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Citations sur Jacques à la guerre (62)

Ils nous remerciaient à chaque bouchée avalée, ils nous racontaient la furie allemande, les obus, les trains, les avions, le désespoir qui fait faire des choses pas belles, qui incite à fermer les yeux sur d'autres misères parce que si on regarde on s'arrête et si on arrête on est foutu alors on regarde pas
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J'avais l'impression que ces réfugiés tournaient en rond dans la ville comme des damnés. Nous mangions de bonnes choses dans la salle à manger du rez-de-chaussée mais nos têtes étaient tournées sur le boulevard. "C'est-y pas malheureux", "les pauvres gens"... je ne sais pas laquelle de ces expressions prononcées une énième fois par ma mère a fait lever mon père d'un coup d'un seul, mais toujours est-il qu'il se retrouva debout le regard fermé, ses yeux fixant une chose qui ne nous concernait plus.
- On ne va pas rester là sans rien faire ! [...] J'ai profité de sa sortie pour me lever, ma mère m'ordonna de rester à ma place. Soudain, cette tenue blanche de communion m'était devenue indécente. Il suffisait d'allonger le cou pour voir qu'il y avait sur notre boulevard de quoi faire le bien, tendre une main, soulager des peines, étancher des soifs et serrer des peurs inconnues contre nos propres peurs ; il y avait là, dehors, à un bout de cierge, de quoi mettre en pratique tout ce que le père Lamuel nous expliquait d'une voix calme et gourmande.
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On a mangé en regardant les voitures de réfugiés sur le boulevard. Des Belges, plein de Belges qui ne savaient plus où aller, tout un peuple battu par la guerre comme des volets ne tenant que sur un gond. Une myriade d'yeux perdus, d'angoisses au ventre se bousculait devant notre confort. Ma peur à moi avait un toit, une famille, un lit le soir, des volets qui se tiennent et une porte qui ferme à clef ; leur peur à eux n'avait que des semelles et des roues, l'espérance d'une porte qui s'ouvre, d'une main qui aide et d'un mouvement de lèvres qui fait lever un rapide sourire de commisération.
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Plus rien n'avait de sens, les stratégies volaient en éclats, le réel devenait sidérant.
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Les premiers flocons tombaient et ces flocons participaient à l'irréalité de ce qui survenait. Je marchais vite mais ne sentais rien, ni le froid ni le bruit de mes pas sur les trottoirs. Ma tête devenait pointue et dure, j'avais l'impression de fendre l'air comme une étrave de bateau, je coupais la ville en deux, une part pour chaque côté de mon visage avec entre les deux le vide de mes pensées pour sillage.
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Mais il existe des jours bénis de la vie qui vous annoncent des catastrophes, des salauds de jours pleins de joies étouffantes. Des jours où c'est tellement hors du commun ce que vous vivez, où vous vous sentez tellement chanceux que vous êtes certain de le payer cher et sous peu, sûr que la vie met les petits plats dans les grands avant de livrer la grosse tuile. Parce que la vie c'est comme les gens : quand elle en fait trop faut se méfier, ça ne sent pas bon.
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les types rentraient d’un côté du lycée, blessés et en guenilles, puis ressortaient à l’autre bout en fanfare, réparés, pansés, avec uniformes neufs et armes astiquées à la bretelle. C’est fou les hommes : tu mets un peu de musique ronflante et tapante dans leur poitrine, du matériel flatteur entre leurs mains, et ils repartent tête redressée, prêts pour la grande dézinguerie.
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J’admire quand même le courage des gars sur le terrain : il faut aimer, tous les jours, faire la soustraction entre les ordres qui paraissent logiques sur une carte d’état-major avec les petits drapeaux et la réalité quotidienne de cette guerre imprévisible. Le résultat de la soustraction a un nom : il s’appelle le courage au feu.
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On s’accroche toujours à quelque chose, même engoncé dans un fauteuil articulé, même reclus dans un corps qui prend l’eau de toutes parts. Tant que j’étais chez moi, avec ma femme, j’avais envie de continuer et cette envie-là me faisait encore espérer un matin de plus, une visite, un repas, un apéro supplémentaires. On espère l’été prochain puis l’automne qui suit, et tant qu’on y est un autre Noël et une bise du jour de l’an. Mais une fois qu’on a remplacé le gros sablier de la vie par le petit qui sert à cuire les œufs durs, tous ces rendez-vous, ces fragiles espérances s’évaporent d’un coup.
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Je les regarde tous, mes pupilles ont le gosier ouvert, quelques rasades encore ; même si j’ai battu tous les records de longévité paternelle de cette famille, je serais bien resté encore un peu auprès de ma femme. Mais mon corps prend l’eau à quelques encablures d’un arrière-petit-enfant qui va naître. Pas de tristesse, ça ne sert à rien, c’est comme ça de toute façon.
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