La vie était trop belle pour se laisser troubler par les imbéciles. Nathalie était jalouse, voilà tout. Vieille rancœur, vieille histoire : ses filets, tendus pourtant avec art et persévérance, n’avaient pas péché les fils de notables qu’elle espérait. Elle s’était rabattue sur Georges Harcourt. Après tout, à partir d’un certain nombre d’hectares, un paysan devient un exploitant agricole. Grâce à son acharnement, les hectares s’étaient multipliés suffisamment pour que Georges devienne un propriétaire foncier. Il avait oublié jusqu’à l’odeur du fumier, Nathalie avait pu s’introniser dame patronnesse…
Je n’ai rien contre une aventure, quand le prétendant est séduisant, ce qui est votre cas. Vous m’attirez, je ne le nie pas. Je ne suis pas la vieille fille coincée des caricatures et…
Même si son intelligence s’insurgeait. Le bilan de sa vie était on ne peut plus positif. Quarante-cinq ans, certes, mais bien remplis. Ne pouvait-elle être fière d’une réussite professionnelle hors du commun ? Fière d’un métier qui lui avait fait sauver des dizaines de vies humaines ?
Elle ne pouvait pas lui dire qu’une femme, quand elle brigue une carrière politique, n’a pas le droit d’être amoureuse – surtout d’un homme tellement plus jeune qu’elle. Elle ne pouvait pas lui avouer qu’elle ne se sentait pas de taille à affronter les préjugés, les ragots.
C’était toujours la suprême récompense : le patient, arrivé au seuil de la mort, et qui renaissait, grâce à l’acharnement des sorciers en blouse blanche.