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sur 258 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Ne pensez pas que la vie ordinaire soit la vie tranquille.

J'avais hâte de lire les confidences de celle avec laquelle, depuis près de dix années, j'ai (presque) chaque jour, week-ends et grandes vacances exceptés, rendez-vous. Ce ne sont pas des cinq à sept, plutôt des dix à onze. Adèle van Reeth c'est une voix (mais pas que), douce, suave, indulgente, espiègle, des silences aussi, ceux qu'elle sait distiller à l'écoute de ses invités sur ces Chemins de la philosophie. La voix, sa tessiture, dont un philosophe (j'ai oublié son nom) confiait sur cette même France Culture qu'elle était plus essentielle que le contenu qu'elle annonçait...

Normalement, les trouvant par trop impudiques et ennuyeuses, je fuis les histoires de familles mais le récit de la normalienne m'invitait à la démythifier. Je me suis toujours demandé en effet qui étaient ces intellectuels et autres leaders d'opinion, avaient-ils trouvé la recette du métier de vivre, vers quelle transcendance s'élevait leur existence, dans quels endroits cette caste allait-elle dîner lorsqu'elle quittait les loges de Roland Garros ou au terme du dernier acte à l'opéra ? Et d'ailleurs se nourrissait-elle, allait-elle à la selle ou bien, pur esprit, ne se substantait-elle que de la monade chez Leibniz ? N'évoluait-elle que dans ce seul statut de "la vie en mieux" dont Truffaut caractérisait le cinéma ?

Eh bien non, outre le fait que l'auteure, par le détail, nous dévoile sa manière de pisser dans la nature, elle nous livre également sa façon d'être "belle mère" de trois enfants et, non sans un accouchement long et douloureux (certains praticiens exigent encore de la femme de mettre bas dans la douleur) son rapport tendre à la maternité.
Elle révèle aussi sa relation parfois difficile (pléonasme ?) avec son compagnon et cette fameuse "charge mentale" que subissent les femmes en leur foyer dans une société toujours patriarcale .
C'est, il me semble, un livre de femme empreint de beaucoup de sincérité et d'émotion, à l'endroit d'autres femmes, en une sorte de complicité sororale. Est-ce donc ainsi que les femmes vivent ?
Et en parallèle, l'erratique élaboration d'un livre, autre maïeutique, la vie et l'écriture.
L'intérêt de ce récit en est la façon d'expliciter comment une femme tente d'accorder sa vie, sensuelle, familiale, intellectuelle, professionnelle, de donner , à défaut de sens, un mouvement à ces répétitions, de s'arracher à l'immanence, à l'absurde vers la finitude, sans que jamais ou presque, la philosophie (Emerson, Thoreau, Cavell, Rosset) ne résolve sa problématique :" le soin qu'ils ont mis à n'apporter aucune réponse aux questions que je me posais est sans doute ce qu'ils m'ont légué de plus cher."

Pour l'anecdote, une de mes amies, intello, se désolait parfois de soirées avec certains de mes acolytes : "ça ne décolle pas" se lamentait-elle, cependant qu'aussi elle savait claquer la malheureuse porte de mon réfrigérateur en s'exclamant :" il n'y a rien à bouffer dans ton putain de frigo !" Tel est le difficile chemin de crête du quotidien, le paradoxe et l'aporie de nos exigences pour appréhender le réel et dans un subtil entre-deux, tenter d'unifier le corps et l'esprit.

Voilà donc, à défaut de l'essentialiser, un viatique pour aider à améliorer l'ordinaire (qui signifie mise en ordre), à se colleter avec les choses de la vie et leur intranquille contingence.

"l'existence ne contient ni mystère ni transcendance, ce que nous voyons n'est pas l'apparence qui cache une essence secrète, c'est tout ce qu'il y a à voir, le monsieur qui fait la queue au supermarché, la bordure du trottoir, les feuilles qui tombent ou qui poussent"

Et cependant, au delà de l'implacable lucidité, la consolation demeure :

"Dans la lumière chaude de fin de journée, le soleil, la mer et les rochers ne font qu'un, un monde qui n'a pas besoin de moi et que j'aime plus que tout."




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Philosophe et femme de télévision,Adèle van Reeth interroge dans ce livre entre essai et récit le sens de la vie, mais surtout le poids du quotidien que nous partageons tous : les dimanches, les parties de jeux de société, l'heure du bain.


.Enceinte de son premier enfant au moment de l'écriture du livre, Adèle van Reeth livre un témoignage philosophique et intime sur la parentalité, l'accouchement et la maternité

.Un quotidien que l'on recherche aussi désespérément que l'on souhaite le fuir parfois, tellement il peut contradictoire ...
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Une vie ordinaire ou la philosophie pour les nuls. L'ordinaire n'est ni le quotidien, ni le familier, ni le banal. C'est ce qui se passe quand il ne se passe rien. Il renvoit à la finitude de nos vies.
C'est bien écrit et le parti pris de mêler expériences personnelles et réflexions philosophiques permet au lecteur de s'immerger dans la réflexion de l'auteure sans être noyé par des concepts trop abstraits.

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L'écrivaine semble s'appliquer à elle-même le principe selon lequel : « Nos journées ne peuvent pas se composer exclusivement du récit que l'on en fait aux autres. Sinon, autant les inventer et, au lieu d'être des routiniers de l'ordinaire, devenons écrivains » (p 64).
N'est-ce pas ce qu'elle fait avec ce livre ?
Plus sur anne.vacquant.free.fr/av/
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Voilà un vrai bon libre de philosophie, pas un « essai », pas une écriture qui se déploie dans la stratosphère aseptisée du Monde des Idées. Exit la tour d'ivoire et la pensée éthérée. Ici, pas de pose qui en impose : la démarche est vécue, on pense les pieds dans le plat, enceinte, avec ses tripes dérangées, malgré ses fonctions naturelles intempestives, au milieu d'une vie sentimentale compliquée, parmi les autres qui font chier, etc.

C'est la signature du livre : pas de fard, pas d'apprêt, pas de fausse pudeur, mais un vraie question qui taraude dans une vraie vie qu'on ne dissimule pas. On n'est pas dans un amphi de la Sorbonne. Évidemment, une femme philosophe qui paie de sa personne, qui se met à nu et au niveau de ses semblables, en somme qui casse l'image idéale du philosophe académique ou de salon (une différence ?), surplombant le genre humain, prête dangereusement le flanc au malentendu, à la moquerie et au mépris faciles. C'est le prix de l'anticonformisme, du refus des formatages.

Le propos du livre : comment habiter sa propre vie quand on ne supporte pas la « persistance du même », quand, encore et encore, soudain il ne se passe en fait plus rien et qu'il faut endurer la durée ? AVR ne rêve pas d'une autre vie possible, elle veut s'approprier celle qu'elle a choisie en cessant d'être « de passage » pour échapper à la violence du même : les mêmes situations, les mêmes autres, les mêmes phrases automatiques, etc., tout ce qui est connu, trop connu et sans cesse revient, mais qui n'est ni le quotidien ni la banalité. Car autre chose, dans le réel, englue, étouffe, est insupportable : pour AVR, c'est ce que cristallise le mot « ordinaire » (qui pointe vers l'« extraordinaire »). C'est la philosophie américaine de Emerson et Cavell qui met l'autrice sur cette piste de l'ordinaire et l'invite à penser la question à partir des petites choses, (quand la philosophie européenne, elle, regarde vers le Haut) : « Je ne demande pas le grand, le lointain, le romanesque… j'embrasse le commun, j'explore le familier, le bas et suis à leurs pieds. » (Emerson)

L'ordinaire, qui insiste, c'est donc un point de départ pour penser ce qui ne nous laisse pas tranquille, nous empêche de simplement jouir de la vie, sauf à la vivre dans la mauvaise foi, en hypocrite. C'est le « degré zéro de l'existence » à attaquer, à problématiser avec les mots (philosophie oblige). La grossesse de l'autrice jouera ici un rôle décisif en lui permettant d'identifier la cause de son intranquillité et de s'en extraire un temps : accoucher a un effet sur la pratique de la philosophie. C'est le coeur palpitant de toute l'affaire et du livre (pour ne rien spoiler, motus).

Un livre d'une belle honnêteté, perspicace et d'autant plus vivant que le corps de l'autrice n'en est pas évacué et l'enseigne. Une philosophie qui intègre les effets du réel de la maternité dans le processus d'accouchement d'une idée. Et il est rappelé, à la suite de Virginia Woolf, le peu de temps et d'espace personnels dont une femme dispose dans la sphère domestique pour penser et écrire, a fortiori quand elle est mère d'un enfant et belle-mère de trois et qu'il va de soi que puisqu'elle est une femme, c'est elle qui… !

La fin du livre : la visite au père malade et mourant, leur amour réciproque, timide… J'ai eu le sentiment que dans ce moment rempli d'ordinaire brillait doucement l'extraordinaire et que ces dernières pages disent, peut-être, que l'amour est ce qui par excellence permet d'accueillir l'ordinaire. Car l'amour est toujours neuf.
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J'ai acheté ce livre, ayant beaucoup apprécié son émission sur LCP, hélas arrêtée. En tant qu'homme et père, j'ai aimé ce dialogue entre la mère et son enfant, débutant neuf mois avant la naissance et se prolongeant ensuite avec le père intervenant également.
Sans oublier les réflexions sur la vie ordinaire qui ne peuvent que résonner en chacun de nous
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C'est drôle comment un livre peut être compris tellement différemment d'une personne à une autre. J'ai adoré ce livre il m'a énormément parlé et certains passages m'ont littéralement bouleversés.
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Essai sur la vie ordinaire ? Roman de la découverte d'Emerson ? Récit d'une grossesse ?

J'ai aimé retrouver la voix et le phrasé de la journaliste animatrice de l'émission Les chemins de la philosophie sur France Culture, les matins à 10h.

J'ai aimé la suivre sur ses chemins : la découverte d'Emerson, sa grossesse comme création d'une vie extra-ordinaire.

L'image que je retiendrai :

Celle de l'escalade d'une roche en bord de mer.
Lien : https://alexmotamots.fr/la-v..
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C'est en écoutant l'émission « idées » de Pierre-Édouard Deldique sur RFI que j'ai eu envie de lire le livre d'Adèle van Reeth. Ce n'est pas de la philosophie c'est plutôt la description une tranche de vie qui s'arrête de temps à autre pour prendre du recul avec des philosophes ou des auteurs plus ou moins connus. J'ai ainsi découvert l'existence d'Oblomov… prince de la paresse décrit par l'écrivain russe Ivan Gontcharov. Une écriture alerte parfois poétique qui décrit un ordinaire qui ne l'est pas tant que ça… le déroulement d'une grossesse n'a rien d'ordinaire ni pour la femme ni pour le géniteur correspondant. Après cet éloge de la vie, j'ai été un peu mal à l'aise par la fin du récit… faut-il absolument sacrifier à l'air du temps ?
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Accrochée par extrait, ht lu Ko. Une voix, tenue tout au long, j'ai apprécié. Propos en revanche inégaux. AVR semble parfois touchante. Parfois agaçante de prétention et narcissime. AVR entre sincérité nue et VIP aimant bp (trop ?) la lumière. Quête éperdue de SON concept en philiosophie = fouillis et saoulant. Vie ordinaire. Vie pas ordinaire. Ça ne m'a pas intéressée. Sous texte je ressens tjs le présupposé de l'autrice qui se sent, se vit comme extraordinaire. Forcément extraordinaire. Des pages magnifiques quand elle raconte plus simplement sa vie. Fulgurances sur la grossesse, le nouveau-né, l'amour maternel, le rapport fille fraîchement mère face à son père adoré malade au bout de sa vie. le côté people avec Enthoven & C° est ambigu. Pas très sympathique. Nous met en position de badauds lecteurs de Paris-Match. Contente de l'avoir lu. Impression de capter un certain air du temps...
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