AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,91

sur 81 notes
5
6 avis
4
11 avis
3
4 avis
2
2 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Il fut un temps où l'Europe, l'union européenne donc, était une utopie ; maintenant c'est, au mieux, un constat, au pire, une catastrophe, allez savoir. En tout cas, "utopie" est probablement le dernier mot qui vient à l'esprit quand on entend ceux d'union européenne (le premier étant peut-être "administration"?). Heureusement, David van Reybrouck vient nous rafraichir l'esprit et raviver l'espoir d'une union utopique entre nations avec ce très beau texte, fruit d'une enquête menée pendant quelques années dans le village de Moresnet-Neutre (le nom changera à de multiples occasions), nommé ainsi en 1816 après un compromis consistant en une absence de compromis entre la Prusse et les Pays-Bas, délimitant des frontières "provisoires" et laissant un triangle dit neutre, n'appartenant ni à l'un, ni à l'autre... et 2016 marque précisément le bicentenaire de cette curiosité du droit international, curiosité située aujourd'hui aux frontières de la Belgique, de l'Allemagne et des Pays-Bas. C'est que pendant près de cent ans, les habitants de ce petit pays sans douane, ni langue officielle, ni monnaie d'ailleurs, vont vivre une véritable utopie réalisée. Des hommes et des femmes viennent s'y cacher, et la population augmente subitement en quelques décennies. Mais le rêve se termine avec les grandes guerres du début du vingtième siècle. Certains habitants se retrouvent alors dans l'armée allemande, d'autre sous le drapeau belge, parfois des frères se retrouvent face à face dans les tranchées - le cauchemar commence, et s'achèvera bien après la seconde guerre mondiale. Pour nous exposer cela, van Reybrouck a pu se pencher sur le destin d'Emil Rixen, né en 1903 dans ce curieux mais très attachant petit pays neutre et libre de tout nationalisme ; Emil changera, bien malgré lui, cinq fois de nationalité pour mourir en 1971 (l'année de naissance de David van Reybrouck justement, et la mienne au passage), et c'est travers ce destin particulier que cet essai - qui se lit d'ailleurs comme un roman tant il est passionnant - nous invite à réfléchir sur la fin d'une utopie européenne et le retour de la territorialité et des frontières, symboles de la résurgence des nationalismes ; reste quand même le souvenir de cet endroit extraordinaire, maintenant conservé grâce au travail méticuleux de l'auteur belge, travail dont le seul souvenir ravive peut-être en nous des envies et des rêves d'utopie - c'est à espérer. Excellent texte.
Commenter  J’apprécie          150
Dans cet essai, David van Reybrouck nous raconte l'histoire d'un petit village de la province de Liège à travers la vie d'Emil Rixen, né en 1903. Conçu dans une union illégitime, il naitra à Moresnet-Neutre où sa mère s'est réfugiée après avoir quitté Düsseldorf, et sera confié à l'adoption. Sans jamais quitté son village natal, il changera cinq fois de nationalité et sera enrôlé dans différentes armées.

En effet, la neutralité de cette région persistera jusqu'en 1919 mais ensuite, au gré des conflits mondiaux, Moresnet-Neutre sera ballotée d'un pays à l'autre, avant d'être définitivement rattachée à la Belgique par le Traité de Versailles.

Moresnet s'est construite et développée autour d'une usine de production du zinc. A l'aube de la révolution industrielle, ce graal est en effet très convoité. Non ferreux, malléable à haute température et parfait pour les alliages, il est aussi un excellent conducteur thermique et surtout il résiste à la corrosion. le zinc, allié au cuivre, produit du laiton, allié à l'étain, du bronze. Ce métal, produit en feuille ou en plaque, servira notamment de couverture aux toits de Paris pour faciliter l'évacuation des eaux de pluie, et favorisera l'essor de l'architecture de fer. On comprend donc la convoitise que ce petit territoire a éveillée.

L'histoire que nous raconte Zinc a un côté surréaliste ; par la situation d'abord, par les mille petits détails de la vie quotidienne ensuite. Ainsi, à Moresnet-Neutre seul le franc français a cours mais on accepte les pièces allemandes, le sou d'argent et le franc belge. Il n'y a pas de langue officielle et les habitants parlent l'allemand, le français et un dialecte local appelé Kelmeser Platt et qui mélange bas allemand et limbourgeois.

Ce court récit, parfois technique, toujours passionnant, m'a beaucoup plu. Non seulement parce que je connais ce village et cette région et ai pris plaisir à découvrir leur histoire que je méconnaissais mais aussi parce que van Reybrouck nous la conte merveilleusement bien à travers la vie d'un de ses habitants. Au point qu'on en vient à regretter qu'il ne soit pas plus long.
Zinc est aussi un bel éloge de la neutralité et de l'utopie en cette période de résurgence des nationalismes.

Commenter  J’apprécie          90
Dans ce petit essai, David van Reybrouck nous raconte l'histoire d'un minuscule territoire germanophone, situé à l'est de la Belgique, à la frontière avec l'Allemagne actuelle et très proche des Pays-Bas. Lors du congrès de Vienne de 1815 qui a retracé les frontières de l'Europe d'alors, les discussions entre la Prusse et les Pays-Bas (auxquels appartenait la Belgique) achoppent sur cette étroite bande de terre où se trouvait la précieuse mine de zinc de la Calamine. La solution est trouvée un an plus tard, à la signature du traité d'Aix-la-Chapelle : la zone devient territoire neutre et, sous le nom de Moresnet-neutre, elle est administrée conjointement par la Prusse et les Pays-Bas. Un casse-tête pour ce que l'auteur présente comme « une part de tarte de 3.44km2 ».

Venant de Prusse, la jeune Maria Rixen s'installe à Moresnet-neutre, qui est alors une petite ville de 3400 habitants, vers l'automne 1902 et accouche d'un fils quelques mois plus tard. C'est à travers la vie de l'enfant, Emil Rixen, que l'auteur nous raconte le destin singulier de la petite ville. A sa naissance, l'enfant ne reçoit pas la nationalité de sa mère Maria, qui était prussienne, mais il est inscrit comme « sujet neutre ». Au cours de sa vie, il changera cinq fois de nationalité, sans jamais traverser de frontière ; « ce sont les frontières qui l'ont traversé », nous dit l'auteur, au gré des guerres et traités qui se sont succédé au cours du XXème siècle.



« Et le voilà Emil, au milieu de soldats allemands et d'anciens nazis, lui qui a donné à son fils le prénom du roi des Belges, et dont la femme a refusé la Mutterkreuz. le voilà lui, l'homme qui a participé à l'occupation de l'Allemagne sous l'uniforme belge et à celle de la Belgique sous l'uniforme allemand, lui l'enfant adultérin, l'homme dont l'identité, tel un bloc de minerai de zinc, a été fondue et refondue si souvent qu'il en est résulté détachement et résignation. Un moderne Job, frappé et éprouvé par l'histoire. »



L'essai du flamand David van Reybrouck est très intéressant, notamment parce qu'il attire notre attention sur la communauté méconnue et trop souvent oubliée des Belges germanophones. Il pointe aussi du doigt les questions relatives à l'identité, les frontières, le nationalisme. Je n'ai eu qu'un regret après avoir lu ce court essai : que l'auteur n'ait pas fait, du destin de Maria et Emil Rixen, un véritable roman; certes, David van Reybrouck a préféré traiter le sujet sous l'angle historique et géopolitique -l'auteur est un essayiste avant tout-, mais son idée de s'appuyer sur la vie d'Emil Rixen contient un fort potentiel romanesque qui aurait prolongé le plaisir de la lecture…
Lien : https://lelivredapres.wordpr..
Commenter  J’apprécie          70
Ce court essai, qui se lit en une heure, présente l'histoire surprenante des quelques communes germanophones de l'est de la Belgique, tiraillées entre Belgique et Allemagne. de langue allemande, la commune de Moresnet fut un temps divisée en trois : l'ouest à la Belgique, l'est à l'Allemagne, et un petit triangle central déclarée zone neutre et dirigée conjointement par les deux pays. Parallèlement, l'auteur retrace l'histoire d'un homme, dont la vie, à l'instar du territoire, fut écartelée entre les deux pays, au point de changer cinq fois de nationalité. L'essayiste belge flamand David van Reybrouck apporte la preuve que n'importe quel sujet, fut-il très spécialisé et loin de nos préoccupations, peut devenir passionnant lorsqu'il est présenté avec conviction. le texte invite en filigrane à une réflexion sur la montée des nationalismes et le retour des frontières en Europe.
Commenter  J’apprécie          42
J'ai trouvé le sujet traité très intéressant. On parle de l'influence des conflits politiques sur la vie des personnes. Non pas en fonction des horreurs des guerres, mais en fonction du changement du sentiment d'appartenance à un pays. Ce qui est vraiment original. En effet, le personnage clé de ce roman vit dans un village qui fut neutre, allemand, belge, qui redevint allemand pour enfin reprendre la nationalité qu'il a encore aujourd'hui : belge.

L'essai nous décrit donc l'influence de ces changements incroyables sur une population qui se sent par moment paisible, puis délaissée et qui doit payer le prix des volontés expansionnistes de certains dirigeants européens.
Lien : https://armoirealire.wordpre..
Commenter  J’apprécie          42
On célèbre cette année le 50e anniversaire de la mort de Magritte. C'est le moment de visiter la Belgique et pour ses jeux de langage, je recommande en particulier aux Babéliens la grande exposition consacrée à Magritte et Broodthaers à Bruxelles.

"Zinc" n'a absolument rien à voir avec Magritte, si ce n'est que ce récit historique d'une septantaine de pages m'a fait découvrir un épisode complètement surréaliste d'un petit bout de territoire belge. Surréaliste car auriez-vous imaginé que dans dans quelques kilomètres carrés d'un si petit pays on ait exploité jusqu'à la fin du XIXe siècle la mine de zinc la plus riche d'Europe ? Il s'agit de la Calamine (Kelmis), dans les cantons germanophones de la Belgique (la calamine, c'est le nom du minerai de zinc); l'exploitant de la mine était la fameuse société Vieille Montagne.

Au début de cette histoire, la Belgique n'existait pas encore. La Calamine s'appelait alors Moresnet-neutre. le qualificatif résultait du fait que lors du traité de d'Aix-la-Chapelle, en 1816, la Prusse et les Pays-Bas n'étaient pas parvenus à se partager ce territoire et avaient décidé de le contrôler conjointement. Flou total dans le statut de ce bout de terre, où s'appliquait encore le code Napoléon ! En 1830, la jeune Belgique succéda aux Pays-Bas. Après plusieurs aller-retour entre la Belgique et l'Allemagne, suite aux deux Guerres mondiales, Moresnet-neutre devint définitivement belge en 1944. Entretemps, il y avait eu des tentatives de faire ce territoire neutre un territoire indépendant, avec l'Esperanto comme langue nationale !

Je vous invite à découvrir les détails dans le livre, qui vous en dira également plus sur le zinc, sans oublier les tristes épisodes de tous ces hommes qui, passant d'une armée à l'autre au fil des annexions, se sont trouvés à devoir combattre leurs copains du village.

J'ai pris plaisir à m'instruire en lisant ce petit livre. le plaisir aurait sans doute été plus grand s'il avait été écrit par Pierre Assouline ou Laurent Gaudé, mais je ne sais pas trop s'il faut blâmer l'auteur néerlandophone ou son traducteur (version originale: « Zink », Collectieve Propaganda voot het Nederlandse Boek en Uitgeverij de Bezige Bij, Amsterdam, 2016).
Commenter  J’apprécie          40
Voilà un petit livre qui se lit donc rapidement mais qui est vraiment étonnant. L'histoire d'Emil Rixen nous propose de nombreux rebondissements et pourtant elle est vraie.
C'est aussi l'histoire d'un petit bout de territoire, où Emil a vécu, et par delà celle de ses habitants, aux confins de l'Allemagne, des Pays-Bas et de la Belgique.
Une riche mine de zinc s'y trouve, alors qu'importe la vie (et l'avis) des riverains, les intérêts économiques priment. Et les deux guerres mondiales ne vont rien arranger, au contraire !
Destin des hommes face aux intérêts financiers, face aux intérêts des puissants. Ce livre nous en conte les péripéties et c'est une histoire curieuse, étonnante.
J'aurais aimé en savoir plus sur Emil Rixen, sur sa maman, sur ses parents adoptifs, sa vie de soldat... La lecture de ce livre m'a laissé un goût de trop peu mais pour cela David van Reybrouck aurait dû inventer ces détails et cela n'aurait plus été un essai, cela aurait été un roman.
Commenter  J’apprécie          40
Tout petit opuscule (75 pages) sur l'histoire du zinc. On l'extrayait à La Calamine, ce petit territoire coincé entre la Belgique, les Pays-Bas, l'Allemagne, déclaré neutre après la chute de Napoléon et jusqu'en 1919.
Le zinc connaîtra des heures de gloire au XIXe siècle, entre autres grâce aux toitures de Paris qui devaient être recouvertes de zinc.
C'est au travers de la vie d'Emil Rixen que David van Reybrouck choisit de nous retracer cette histoire.
Toute ma jeunesse j'ai entendu débiter les cours de bourse de "Vieille Montagne" chaque jour à la radio. Nous étions bercés par ces litanies.
Intéressant même si je me suis sentie un peu perdue dans les différentes nationalités subies au fil du temps par les habitants de Moresnet.
Commenter  J’apprécie          40
"Sans avoir déménagé une seule fois de sa vie, il a été successivement citoyen d'un État neutre, sujet de l'Empire
allemand, habitant du royaume de Belgique et citoyen du Troisième Reich. Avant de redevenir belge, ce qui sera
son cinquième changement de nationalité, il est emmené comme prisonnier de guerre allemand. Il n'a pas
traversé de frontières, ce sont les frontières qui l'ont traversé."

Ce court essai raconte l'histoire d'un homme, Emil Rixen (1903-1971) qui changea cinq fois de nationalité sans quitter son village. 

C'est aussi l'histoire d'un minuscule territoire  coincé entre Belgique, Prusse et Pays Bas : Moresnet-neutre

"nouveau mini-État, à l'inverse, était constitué de bois pour plus de la moitié de sa superficie et comptait tout au plus une cinquantaine de maisons et de cabanes éparses, abritant 250 âmes, regroupées pour la plupart au hameau de Kelmis/La Calamine."

Résultant du Traité des Limites en 1816, après la défaite napoléonienne, les Pays Bas et la Prusse ne réussissant pas à se mettre d'accord sur l'attribution de ce territoire recelant une richesse convoitée : la mine de Zinc. Ce micro-état possédait un drapeau. Il était soumis au Droit du Code Civil napoléonien, avait même choisi une langue officielle : l'espéranto et émis pendant quelques semaines un timbre-poste. le traité de Versailles (1919) a mis fin à cette bizarrerie diplomatique. Moresnet-neutre est devenu Belge mais l'Allemagne nazie a envahi ce territoire, et engagé de force ses hommes dans son armée bouleversant encore les citoyennetés. 

C'est aussi un essai sur ce métal qui a donné le titre à l'ouvrage de David van Reybroukdont l'exploitation récente au XVIIIème siècle et la richesse du minerai expliquent cette bizarrerie diplomatique. 

"XIXe siècle était le siècle du zinc, de même que le XXe allait devenir celui de la bakélite, de l'aluminium et du nylon. Les seaux, les arrosoirs et les bassines que Maria Rixen avait trimbalés en son temps dans la maison de son employeur : en zinc, sans aucun doute. Les chéneaux, les corniches et les gouttières de cette même maison : en zinc, très probablement. La baignoire, la lessiveuse, l'égouttoir : en zinc. La pommade pour ses mains desséchées et crevassées : à base de zinc. La revue illustrée qu'elle feuilletait en rêvassant : du zinc dans la
plaque d'impression, la photographie et la photogravure..."

La Communauté Européenne a fait disparaître les frontières qui se rejoignaient au Tripoint (convergence des frontières belges, allemandes, néerlandaises) La Covid va-t-elle les faire resurgir? 

Un essai qui tombe à point pour nous faire repenser aux frontières. une histoire originale et un livre très agréable.
Lien : https://netsdevoyages.car.blog
Commenter  J’apprécie          30
Dans le chaudron de l'Histoire.
On l'oublie souvent, mais la Belgique est formée de trois communautés: les francophones (les Wallons), les néerlandophones (les Flamands) et aussi les germanophones. Ce troisième pilier du royaume est souvent négligé car il ne regroupe que 70000 membres. Cependant, David van Reybrook vient nous en rappeler la présence à partir de la minuscule enclave du Moresmet-Neutre dont l'existence tenait à une mine de zinc, objet de convoitise de ses trois puissants voisins historiques. le propos de l'auteur n'est jamais désincarné car il nous raconte cette histoire à partir du vécu de certains habitants du territoire. Il nous montre ainsi l'évolution des frontières avec le temps (de 1816 à nos jours) et les conséquences pratiques et parfois surprenantes sur la vie quotidienne des autochtones.
Avec Zinc, on tient un livre très agréable à lire et passionnant sur un sujet rare mettant en perspective la relativité des frontières et des nationalismes et qui nous fait redécouvrir qu'entre le nord du Luxembourg et le sud du point de jonction de l'Allemagne et des Pays-Bas, 70000 Belges parlent allemand.
Commenter  J’apprécie          21




Lecteurs (166) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3200 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}