Le carnaval des majuscules –
Maryna Uzun*****
le 14 novembre 2022, en guise de bon anniversaire !
J'avais un coup de blues hier soir, assez coriace , un deep blues pour être plus claire et ce matin il était toujours là à s'accrocher à moi comme les chimères sur le dos des hommes de
Baudelaire.
Suis sortie pour en parler aux hêtres aux frênes et aux oiseaux, je craignais les embêter mais ils sont très tolérants. C'était comme un jour de carême après le carnaval… mot magique au pouvoirs de sorcier… le livre m'attendait, une bouée de secours et le A « lettre fière et fantasque » m'ouvre « gaiement le bal de l'illustre Alphabet » Carnaval !
Génial génie l'esprit du carnaval. le A est « abat-jour » jamais rabat-joie, il est arlequin, troubadour aux facettes multiples et géométries cousues main en « accords », « arpèges » et refrains.
Boum badaboum ou bonjour si cela vous plaît, me dit le B « boursouflé...boudiné...ballonné » très fier d'être récompensé d'une coupe d'argent bleu métallisé. Cheveux en boucles, neige en boule, le beau blanc des visages dévoile son arc-en-ciel de couleurs. « Badauds », « baladins », bonhommes en tous genres, c'est tout un « bazar », sur le
Pont Neuf ainsi béni.
C'est le C crochu, coquin, recroquevillé, curieux jusqu'à se mordre la queue, un demi confetti, il tient la farandole ou le « cotillon », se courbe, se cadre, se cabosse ; souple, il se fait colimaçon ou « carrousel » et ne craint nullement les crampes, attend patiemment la pâte à modeler qui crie à gorge déployée : c'est un chef-d'oeuvre de fraîcheur de pétillance et de pages dessinées.
Diga-diga doo, un diptyque à rallonge « Et ça fait ding » et ce n'est jamais démodé, que ce soient des ducs, duchesses ou dentelles « pommadées », et j'aime encore plus les duos « dos à dos » des longs pianos à queue » qui jouent la danse « des trois petits dadas en bois ».
Ève monte sur son échelle, toutes les deux sont accentuées et veulent trouver les encyclopédies où le « e » est muet mais fort « efficace ».
Le plaisir monte en flèche et les fées minuscules sous la baguette de leur fée mère majuscule font le grand tour de « la foire en fête »
Je deviens très gourmande de ce repas grisant et pour bien déguster tous ces délices une halte s'impose, j'accepte alors avec joie l'hospitalité d'un hamac qui m'invite taquin dans son « nid de ouistitis ».
Je m'y plie en souplesse, ne suis plus droite comme un i et, « par une sorte d'ironie », « i c'est le signe qui [me] sourit »
J'aime toujours, de plus en plus le karnaval sans interdit sans frontières qui m'emmène en Australie et plus loin encore où les langues s'affranchissent des verrous harakiri.
L'automne est bien avancé même si l'été indien a encore un mot à dire, et nous manquons de vitamines, alors la lettre l'« longue barre d'un levier », à bout de bras nous soulève et nous soutient, lovable L !
La lettre M, mouette aux ailes dépliées, mmmh, merveille d'image !
Et j'arrive à mi-chemin avant la page de la fin. Mais quelle fin ?
Narcisse se voyait très beau, en était amoureux, mais l'eau miroir capricieux aux 1000 et plus reflets fuyants, se joue de son amour et le punit. Seuls les crapauds y restent et rient.
Oh est étonné devant l'invisible miraculeux, sa bouche en rond, cercle parfait, n'arrive plus à sortir un mot, oh c'est l'ordre du chaos.
La cuisine des majuscules, petits plats mijotés avec du sel, du poivre, de la cannelle et du miel, c'est un jour de fête pour les narines, l'odorat est comblé, tout est délicat, exquis, grand merci.
Le oh me touche, il va « tout droit au coeur » !
Le P, la poche qui se remplit sans répit, c'est Pi irrationnel et infini.
Mais que vois-je ? « la lettre Q s'est travestie », en quête de faste elle a mis son haut-de-forme son papillon et sa queue-de-pie. En demander plus, vous seriez des impies.
R comme rat, petits rats, ribambelle, ronde, farandole, plein de rires devant le rideau, derrière il y a un autre rire.
Renard rusé, sirène sidérée, musique muette au fond des mers, des rêves à laisser dormir ou à réveiller, comme il vous plairait.
Sans toi, magique poétesse, je chercherais en vain cette table d'apparat nous offrant un délicieux banquet épicé, doux-amer, imagé, frais et savoureux, invite des plus irrésistibles pour les amoureux des petits miracles éphémères.
Unis au-delà des cloisons et des frontières, des interdits et des « comme il faut », « coeurs battant à l'unisson », grands et petits, chevaux, ânes, oiseaux, poissons des mers et des ruisseaux, le vivant sur la planète Terre.
Si tout cela était possible on se prendrait par la main pour valser et s'envoler, et recommencer quand le bis nous rappelle que nous avons bien joué, wonderful, bien mérité et l'« étrange poudre de bois jaune » est la formule secrète d'une alchimie sorcière « boisson magique » qui ne me fait pas fuir mais avancer vers les épées croisées de la lettre dont vous devinez le nom et la portée.
Le i grec ou romain, c'est toujours celui qui me plaît, pour un yes accentué devant ce carnaval de couleurs, émotions, rythmes, goûts et parfums venus des îles Uzun pour nous rendre heureux et meilleurs.
Repas gourmand de grande fête « avec un [bon] zeste de folie », j'aime le z c'est du bzzz des abeilles, leur bon miel ambré.
A b c d jusqu'au z et c'est la fin de la fête, pour apprendre à la continuer, Maryna l'a signée.
La fée, de sa baguette inspirée, a fait chanter et danser Euterpe, Calliope, Erato, Terpsichore, Polymnie, clowns et bouffons, ogres et trolls et tout le commun des mortels rebelles à l'apprêt, aux lois rigides, aux définitions sans sens et beaucoup d'a priori, aux pépins avalés coincés et rouillés.
«Mais le bonheur c'est… de l'éther
C'est un liquide volatil
Qu'on laisse fuir tels des babils
Tel quelque chose d'infantile…
Tel quelque chose de futile…
Mais à présent, tout est à Vous !
Ne manquez pas le rendez-vous ! » p.102
Comment aurais-je pu le manquer ?!