de rock'n roll à vous en faire péter vos tympans de lecteur ; ça n'arrête pas.
La morale de l'histoire, j'y ai déjà fait illusion.
Pour être soft, on pourrait s'en tirer avec un "les illusions perdues".
Pour finir, j'ai envie de préciser que l'auteur Hunter S. Thompson était un accro aux drogues dures, aux armes à feu et qu'en 2005 il s'est mis une dernière fois la tête à l'envers avec une bastos bien dosée.
À lire ou pas... ça déchire ou on déchire les pages de ce satané bouquin et on les bouffe... au cas où quelques traces d'acide auraient été oubliées ( je plaisante ! )
À voir...

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Relire Hunter S. Thompson des années après ma première incursion dans ce monde de barjots déjantés à l'acide, c'est replonger pour un trip de 300 pages dans le siècle précédent. Avec Las Vegas Parano traduit par Philippe Mikriammos, Thompson nous immerge dans un genre et une époque que les moins de vingt ans, patati, patata... Adeptes des belles histoires, rationnelles et cohérentes, châtiées et soutenues, passez votre chemin !

Les autres, embarquez avec l'auteur himself, ou plutôt son double, Raoul Duke, dans une Chevy Great Red Shark remplie à bloc d'alcools et de drogues (cachets, acides, éther, LSD, amyle, amphets, marijuana, adrénochrome… il ne manque rien) qui seront remplacés après rapide épuisement des substances illicites par 600 bâtons de savon Neutrogena. Et ne cherchez pas à comprendre, c'est juste histoire de planter le décor… Immanquablement flanqué de son avocat le Docteur Gonzo, Duke arrive à Vegas pour couvrir la course de motos Mint 400 puis dans un deuxième temps, la convention annuelle des Procureurs des États-Unis, consacrée, fort à propos, aux méfaits de la drogue.

La suite : un délire déambulatoire entre chambres d'hôtels, bars, salles de jeux, filles et excursions dans le désert du Nevada, au début de ces années 70 où l'Amérique commence à émerger de son fameux rêve qui a guidé tant des siens jusque-là. le désenchantement hippie, le Vietnam, les années Nixon, les armes ou les travers de la religion sont en toile de fond de ce roman bien plus profond que son style direct et décousu peut le laisser paraître, modèle iconique du genre Gonzo qui incarnera durablement ce journalisme de terrain, revendiqué comme hautement subjectif et sulfureux.

À travers cette satire outrancière joliment barrée, Thompson lance Duke et Gonzo sur les traces du Rêve Américain mais malgré cette défonce ininterrompue, la fête est bel et bien terminée. Et en repoussant toujours un peu plus les limites sacrées de la liberté individuelle si chère aux Américains, Duke et Gonzo en frôlent l'absurdité pour mieux la dénoncer.

Las Vegas Parano entre dans ces livres qu'on adore ou que l'on déteste. Moi je prends !
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Hymne baroque à la défonce largement inspiré de la vie d'Hunter Thompson, "Las Vegas parano" nous embarque pour un trip déjanté dans la ville de tous les vices. Un journaliste et un avocat munis d'une valise remplie de drogues vont s'y perdre et tutoyer les frontières de la folie. Ici pas de morale ni de recul par rapport au sujet (la drogue c'est mal), juste un voyage halluciné pied au plancher qui donne le tournis autant qu'il fait marrer. Livre incontournable dans son genre, l'adaptation avec Johnny Depp et Benitio del Toro est également une grande réussite.
A vos risques et périls...

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« Fear and Loathing in Las Vegas » a été écrit par Hunter S. Thompson en 1971. Publié en 1972 aux éditions Paladin en Grande-Bretagne, « Fear and Loathing in Las Vegas » est l'histoire d'une virée sauvage au coeur du rêve américain. Brillamment illustré par Ralph Steadman, dédicacé à Bob Geiger (journaliste américain ayant largement décrit les problèmes de réinsertion des anciens combattants du Vietnam) et à Bob Dylan pour son « Mister Tambourine Man » (une chanson invitant à l'évasion par la drogue), « Fear and Loathing in Las Vegas » a été adapté au cinéma dans un film sorti en 1998, « Las Vegas Parano ». C'est d'ailleurs sous ce titre qu'est connu en France l'ouvrage écrit par Hunter S. Thompson.

L'histoire du livre ? Comme indiqué en 4ème de couverture, « Hunter S. Thompson is driving to Las Vegas with his attorney, the Samoan, to find the dark side of the American dream. Roaring down the desert highway from Los Angeles, they realise there's only one way to go about such a perilous task, getting very, very twisted. Armed with a drug arsenal of stupendous proportions, the duo engage in a manic, surreal tour of the sleaze capital of the world ». Nous sommes dans les années 1970. le lecteur est parachuté dans un casino à Las Vegas, puis dans le désert, dans la poussière, le sable et les cactus, un paysage sans fin et quasi-irréel ; la drogue et la bière faisant leur effet, notre lecteur, comme nos deux héros, se trouve plongé ensuite en pleine hallucination : lézards géants, chauves-souris et autres bestioles traversent son champ de vision. Enfin, en pleine défonce, notre lecteur traverse un cauchemar effrayant et répugnant (d'où le titre du livre), au volant de sa Cadillac blanche décapotable ; tentant de finaliser un reportage sur les 400 miles de Las Vegas - une course de motos aux allures de kermesse populaire - notre lecteur saute de beuverie en beuverie et de prise de drogues en prise de drogues, s'engluant dans un univers désordonné et chaotique dont il ne peut s'évader.

L'intérêt de « Fear and Loathing in Las Vegas » ne réside pas dans la découverte des différentes substances (cannabis, marijuana, LSD, mescaline, amphétamine, éther, adrénochrome, etc.) avalées par nos héros ou par les phases hallucinatoires qu'ils traversent, baignant dans l'alcool (bière, Gold téquila, rhum, cuba libres, Chivas Regal, etc.) qu'ils ingurgitent en grande quantité et à tout bout de champ. le livre se veut une « représentation fidèle d'une époque, d'un endroit et de gens particuliers ». Au-delà de la chronique provocatrice de ce couple de drogués et de l'apologie de leur défonce, le livre est un « flashback » nostalgique et plein de désillusions sur ce que fut le rêve de nombreux hippies américains. Rappelez-vous : dans les années soixante, l'Amérique - en pleine autarcie - est confrontée à de dures réalités, à commencer Nixon et sa guerre du Vietnam, la difficile réinsertion des anciens du Vietnam, la marchandisation croissante des biens et des individus, les excès de la société de consommation, le fric facile et la montée irréversible de la violence. Cette dure réalité s'oppose fortement à l'idée que se faisait chaque Américain selon laquelle toute personne vivant aux États-Unis pouvait, par son travail, son courage et sa détermination, devenir riche, être reconnu et trouver la gloire. Dénonçant ce monde qu'ils exècrent, rejetant les valeurs traditionnelles et le mode de vie légué par leurs parents, les hippies font leur apparition : ils se veulent pacifistes, refusent la guerre et toute forme d'autorité (notamment policière), adoptent des tenues vestimentaires incroyables (voyez les lunettes extravagantes du héros de « Las Vegas Parano »), militent pour une grande liberté sexuelle (jusqu'à essayer de faire dépénaliser le viol ?) et recherchent de nouvelles perceptions sensorielles (n'ont-ils pas absorbé des tranquillisants pour chevaux ?). Mais le mouvement hippie a vécu ! Regardant dans le rétroviseur, ayant mauvaise conscience de son passage comme rebelle dans un univers défoncé qui lui a procuré bien des plaisirs, Hunter S. Thompson, surfant sur une vague moralisatrice et mélancolique, se livre dans « Fear and Loathing in Las Vegas » à une révolte, réelle ou de façade : coincé entre un monde réel - qui envoie le citoyen américain dans le mur et dans lequel l'auteur considère ne plus avoir sa place - et un monde plus attrayant mais imaginaire et qui va disparaître à tout jamais, Hunter S. Thompson déroule pour nous le film cauchemardesque, nauséeux, débraillé, sans queue ni tête, déjanté et outrancier du côté obscur de ce rêve américain. La virée tourne au drame : ce rêve impossible conduira Hunter S. Thompson à se suicider en se tirant une balle dans la tête, à son domicile, au Colorado, en février 2005.

Hunter S. Thompson avait inventé et développé une nouvelle forme de journalisme, le journalisme « gonzo » (en argot irlandais, le « gonzo » est le dernier homme à être encore debout après une nuit entière à boire de l'alcool); cette nouvelle forme de journalisme préférait - en réaction contre la déontologie du journalisme traditionnel – l'enquête ultra-subjective, de 1er jet et lucide : fait de récits à la première personne, de rencontres, de beuveries et de prises de drogues, le produit de ce journalisme de terrain est caractérisé par une plume trempée dans le vitriol, un style surréaliste et un fort engagement politique. Hunter S. Thompson disait d'ailleurs que « le reportage gonzo allie la plume d'un maître-reporter, le talent d'un photographe de renom et les couilles en bronze d'un acteur ».

Avec « Fear and Loathing in Las Vegas », vous disposez d'un exemple frappant de ce journalisme « gonzo ». Jugez plutôt. Les raisons de la virée de nos deux héros ? En page 6 : « We're on our way to Las Vegas to find the American Dream. This is a very ominous assignment-with overtones of extreme personal danger ». Leur démarche ? En page 12 : « The only way to prepare for a trip like this was to dress up like human peacocks and get crazy, the screech off across the desert and cover the story. The only cure is to load up on heinous chemicals and then drive like a bastard from Hollywood to Las Vegas and move out with the music at top volume, and at least a pint of ether ». Pourquoi ne pas couvrir la course de motos en faisant du journalisme ordinaire ? En page 39 : « This idea was absurd : It was like trying to keep track of a swimming meet in an Olympic-sized pool filled with talcum powder instead of water ». du gros délire ? En page 154 : « The guy said: Those tires want 28 in the front and 32 in the rear. Hell, 50's dangerous, but 75 is crazy. They'll explode! I replied: I want to see how they corner with 75. He chuckled. You won't even get to the corner, Mister. We'll see, I said ». Des incidents pendant leur virée ? En page 13, le loueur de voiture leur fait observer: « You just backed over that two foot concrete abutment and you didn't even slow down! Forty-five in reverse! And you barely missed the pump! ». Et que fait la police ? En page 14 : « Cops are good vicious Catholics. Can you imagine what those bastards would do to us if we got busted all drugged-up and drunk in stolen vestments? Jesus, they'd castrate us! ». Les hallucinations de nos deux héros ? En page 24 : « Terrible things were happening all around us. Right next to me a huge reptile was gnawing on a woman's neck, the carpet was a blood-soaked sponge, and lizards were moving around in this muck ». En page 85 : « Jesus, bad waves of paranoia, madness, fear and loathing-intolerable vibrations in this place ». En page 133 : « I couldn't move. Total paralysis now. Every muscle in my body was contracted. I couldn't even move my eyeballs, much less turn my head or talk. I needed artificial respiration, but I couldn't open my mouth to say so. I was going to die ». de la violence ? En page 146 : « What did they do to her? Jesus Christ man. They chopped her goddam head off right there in the parking lot! Then they cut all kinds of holes in her and sucked out the blood! ». Une certaine idée de la femme ? En page 118 : « First you kidnap the girl, then you rape her, and now you want to have her locked up! He shrugged. It just occurred to me that she has no witnesses. Anything she says about us is completely worthless ». de l'engagement politique ? En page 74 : « Muhammad Ali had been sentenced to five years in prison for refusing to kill « lopes ». « I ain't got nothin' against them Viet Congs, he said ».

Arrivé au terme de ma lecture, je suis groggy et un rien songeur. Sous une apparence amusante, déboutonnée, folle, obscène et corrosive, « Fear and Loathing in Las Vegas » est probablement un témoignage psychédélique, engagé et désespéré sur ce que fut l'expérience de gens qui croyaient au rêve Américain. Et Hunter S. Thompson était de ceux-là ! A lire, à moins que vous ne supportiez pas la vulgarité, l'alcool, les drogues et les excès de toutes sortes …
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Le film réalisé par T. Gilliam en 1998 a popularisé cet oeuvre publiée bien avant (en 1971), voire l'a vampirisé tant la performance des acteurs est magistrale.
Revenir sur le texte –inclassable-, où l'on ne sait plus si l'auteur est le narrateur/acteur ou si tout a été écrit par l'auteur, Hunter S. Thompson, depuis sa chambre, sous influence. Une parfaite illustration, d'après les critiques, du mouvement du journalisme gonzo (qui ne prétend pas à l'objectivité et où le journaliste est un protagoniste du reportage qu'il écrit à la première personne, cf wikipedia).
En substance, Las Vegas parano, ce sont les aventures fictives de Raoul Duke et de son avocat, le Dr Gonzo, lors d'un voyage hallucinatoire à Las Vegas pour couvrir une course de motos dans le désert.
Elles sont écrites dans un style extrêmement audacieux, provocateur avec des descriptions extravagantes, des métaphores puissantes et des monologues intérieurs, qui créent une ambiance étrange et déjantée tout au long de l'histoire, prétexte à une description, voire une dénonciation de la fin du rêve américain hippie des années 60 et de l'entrée dans « l'âge sombre » symbolisé par cette ville de Las Vegas, personnalisation complète du capitalisme stupide de l'époque, comme pourrait l'être Dubaï, aujourd'hui.
En filigrane, la guerre du Viet-Nam est un autre symbole de la fin de ce rêve : l'american dream de l'après-guerre devient un cauchemar qui a du sang sur les doigts, vendu par Hollywood comme un paquet de lessive.
Le roman est riche, il explore divers thèmes : la drogue bien sûr, mais surtout l'obsession du pouvoir, la quête de liberté, la décadence de la société occidentale.
Entendons-nous bien, il ne s'agit pas ici de la décadence au sens « droite des valeurs » mais la critique de l'idéal américain au sens de H. S. Thompson, c'est-à-dire une société du calcul, du profit, qui enferme ses individus dans des aspirations bassement matérielles, sous contrôle d'une morale télévisée par une religiosité d'état.
L'absurdité de Las Vegas : on se divertit en perdant de l'argent tout en croyant pouvoir en gagner facilement – le serpent qui se mord la queue.
L'utilisation massif de drogue (rôle central dans l'expérience hallucinatoire qui crée leur voyage virtuel) et l'inadéquation sociale qui en découle est pour l'auteur un moyen de libération parodique et le prétexte pour décrire les actions de marginaux, losers magnifiques du système, dont ils se moquent. La réalité se mue en une série d'évènements surréalistes.
C'est très drôle. Beaucoup plus fin dans son cynisme que ne laisse présager la 4ème de couverture.
Je le recommande… pour compléter l'expérience du film.
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Fear and Loathing in Las Vegas: A Savage Journey to the Heart of the American Dream
Traduction : Philippe Mikkriamos

Publié pour la première fois sous forme de "feuilleton" dans "Rolling Stone" et tout au long du mois de novembre 1971, "Las Vegas Parano" est le récit fou, fou, fou de la virée à Las Vegas de deux hommes, le journaliste Raoul Duke, nom d'emprunt de Hunter S. Thompson, et son avocat, Oscar Zeta Acosta, rebaptisé pour la circonstance "Docteur Gonzo." Si l'identité réelle de Thompson est citée dans le livre, jamais on n'évoque celle d'Acosta, lequel est appelé à demeurer à jamais le Dr Gonzo, en tous cas pour les adeptes du romancier américain.

A l'origine, ce voyage mouvementé vers Las Vegas et le séjour qu'y font nos anti-héros ont pour but de couvrir la Mint 400, fameuse course qui se déroule dans le désert et qui, jusqu'en 1977, était ouverte exclusivement aux véhicules à deux roues. (De nos jours, les quatre-roues de tous types, ou presque, sont admis.) En d'autres termes, tout est réglé, et confortablement réglé, par un journal dont on est en droit de supposer qu'il s'agit de "Rolling Stone". Par la suite, abandonnant la course de motos et ses bikers, Duke et Dr Gonzo sont assaillis par l'impérieux besoin de couvrir une Convention de procureurs venus débattre à Vegas des mille-et-un dangers représentés par la drogue et plus encore par ceux qui en consomment.

Quand vous saurez que Raoul Duke, comme le Dr Gonzo, est chargé à bloc d'alcools forts, d'amphétamines, de mescaline, de coke, de nitrite d'amyle (ou poppers, si vous préférez) et même d'éther et d'extraits d'hypophyse humaine (!!!) et qu'il remet ça dès qu'il sent sa forme faiblir, vous comprendrez toute l'ironie de pareille participation à une si honnête Convention ...

Ceux qui s'imagineraient trouver ici une glorification des drogues et de leur consommation seront déçus : les hallucinations hideuses, comportements violents et inadaptés ainsi que les phénomènes divers observés tant chez Duke que chez le Dr Gonzo - chez celui-ci surtout, d'ailleurs - et fidèlement rapportés par un Hunter S. Thompson qui, on ne sait trop comment, réussit à préserver tout au fond de son cerveau la part de lucidité qui lui permettra de mener à terme ses articles, incitent plutôt le lecteur à vider dans ses toilettes tout produit un tant soit peu addictif, de l'innocente tablette de chocolat jusqu'aux flacons de Valium, avant de rayer définitivement de son vocabulaire le mot "drogue" et tout terme s'y rapportant.*

Dans ce tourbillon d'explosions psychédéliques qui métamorphosent le monde réel en le distordant à l'extrême, quand elles n'ouvrent pas les fameuses portes de la perception dont parlait Huxley sur des Angoisses épouvantables, insupportables, terrifiantes, il y a, en définitive, très peu de joie pure. Duke et Dr Gonzo se défoncent la tête, c'est là en fait leur seule joie - et elle est de nature sado-masochiste. Thompson ne l'exprime pas ainsi mais leur quête dans le dépassement de leurs limites physiques et mentales les a avant tout rendus accros à ces jouissances glauques et auto-destructrices qu'on trouve dans la douleur qu'on s'inflige de son propre chef. Et si c'est tel est le prix de leur quête, alors, il doit en être ainsi pour tous ceux qui se sont égarés dans la même voie.

Analyse lucide - eh ! oui, lu-ci-de ! - d'une époque en pleine mutation et du mal de vivre de ses contemporains, "Las Vegas Parano" est un récit brillant, drôlatique et féroce. A ne conseiller cependant qu'aux inconditionnels de Hunter S. Thompson et aux amateurs de second degré. Les autres feraient mieux de passer au large car tout ce qu'il y a ici de technique ébouriffante, de jubilation acide et aussi, malgré tout, de compassion pour l'Etre humain, risque fort de leur échapper.

* : Bon, d'accord, il y aura toujours des fêlés pour tomber en admiration devant l'attirail de drogues pas possible exhibé par nos deux compères. Mais il est impossible que, tout fêlés qu'ils soient, ils ne se rendent pas compte que la douleur - et elle seule - une douleur que Thompson décrit comme flamboyante, intense, corrosive, est toujours au rendez-vous. Cela observé, chacun détruit son cerveau comme il l'entend ... ;o)
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Hunter S. Thompson, je l'admire depuis que j'ai dévoré Gonzo Highway, un recueil de la correspondance de l'écrivain américain fervent pratiquant du journalisme gonzo. Ce type de journalisme, pour l'expliquer brièvement, est particulier dans le sens où il est ultra subjectif : le journaliste fait partie intégrante du reportage et considère que l'objectivité est un mythe. Par conséquent, les récits issus des reportages sont quasi de type fictionnel : inutile de tenter d'être objectif si l'objectivité n'existe pas. Si, à la manière de Thompson, le journaliste est justement sous l'emprise de drogues diverses, la réalité peut prendre alors une forme très particulière à travers les yeux du reporter, et aboutir à cette espèce de road-trip hallucinatoire que constitue Las Vegas Parano.

Bref, je ne veux pas pondre une note sur le journalisme gonzo, je maîtrise de toute façon trop mal le sujet, mais vous partager mes impressions sur cet ouvrage ouvrage de Thompson paru en 1972 aux Etats-Unis sous le titre original de Fear and Loathing in Las Vegas: a Savage Journey to the Heart of the American Dream (que l'on peut traduire par Peur et Dégoût à Las Vegas : un Parcours Sauvage au coeur du Rêve Américain). Thompson tente d'y raconter le plus fidèlement possible la période passée par lui-même (sous le surnom de Raoul Duke) et son avocat, Oscar Zeta Acosta (dit Dr Gonzo), à Las Vegas. Objectif avoué : trouver le Rêve Américain. Tout un programme.

Pour faire court, ce Fear and Loathing est le récit, raconté sous l'influence de la prise quasi constante de drogues diverses (de mémoire : mescaline, LSD, éther, alcool, marijuana, etc, etc), de ce qui à l'origine devait être la simple couverture d'une course de motos située en plein désert aux alentours de Las Vegas. Les péripéties autour de cette course, le Mint 400, constituent la première partie de l'ouvrage (la course en question n'est qu'un prétexte pour d'autres expériences impliquant notamment une baignoire, des pamplemousses ou encore un casino), tandis que la deuxième a un côté encore plus épicé car elle consiste en la couverture de la « convention nationale des procureurs sur les narcotiques et drogues dangereuses », ce qui ne manque pas de piquant. Prenez deux minutes pour tenter d'imaginer le risque pris par deux cinglés roulant dans une voiture de luxe louée à crédit dont le coffre est bourré de stupéfiants en tout genre lorsque qu'ils pénètrent dans un hôtel rempli à ras-bord de policiers dont l'objectif est d'éradiquer la drogue de l'Amérique : plutôt corsé n'est-ce pas ?

J'ai retrouvé dans Las Vegas Parano les mêmes thèmes que dans Gonzo Highway, avec comme toile de fond une espèce de dégoût profond de l'Amérique de Nixon et de la guerre du Vietnam, dont le récit constitue finalement une critique au vitriol, et une forme de nostalgie du début des sixties. Je ne peux pas prétendre avoir tout compris, j'ai eu à la lecture du roman une espèce d'impression constante d'irréalité, tout simplement parce-que je ne suis ni américain, ni sous l'emprise permanente de drogues, ni issu de l'époque en question, et encore moins spécialiste de la « culture de l'acide », je n'ai donc pu qu'au mieux tenter de comprendre ce que Thompson relate. L'impression d'irréalité est accentuée par le fait que les deux protagonistes semblent pouvoir tout se permettre et jouir d'une liberté totale, laquelle semble se payer par une sérieuse paranoïa soulignée selon les drogues utilisées.

Toujours est-il que le Las Vegas de Thompson m'évoque plus un cauchemar américain qu'un quelconque rêve. Est-ce que cela m'a dérangé ? Pas du tout ! J'avais adoré le style d'écriture de Thompson dans Gonzo Highway, je m'en suis régalé dans Fear and Loathing in Las Vegas. Pour conclure, il y a vraiment quelque-chose de jouissif dans cette manière d'écrire. Cela provient peut-être du fait que l'auteur ne prend pas de gants, il ne cherche pas à nous balader mais simplement à nous raconter les faits, ses faits tel que lui-même les perçoit ou les provoque, en se contrefichant puissamment de notre avis ou de celui qui éditera son récit.
Lien : http://nonivuniconnu.be/?p=611
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Un journaliste est envoyé à Las Vegas pour couvrir un évènement sportif à Las Vegas. Il emmène avec lui un ami, et de quoi tenir le coup pendant ces quelques jours : de l'herbe, de l'acide, de la cocaïne, de l'éther, de la mescaline, du poppers, du rhum, et bien d'autres substances.

Jamais pendant le voyage ils ne remettront les pieds sur terre : on a droit à un enchaînement de poursuites sur l'autoroute, de délires hallucinatoires, de crises de paranoïa, de chambres d'hôtel détruites, de comportements suicidaires, ...

On ressort un peu désorienté et nauséeux de cette lecture. Les ressentis et les raisonnements loufoques des deux hommes, sont, curieusement, très bien décrits. À découvrir !
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1971. Alors que la guerre fait rage au Vietnam, le phénomène psychédélique du LSD s'empare des Etats-Unis. Journaliste sportif, Hunter S. Thompson alias Raoul Duke, est dépêché par sa direction à Las Vegas pour couvrir l'un des plus grands événements de l'année : le fameux Mint 400. Accompagné du Docteur Gonzo (son avocat), le voilà lancé dans une course effrénée au volant d'une Great Red Shark bourrée de drogues en tous genres. Ensuite envoyé à la Conférence Nationale des Procureurs sur Narcotiques et Drogues dangeureuses, Duke doit retourner à Vegas pour rédiger un papier après une fuite rocambolesque...


Histoire d'une épopée complètement déjantée, ce texte, largement autobiographique, est à l'image de son époque. Une époque faite de rêves éveillés où les gens croient encore à l'American dream. Ainsi drogués jusqu'à la moelle, nos deux héros évoluent de "flashs" en scandales dans un parcours semé de chauves-souris, lézards et autres drôleries. Fou-rires, paranoïa ou crises d'angoisse, nos compères découvrent au fil de leur trip, une Amérique délirante : nous entraînant dans des casinos ultra-modernes en forme de cirque ou de cirque en forme de casino, le duo nous fait vivre les journées les plus folles et inimaginables qui soient. Les répliques sont aussi absurdes que cinglantes et on découvre avec plaisir le journalisme gonzo aux accents indubitablement provocateurs.


Fidèlement adapté à l'écran par Terry Gilliam, Las Vegas Parano symbolise parfaitement le règne d'une époque révolue. de cette folle aventure certes dangeureuse mais extrêmement excitante, on aimerait en avoir vécu le quart. Malheureusement, à chaque époque ses rêveries. La notre ne s'y prête pas et c'est avec un peu d'envie que j'ai partagé cette expérience gonzo. Nombreux sont ceux qui se sont essayés au style. Peu ont su égaler l'excentricité et la spontanéité "ultra-subjective" de Hunter. Lire donc ce livre plus de trente cinq après les faits n'enlève rien à son charme. Au contraire, quel bel hommage à la liberté ! A lire donc pour les nostalgiques des années 1970 où tout était encore possible, même être payé à dire ce que l'on pense et faire ce que l'on veut...
Lien : http://livresacentalheure-al..
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Serait-il possible que ce livre fasse l'apologie des drogues ? Il nous faudra bien envisager cette possibilité... à moins que ce ne soit une campagne de propagande Maccarthyste ? Ou un florilège des activités balnéaires envisageables à Las Vegas ? Comment savoir. En tout cas, un drôle de guide touristique où il est à peine question de jeu d'argent (ouf, la morale est sauve).
On appréciera la décontraction du tour operator, Mister Duke, et de son acolyte, doctor Gonzo, ainsi que la variété des situations sans jamais perdre de vue l'objet d'étude initiale : une course automobile dans le désert a-t-elle le moindre intérêt ? On regrettera le placement de produits outrancier concernant les savons Neutrogena et la chambre agricole des producteurs de pamplemousses, sinon j'ai beaucoup aimé ce fichu bouquin.
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