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EAN : 978B001BNGOYG
E. Dentu (30/11/-1)
5/5   2 notes
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
La province, ses moeurs et ses jeunes filles à marier : classique mais très caustique avec la plume de Louise Vallory (ou Boullay)
La brutalité des moeurs provinciales est d'autant plus sévère que les jeunes filles, particulièrement en province, sont éduquées d'une façon à demeurer naïves, innocentes et rêveuses : « Claire, c'était le nom de la jeune fille, manquait à la réunion ; elle aimait mieux rêver en pleine liberté et donner un dernier regard à ses châteaux en Espagne dorés par les rayons du soir. Ils sont si beaux ceux qu'on fait à vingt ans, quand on habite la province et qu'on a de la poésie au coeur. Rien ne distrait de la contemplation de l'idéal, et l'on jette là tout ce qui manque à la vie. »
Une excessive rêverie contrariant les projets des parents : celui de se débarrasser sans frais ni dot de leur fille avec M. Hilaire, le jeune notaire du coin.
D'une rare beauté, Claire laisse cependant le notaire quelque peu dubitatif par sa timidité volontairement irrévérencieuse et méprisante.
L'inspection de la jeune fille à marier est alors complétée d'un interrogatoire bassement prosaïque :

«- En ménage, la beauté n'est qu'un accessoire (…)
-Elle m'a paru un peu pincée (…)
- La position est-elle solide ? c'est le point important. (…)
- Encore jeunes ? (Demande-t-il au sujet d'oncles auxquels Claire pourrait hériter)
- Goutteux et d'une santé délabrée (On lui répond)
- Je vois qu'il ne faut compter sur eux que comme plat de dessert. Je viens d'acheter une charge, songez-y ; si je me marie, c'est avant tout pour éteindre ma dette et asseoir ma position. Il me faut de l'argent comptant. »

Tandis que son père, ou plutôt ce « négociateur de cet effet de commerce qu'on appelle une fille à marier » abaisse tant bien que mal les soupçons sur sa fortune familiale, sa mère évoque d'ores et déjà, dès la première visite, l'idée du mariage :
«  Comment trouves-tu M. Hilaire ?
— Ma mère, je n'en veux point pour mon mari.
— Pourquoi ?
— Il ne me plaît pas.
— Il ne peut te plaire encore ; tu l'as à peine vu.
— Alors, pourquoi me demander mon opinion sur
lui ?
— Quelle insupportable raisonneuse (…) Voilà les idées romanesques de mademoiselle qui prennent l'air »

Claire est accablée de propos culpabilisants par sa famille, chacun à sa manière : « De mon temps, on disait à une fille : choisis entre le mari qu'on te propose et le couvent ; dans l'alternative, elle prenait presque toujours le mari. » lui est, en autres, assenée par sa vieille tante.

On alterne une douce et lente torture par de maladroites et grossières attentions ; quelques fleurs gauchement déposées à chaque visite par M. Hilaire sur les conseils du père, et de sèches réprimandes de l'autre.

Rien de poétique ne se prête, même en y mettant les formes, à ce bas notaire de province, représentant le petit bourgeois médiocre. Claire le pressent à merveille : « Les excellents garçons sont des hommes détestables, à mon avis ; natures rondes et bonaces, esprits boursoufflés, sans couleur, qualités négatives ; on ne peut leur adresser aucun reproche, mais on ne les aime pas, et le coeur ne se sent pas abrité par leur coeur »

Tout, en son attitude, sa démarche, son caractère grossier, renforcent gravement le statut austère de notaire qu'il porte :

« Si sa vie n'avait nul mouvement, par contre, son esprit faisait les plus folles chevauchées; elle se rêvait un mari sur le patron d'un amant; elle le rêvait (quelle erreur !) beau, spirituel, passionné, l'oeil ardent et le teint pâle. Au lieu d'être un héros de roman, M. Hilaire est un parfait notaire, l'homme le plus positif, le plus terre à terre qui existe sous le soleil, et complètement dénué de ce sens qu'on appelle l'imagination. »

Étrangement, l'élément qui détermina le plus sa résignation au mariage est la crainte de faillite de ses parents : « Ton père, entraîné par des spéculations commerciales, a engagé, a compromis ta fortune personnelle. M. Hilaire offre une position solide, tout le bien-être matériel qu'on rêve pour une fille chérie. »

L'affaire est excellente au moment où l'on peut encore duper son partenaire. A trop attendre, elle se retrouverait fatalement célibataire pour la vie entière, personne ne se marierait à une fille sans dot… « Que de mariages se font ainsi et ne sont qu'une compresse mise sur quelque plaie d'argent ! »

L'époux concorde aux intuitions de Claire : effectivement grossier et sans la moindre spiritualité, il n'est guère animé par les spectacles et visites parisiennes lors de leur lune de miel, il dort en ronflant au théâtre et n'adresse aucun mot d'attention à sa femme si ce n'est de se plaindre en ayant l'élégance de causer d'argent à tout propos : « J'en ai assez de Paris, continua Hilaire: dépense fatigue, nul plaisir ; se coucher tard, se lever tôt et voir sa bourse se vider sans se remplir; diable ! ce n'est pas comme cela que je comprends la vie. »

Aux tourments de la célébration et de la lune de miel se succèdent le long supplice des visites post-marital : un tas de scènes comiques où l'on voit les deux époux se forçant à faire bonne figure en se présentant au hasard dans telle ou telle maison d'une lointaine cousine, tante, amis de la famille…

On ne lui souhaite pas les plus belles félicités conjugales, nullement, on l'accable encore d'insinuations malveillantes, enviée de la chance qu'elle semble avoir : « ça a été gâté, élevé dans du coton ; ça ne fera jamais une femme d'intérieur comme ma fille. » le tout suivi de quelques détails risibles quant à l'intérieur des maisons : « Ces dames ont un salon dans lequel on n'entre jamais ; à quoi leur sert-il ? à dire qu'elles en ont un, et c'est ainsi qu'en province on comprend le luxe : on a de belles choses, mais on ne s'en sert pas, elles sont enfermées dans les armoires ; mêmes les chenets des cheminées sont enveloppés de papier de crainte de les ternir. »

Exceptionnellement invités à une réception de haut rang du département : une scène surréaliste accueille le couple « Elle est assise devant son piano; elle joue du Chopin. Un chut universel accueille les nouveaux venus. Tous les regards sont tendus vers la muse avec une expression plus ou moins extatique (…) Mais le morceau est fini : un crescendo d'applaudissements, terminé par un bruyant point d'orgue, s'élève des quatre coins de la salle; la muse reste l'oeil fixe, le corps ployé, a demi pâmée ; dix bras s'élancent vers elle pour soutenir ses pas chancelants; elle choisit au hasard, et après avoir enveloppé l'élu d'un sourire de suprême protection, elle s'affaisse dans son fauteuil. Là, elle respire à plusieurs reprises un flacon de sels; ses yeux se ferment, s'entr'ouvrent; elle parle, tout bruit cesse, chacun se recueille; on dirait les Israélites autour du Sina, écoulant la voix de la montagne »
A ce haut degré de scène de théâtre grotesque suit des propos lourds et brutaux du notaire créant un léger désarroi dont il ne se rend nullement compte.

Le bal de la préfecture est le lieu par excellence où l'on s'affiche en province « quinze jours de préparation n'étaient pas de trop » (…) « Les salons de la préfecture sont un point de jonction entre les membres hétérogènes qu'on appelle la société d'une petite ville. Les réunions y sont nombreuses, froides, guindées, comme toutes les réunions officielles ; là noblesse y envoie quelques enfants perdus du parti ; la bourgeoisie y est en nombre, c'est là qu'on risque les modes excentriques, les danses nouvelles. »

Là encore, tout est ridiculisé par l'auteur : l'obsession du paraître : « ces demoiselles se mirent dans leurs toilettes; elles tournent la tête adroite, à gauche: il semble que mille petites glaces sont accrochées autour d'elles » ou les danseurs niais : « Claire passe, par la filière des danseurs ennuyeux, utilités d'un bal, nécessaires comme les moucherons aux jours d'été. 
Que répondre à des phrases comme celles-ci: Il fait bien chaud; on devrait ouvrir une fenêtre ! La soirée est charmante ! vous avez une délicieuse toilette ! La valse qu'on joue est ravissante !.. Et l'on appelle cela s'amuser ! (...)» Claire est remarquée par le préfet, les autres enragent « Une grande dame maigre, polkant avec un petit jeune homme pâle, enfonce un coude osseux dans le dos de Claire (...) »

L'entourage, celui-là même qui a incité au mariage, s'en moque allègrement dès que commence à courir les bruits de mésentente au sein du foyer : «  Rien n'amuse tant le public que ces souffrances intimes d'un mariage mal assorti ; il chuchote, il ricane, il prend une longue-vue pour mieux observer ; il donne toujours les torts à l'être le plus faible, le plus opprimé, et c'est toujours la faute de la femme. »

Claire s'exile un temps seule chez son oncle afin de s'apaiser, se promène le long de la mer et est secourue, engluée dans les sables mouvants, par un jeune poète errant tout comme elle.
Il ne faut que quelques paroles échangées pour séduire ce coeur en détresse. Trop simple, soudain, irréfléchi, prévisible ? Et ? L'auteur nargue le lecteur à ce moment précis : « Lecteurs, vous blâmez cette pauvre Claire, n'est-ce pas ?
-Vous l'appelez folle, coquette, inconséquente; une petite femme clair de lune, d'une sensitivité maladive, ne sachant que gémir et s'éprendre du premier oeil noir qui scintille sur sa route à la façon d'une étoile. Et maître Hilaire ?... le pauvre homme, il ne se doute de rien ; il a des défauts. — Qui n'en a pas ? — Il est brusque, peu courtois. — C'est un mari prosaïque ; — c'est un notaire. — Il aime sa femme à sa manière; — il ne lui verse pas son amour dans une coupe de Venise. — Sans doute, mais tout le monde n'a pas le moyen d'étaler un tel luxe. — Bref, il ressemble aux trois quarts des maris. — Oh ! ceci, je vous l'accorde. 
Hélas ! ce n'était point la faute de la femme ; ce n'était peut-être pas non plus la faute du mari. N'était-ce pas plutôt la faute du mariage ?… »

Le premier amour pur et sincère se forme avec Alfred, l'amant ; Claire mène maladroitement ses entrevues sous les yeux inquisiteurs de ses cousines puritaines. La relation se maintiendra par des correspondances, mais outre qu'Alfred soit parisien et qu'il oubliera Claire au gré de ses aventures mondaines, ses lettres seront interceptées par des voisins excessivement curieux comme il s'en trouve tant en province. Claire est déshonorée et fuit une nouvelle fois sans retour vers Paris afin d'y trouver la protection d'Alfred.
Claire est repoussée, traitée de fille puérile et naïve… C'est d'un tel contraste entre son amante parisienne, raffinée, spirituelle quoique superficielle, qu'Alfred n'a que peu de remords à se désengager. Il ne culpabilisera en définitive qu'au moment où Claire agonisera dans sa solitude, exclue de tous, au milieu d'infâmes parisiens qui ne s'en préoccupent point, isolée dans sa chambre d'hôtel.

Madame Bovary semble être le parallèle de Madame Hilaire, c'est ainsi qu'on présente le roman sur internet de nos jours, c'était aussi l'interprétation des journaux à l'époque de publication du roman (la Gazette, 12 juin 1859). Ce n'est vrai que dans les très grandes lignes : ce sont effectivement les points de vue et désillusions d'une jeune femme mariée et les moeurs de province, sujet classique.
Cependant, au-delà de nombreuses petites différences factuelles, c'est surtout un réquisitoire ouvert et explicite contre l'institution du mariage. Flaubert insinue, détaille un peu plus, Louise Vallory attaque au vif, revendique clairement ses positions, dresse tout un tas d'esquisses, multiplie les scènes, raille et tourne tout en dérision, désirant tout englober des moeurs de province, mais elle aurait gagner à se concentrer davantage sur quelques scènes marquantes, à réduire les nombreux personnages secondaires et à laisser supposer ses idées.
Ce n'est donc pas entièrement un roman, et en cela, non comparable à Madame Bovary, ce serait plutôt une ardente revendication à l'égalité dans les rapports conjugaux, un roman plus politique que littéraire. La plume est cependant délicieusement irrévérencieuse, outrageusement provocante et audacieuse pour l'époque, plus encore que Flaubert.
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