Gil Jourdan, tome 3 : La Voiture immergée

Une excellente enquête de Gil Jourdan, pleine de rebondissements, le découpage scénaristique nous tenant en haleine jusqu'au bout.
Un meurtre très original par son arme du crime...
A conseiller.

Après avoir lu ou relu quelques épisodes de Ric Hochet (Tibet & Duchateau) ou de Sammy (Berck & Cauvin), je me replonge dans les Gil Jourdan que j'ai toujours appréciés, et le constat est sévère pour les deux autres séries précitées : Gil Jourdan, c'est d'un niveau bien au dessus.
C'est une série policière qui paraissait dans le journal Spirou dans les années 60 et 70. On retrouve le style classique de l'École de Marcinelle, Maurice Tillieux en est un des piliers aux côtés de Franquin, Roba, Peyo...
Il y a tous les ingrédients d'une bonne série policière : quelques bonnes idées originales pour rendre ce scénario haletant, comme la passe découverte à marée basse pour se rendre sur une île, digne de l'Île Noire de Tintin, et d'autres idées plus classiques : un trafic d'antiquités et un héritage sont au coeur d' l'intrigue. On se retrouve dans de vieux bistrots “formica” des années 60 avec au passage une publicité pour Martini dans une publication jeunesse ! Beaucoup d'humour, servi par le personnage de Libellule, apporte une ambiance de polar à la Michel Audiard. Certaines répliques sont franchement bien trouvées, calembours et sarcasmes, dans toutes les pages, et assez peu de burlesque, quand à la lourdeur, l'auteur la laisse à la seule responsabilité de son personnage de Libellule et semble même parfois s'en désolidariser. C'est pour moi, un des meilleurs épisode de la série.

Qu'est-ce qui a amené l'antiquaire Zix à venir jusqu'à la tour du joyeux chevalier ? Pourquoi est-il mort sur le Pas-de-Malin, ce passage du gois breton que la marée furieuse recouvre ? Pour répondre à ces questions, Gil Jourdan est engagé par le neveu de la victime. L'art et ses contrefaçons sont au coeur de l'énigme que Gil Jourdan doit résoudre, cependant que certaines personnes mal intentionnées ont dans l'idée d'empêcher toute résolution de ladite enquête.

Autour de Gil Jourdan, Libellule s'agite toujours et Crouton est désormais un allié. Les joutes verbales entre Libellule et Crouton sont à la fois drôles et confèrent au récit une certaine intensité qui tend, dans certaines scènes, au dramatique (ainsi lorsque les trois compères se retrouvent bloqués sur le Pas-du-Malin). le mystère se découvre peu à peu, dans une ambiance remarquablement maîtrisée par Maurice Tillieux, lequel est très à l'aise dans tous les décors : bureaux parisiens, mer au crépuscule, château abandonné ...

Tout, dans cet album, est superbement maîtrisé : narration, rythme, dessins, couleurs. Avec ses clients comme avec ses lecteurs, Gil Jourdan ne déçoit pas.

Voilà un album lu et relu et qui agit toujours sur moi comme les madeleines sur Proust... me replongeant dans mon enfance. On retrouve tous les éléments qui font la marque de fabrique de la série. En entrée de jeu on a la disparition d'un homme, dont la voiture est rattrapée par la marée (qui remonte à la vitesse d'un cheval au galop, comme au Mont St-Michel) puis on enchaîne sur le professionnalisme de Jourdan face à un client, et sur l'opposition machiste entre Libellule et Queue-de-cerise.

Le clou de l'album se produit quand Jourdan, Libellule et Crouton sont à leur tour victime de cette marée qui envahit la drève à toute vitesse. Malgré mes nombreuses lectures, je tremble encore à chaque fois.

Un album quasiment sans faute, on sent l'emprunt au roman noir américain dans les rouages et le développement de l'enquête. Seul bémol, le coupable est facile à deviner... la seule personne qui ait menti est fatalement coupable, n'est-ce pas?