Je découvre Karin Tuil avec ce livre chaudement recommandé par une amie. le ton, le contenu , l'émotion qui traversent ces lignes m'ont enchantée et fait entrer dans un monde inconnu : celui de la magistrature, notamment par le quotidien d'une juge d'instruction antiterroriste.
Elle s'appelle Alma, n'en finit pas de tenter d'en finir avec une union qui ne fonctionne plus et se croit lancée dans une vie nouvelle par grâce à un amour naissant. Celui qui la pousse irrésistiblement dans les bras d'un avocat.
Le souci, c'est qu'elle n'a aucun droit à cet amour. A moins de se retirer du cas Abdeljahil Kacem, emprisonné depuis son retour de Syrie où il s'était installé avec sa femme, désireux de vivre sa foi en terre musulmane.
Faut-il garder Kacem en prison, au mépris de la présomption d'innocence ? le procès d'intention serait-il admis dans notre pays ?
Faut-il le mettre hors d'état de nuire, au cas où il se serait radicalisé et serait prêt à commettre un ou plusieurs attentats ? Et l'envoyer en prison où, c'est à peu près certain, il rencontrera des détenus qui le radicaliseront ?
Bien sûr que l'avocat du détenu veut obtenir sa libération. Et cet avocat n'est autre que l'amant d'Alma. Alors ? La loi n'admet pas de tels conflits d'intérêt, la juge devrait se désister, ou bien l'avocat devrait abandonner son client.
Que faire ? Que choisir ? Entre devoir et passion, le choix est inhumain. Chez
Corneille, ce serait vite réglé, fût-ce au prix du désespoir et probablement de la mort.
Mais nous sommes au 21ème siècle, et Alma, comme le jeune avocat, ne résistent pas à leur amour. Et estiment qu'ils y ont droit.
Cela semble romantique, tragique, et ça l'est, mais il ne s'agit pas d'une bluette. le thème du terrorisme, de la violence, l'histoire de ces jeunes musulmans qui se font endoctriner ou simplement tromper par des fanatiques, c'est cela l'intérêt du livre. Et Karin Tuil s'en empare avec conviction, avec force.
C'est une femme, et une seule femme, qui va décider du sort de celui qui, peut-être, deviendra un fou assassin.
Comment une société dite avancée peut-elle laisser le poids d'une telle responsabilité sur les épaules d'une seule personne ? Ce livre interroge aussi sur le fonctionnement de la justice dans ce pays.
Les pistes de réflexion sont multiples et dépassent largement le cas de conscience qui se pose au juge d'instruction.
Une lecture enrichissante.